La scène se déroule jeudi 9 janvier 2003, entre 18h30 et 18h45. Une fillette de 9 ans, aux longs cheveux châtains et aux yeux verts rieurs, marche en direction de son domicile, à Guermantes (Seine-et-Marne). Elle est accompagnée d'une petite camarade. La lumière crue des réverbères les éclaire. Le froid les glace : après la neige, le verglas s'installe sur les routes. Elle dit au revoir à son amie, passe devant la boulangerie. Elle habite le dernier pavillon au bout du chemin. Il ne lui reste que 400 mètres à parcourir, toute seule. Elle n'arrivera jamais. Elle disparaît, comme happée par l'obscurité. Estelle, c'est son prénom, Mouzin, son nom.
Dix-sept ans plus tard, son père Eric Mouzin se rendra à Guermantes. Comme chaque année depuis 2004, après l'assemblée générale de l'association Estelle, il s'élancera de la place du Temps perdu, en référence à l'œuvre célèbre de Marcel Proust. Samedi 11 janvier, le cortège avancera, à pas lourds et en silence, derrière la pancarte "Aidez-nous à retrouver Estelle". Les participants se recueilleront autour de "l'arbre du souvenir", un cerisier du Japon, planté en 2005 à l'endroit où Estelle a été vue pour la dernière fois. Puis sera diffusée la chanson du compositeur Charlélie Couture, Estelle a disparu.
On ne sait toujours pas ce qu'Estelle est devenue, mais pour la première fois dans cette affaire, un homme a été mis en examen pour "enlèvement et séquestration suivis de mort", le 27 novembre. Il s'agit du tueur en série Michel Fourniret, surnommé "l'ogre des Ardennes", condamné en 2008 à une peine de réclusion à perpétuité pour huit meurtres. Son ombre plane sur le dossier, depuis le début. Son alibi – un appel téléphonique passé à son fils, le soir des faits – ne tient plus depuis que son ex-épouse, Monique Olivier, affirme avoir téléphoné elle-même, ce soir-là. Un rebondissement qui ne trouble pas Eric Mouzin. "C'est un fait. La seule chose dont je suis convaincu, c'est que j'ai affaire à des personnes en dehors de notre univers", réagit le père d'Estelle, qui continue son combat, malgré le temps qui passe.