Marcel Proust payait les journaux pour qu'ils encensent "Du côté de chez Swann"
Des lettres de l'auteur d'"A la recherche du temps perdu", mises en vente à Paris, nous révèlent qu'il proposait de l'argent en échange de papiers élogieux.
Marcel Proust n'avait-il pas confiance en son talent ? A l'occasion de la mise en vente à Paris, samedi 30 septembre, d'un exemplaire exceptionnel du premier volume d'A la recherche du temps perdu, des lettres de l'auteur révèlent qu'il usait d'un procédé pas franchement honnête pour obtenir de bonnes critiques dans la presse : la corruption.
"L'auteur français payait pour que des critiques élogieuses de 'Du coté de chez Swan' soient publiées dans les journaux", rapporte The Guardian (lien en anglais) jeudi 28 septembre. "Il les écrivait lui-même et les faisait taper par son ami éditeur, [Louis Brun, employé chez Grasset] afin qu'il n'y ait pas de traces de [son] écriture'", affirme le quotidien en faisant référence à ces lettres du romancier qui, avec d'autres échanges épistolaires, ont intégré l'édition du livre mis en vente chez Sotheby's.
Edition exceptionnelle imprimée sur du "papier japon impérial", l'ouvrage en question a été offert par Proust à Louis Brun, pour le remercier de l'avoir aidé à orchestrer ce stratagème.
Un "petit chef d'œuvre" qui "balaie d'un souffle les vapeurs soporifiques" de la concurrence
Selon les informations relevées par The Guardian, le riche écrivain aurait ainsi payé 300 francs pour qu'une critique positive de son ouvrage apparaisse en une du Figaro, et 660 francs pour qu'une critique élogieuse, rédigée Louis Brun, soit reprise en une du Journal des Débats.
Marcel Proust, adepte de l'autopromotion, avait, dans une lettre à son éditeur chargé de jouer les intermédiaires, décrit Du côté de chez Swann comme un "petit chef d'œuvre" qui "balaie d'un souffle les vapeurs soporifiques" des autres parutions. Son écriture "presque trop lumineuse pour l'œil (...) suggère la quatrième dimension du cubisme", écrit-il.
Dans l'une de ses lettres, Marcel Proust s'emporte contre Le Figaro, après que le quotidien a supprimé l'expression "l'éminent Marcel Proust" d'un article à son sujet. Selon les experts mentionnés par The Guardian, la quête de publicité désespérée de Marcel Proust s'explique en partie par le fait qu'il avait déjà lui-même payé pour que son roman soit édité. Avant d'accepter de publier le livre, Bernard Grasset jugeait en effet sévèrement le roman : "C'est illisible", avait-il commenté, avant de céder sous la pression de Louis Brun.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.