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GRAND FORMAT. Cherche MH370 désespérément : quatre ans d'errances entre ciel et terre pour retrouver l'avion de Malaysia Airlines

Marie-Adélaïde Scigacz le lundi 5 mars 2018

Le reflet d'un pilote dans le cockpit d'un avion AP-3C Orion de l'armée australienne participant aux recherches du MH370 dans l'océan Indien, le 24 mars 2018.  (AFP)

Du bleu à s'en faire mal aux yeux. Dans les jours qui ont suivi la disparition du Boeing 777 de Malaysia Airlines, le 8 mars 2014, huit millions de personnes se sont mises à sa recherche. A travers le monde entier, des anonymes ont épluché des dizaines de milliers d'images satellite. Sur une plateforme collaborative appelée Tomnod, ils ont fait défiler des millions de pages, scrutant sur leurs écrans la surface de l'océan, à l'affût d'une trace de l'avion disparu alors qu'il reliait Kuala Lumpur (Malaisie) et Pékin (Chine), avec 239 personnes à bord. Trop sollicité, le site a fini par planter. Le monde s'était pris de passion pour le vol MH370. Recherché par des passionnés – les "MHistes" –, des Etats et leurs armées, des scientifiques, des océanographes, des mathématiciens, des ingénieurs et même des médiums, l'avion reste pourtant introuvable.

Entre temps, l'Australie, la Malaisie et la Chine ont déboursé 130 millions d'euros dans une fouille minutieuse de l'océan Indien. En vain. Plus de 120 000 km2 ont été passés au peigne fin et des centaines d'avions et de bateaux ont été mobilisés au cours des différentes étapes de cette chasse en profondeur. Fin janvier 2018, la firme américaine Ocean Infinity a repris les fouilles sous-marines. Toujours sans résultat.

Quatre ans après la disparition en plein vol du MH370, franceinfo revient sur le fiasco au cœur du drame : l'histoire des recherches du Boeing 777, entre missions extraordinaires et grossières erreurs.

Le mystère de Pékin à Kuala Lumpur

Le 8 mars 2014, un panneau à l'aéroport de Pékin indique que le vol MH370 est "retardé". (JHPHOTO / IMAGINECHINA / AFP)

Ceux qui ont vécu le matin du 8 mars 2014 à Kuala Lumpur, en Malaisie, ou à Pékin, où l'avion ne s'est jamais posé, évoquent tous "le chaos". "Leurs avions survolent les océans, mais les Malaisiens n'avaient jamais imaginé qu'un jour, l'un d'entre eux puisse tomber dans l'eau", raconte Jean-Paul Troadec à franceinfo. Appelé à la rescousse, le Français, à l'époque directeur du Bureau enquête et accident (BEA), saute dans un avion à destination de la capitale malaisienne.

La dernière fois que le Boeing a été vu sur un écran radar civil, il survolait le golfe de Thaïlande, en mer de Chine. Du coup, les autorités y ont besoin en urgence d'une expertise en matière de recherches d'épaves d'avion. "Ils m'ont sollicité, pour les aider à déterminer quels étaient les moyens appropriés. J'y suis donc allé deux fois dans les semaines suivant l'accident", se souvient-il.

Quelques années plus tôt, Jean-Paul Troadec a dirigé les recherches de l'A330 d'Air France disparu entre Rio et Paris : une mission elle aussi hors-norme et finalement couronnée de succès, deux ans plus tard. Mais en 2014, l'expert découvre en Malaisie "une très grande confusion".

Je vois des gens qui ne savent pas quoi faire, qui sont sidérés par ce qui leur arrive.

Jean-Paul Troadec, ancien directeur du BEA

Dans ces conditions, rumeurs, fausses bonnes nouvelles et démentis torturent les proches des disparus, tandis que chaque heure qui passe voit de nouveaux pays proposer leur aide. La Chine (qui compte 152 ressortissants à bord), l'Australie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Singapour et l'Indonésie – entre autres – envoient des experts. Les bateaux qui se trouvent dans la région changent de cap et font route vers les lieux supposés du crash. Des dizaines de navires et avions affrétés par les pays voisins quadrillent la zone à la recherche de restes du Boeing 777 et, à l'époque, d'éventuels survivants.

Une tâche "plus difficile qu'il n'y paraît", assure le journaliste Desmond Lim, du Singapore Times, dès le 10 mars. Embarqué avec 18 soldats à bord d'un avion C-130 de l'armée singapourienne, il décrit des militaires les yeux rivés sur l'océan "jusqu'à ce qu'ils souffrent de nausées". Dès que l'un d'entre eux pense avoir aperçu un débris, ils lancent un marqueur, une bouée, par la porte arrière de l'avion, "accrochés à des harnais (...) suspendus au bord du vide". Ces missions, qui durent chacune 10 heures, sont aussi épuisantes qu'infructueuses. Et pour cause : l'avion n'est pas tombé là où l'on le cherche depuis une semaine, annonce finalement le Premier ministre malaisien, le 15 mars, une semaine après sa disparition.

