L'Assemblée nationale adopte de justesse l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution
Reste désormais aux députés à approuver le texte lors d’un vote solennel organisé mercredi, avant qu’il ne poursuive sa route au Sénat.
Le gouvernement peut respirer. L'Assemblée nationale a adopté, mardi 9 février, l'article controversé qui inscrit la déchéance de nationalité dans la Constitution. Bien plus nombreux que la veille dans l’hémicycle, les députés ont validé le texte par 162 voix contre 148, tandis que 22 d'entre eux se sont abstenus. Soit seulement 6 voix de plus que la majorité absolue.
La nuit précédente, ils avaient approuvé, à une confortable majorité, l'article concernant la constitutionnalisation de l'état d'urgence. Près de trois mois après les attentats du 13 novembre, l'Assemblée a donc validé les deux volets de la révision constitutionnelle annoncée par François Hollande trois jours plus tard lors de son discours solennel devant le Congrès à Versailles. Reste désormais aux députés à approuver le texte lors d’un vote solennel organisé mercredi, avant qu’il ne poursuive sa route au Sénat.
Des sueurs froides pour le gouvernement
Jusqu'au jour J, l'issue de ce vote sur la déchéance de nationalité, qui a fait couler beaucoup d'encre et provoqué la démission de Christiane Taubira, restait incertaine. S'ils n'ont pas réussi à imposer leurs vues, les opposants au texte ont donné quelques sueurs froides au gouvernement.
Mardi après-midi, une trentaine d’amendements visant à supprimer l’article 2 de révision constitutionnelle – celui qui contient la déchéance de nationalité – ont été débattus. Déposés par des députés de tous bords (de l’écologiste Cécile Duflot aux Républicains Pierre Lellouche et Nathalie Kosciusko-Morizet, en passant par d’anciens ministres socialistes comme Benoît Hamon), ces amendements ont été rejetés par 176 voix contre 108. Un score qui illustre la forte opposition, au sein de l’hémicycle, à l’inscription dans la Constitution de cette déchéance de nationalité.
Le projet du gouvernement n’est pas passé loin d’un détricotage en règle, en début de soirée, lorsqu’un amendement présenté par le socialiste Olivier Faure a été rejeté à seulement 19 voix près (87 voix contre 106). Et ce malgré les avertissements de Manuel Valls, qui avait exhorté un peu plus tôt ses troupes à ne pas voter d’amendements remettant en cause la parole du chef de l’Etat à Versailles. S’il avait été voté, cet amendement aurait vidé la réforme de sa substance, puisqu’il prévoyait de remplacer la déchéance de nationalité par une "déchéance nationale", c’est-à-dire une perte de droits civiques, sociaux ou familiaux.
Divisions à droite comme à gauche
Cet amendement repoussé, le gouvernement pouvait voir venir la suite du débat avec sérénité. L’exécutif n’a ainsi eu aucun mal, lors d’un vote à main levée, à faire voter la nouvelle mouture de son projet, qui supprime toute référence à la binationalité dans le texte constitutionnel. La faiblesse de l'avance avec laquelle a été voté l'article sur la déchéance de nationalité laisse toutefois planer un léger doute sur l'issue du vote solennel, mercredi, ainsi que sur la recherche d'une majorité des 3/5es au Congrès.
Les débats ont montré des lignes de fracture à l’intérieur de tous les groupes politiques. A gauche, il a fallu que l’exécutif emploie les grands moyens pour rallier la majorité à sa cause. "Nous sommes plus d’une cinquantaine à qui l’on a fait miroiter une entrée au gouvernement lors du prochain remaniement", assure un député PS. Malgré ces pressions plus ou moins appuyées, pas moins de 92 députés socialistes ont fini par voter contre l'article 2, bien au-delà du cercle habituel des frondeurs.
A droite, les Républicains sont coupés en deux à l’issue de ce vote, qui a vu 32 d'entre eux voter pour et 30 voter contre. D’un côté les sarkozystes, favorables à l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution, de l’autre un groupe emmené par Nathalie Kosciusko-Morizet qui y est opposé. La venue de Nicolas Sarkozy, mardi matin à la réunion du groupe des Républicains, n’a pas permis de contenir la fronde, et encore moins de ressouder l’opposition.
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