Des membres de l'armée singapourienne cherchent le MH370, en mer de Chine, le 9 mars 2014. (DESMOND LIN / AFP)

Quand les radars civils ont perdu la trace du MH370, les radars militaires ont continué à le suivre pendant 45 minutes. Ces données, qui n'avaient encore jamais été révélées, déterminent une nouvelle trajectoire de l'avion, bien loin de son itinéraire prévu. Au-dessus du golfe de Thaïlande, il a fait demi-tour et traversé la Malaisie d'est en ouest, avant de longer le détroit de Malacca et de disparaître définitivement des écrans. Tous les écrans.

Le Premier ministre malaisien confirme enfin qu'un satellite de communication de la société britannique Inmarsat a toutefois reçu de faibles signaux émis par l'avion – à sept reprises – jusqu'à 8h19. Le Boeing 777 a donc volé plus de 6 heures, vraisemblablement jusqu'à épuisement de ses réserves de kérosène. Au bout de sa course, il se serait abîmé quelque part le long d'un arc savamment calculé à partir de la distance entre le satellite et l'avion au moment de l'émission de ce dernier signal : le "septième arc". Les calculs des experts d'Inmarsat révèlent deux hypothèses : soit l'avion a volé vers le nord, jusqu'aux plaines du Kazakhstan, soit il a pris la direction du sud, dans l'océan Indien.

"Quand on cherche pendant plusieurs jours avec des moyens monstrueux en mer de Chine et qu'on nous dit cinq jours plus tard qu'en fait les militaires malaisiens ont vu l'avion de l'autre côté du pays, et enfin qu'il a continué pendant des heures jusqu'au beau milieu de l'océan... Là tout de suite, on se dit que ce n'est pas possible", se souvient Ghyslain Wattrelos. Quand il se  remémore cet épisode, le ton du Français a gardé intacts sa colère et son exaspération. Son épouse, Laurence, ainsi que deux de ses enfants, Hadrien, 17 ans, et Ambre, 14 ans, se trouvaient à bord de l'avion. Ce sont les seules victimes françaises. Expatriés à Pékin, ils revenaient de quelques jours de vacances en Malaisie, en compagnie de la petite-amie de son fils, Yan Zhao, 17 ans.

En dépit de l'abattement et de la confusion qui règnent, le père de famille se souvient d'une certaine clairvoyance : "Là, j'ai tout de suite compris qu'il y avait un problème avec cette enquête." Quelques jours plus tard, le 24 mars, il reçoit, comme toutes les familles de disparus, un texto des autorités malaisiennes : "Nous regrettons profondément de devoir supposer, au-delà de tout doute raisonnable, que le vol MH370 a disparu et qu'aucune des personnes à bord n'a survécu. Comme vous l'entendrez dans la prochaine heure du Premier ministre malaisien, nous devons maintenant accepter que tout porte à croire que l'avion s'est écrasé dans le sud de l'océan Indien." Les passagers sont morts. La piste du Kazakhstan est définitivement écartée.

Une aiguille dans un vaste océan

Un navire militaire cherche des traces du MH370 dans le sud de l'océan indien, aperçu depuis un Orion P3 de la Royal Air Force néo-zélandaise, le 31 mars 2014.  (ROB GRIFFITH / AP / SIPA)

L'Ocean Shield, un gigantesque bâtiment de la marine doté d'un héliport et équipé d'un drone sous-marin, Bluefin-21, se lance dans une course contre la montre pour retrouver les boîtes noires avant qu'elles ne cessent d'émettre, à la mi-avril. Parti du port de Perth, le 1er du mois, le géant met plusieurs jours à rejoindre la zone de recherches et dispose d'une poignée d'heures pour mener à bien son impossible mission.

À ce moment-là, jusqu'à 26 pays s'activent dans l'océan Indien dans l'espoir d'apercevoir un débris qui permettrait d'affiner la zone d'investigation. Quarante-deux navires – des bâtiments de la marine australienne, un sous-marin nucléaire britannique, un navire d'exploration polaire chinois, etc. – et 39 avions sont mobilisés, soit 550 pilotes et un bon millier de marins venus du monde entier.

Presqu'au hasard, des avions larguent des bouées équipées de sonars dans l'océan, dans l'espoir de capter un signal venu des profondeurs émis par une boîte noire, un "ping". Désormais, les Australiens ont repris les choses en mains et se chargent des recherches pour le compte de la Malaisie, qui se concentre sur l'enquête. Sauf que "l'Australie fait n'importe quoi", souffle Ghyslain Wattrelos, désabusé. "Dès le départ, les autorités disent connerie sur connerie." En effet, à l'amateurisme des débuts s'ensuit la précipitation et, plusieurs fois, les autorités annoncent, à tort, entendre des "pings" correspondant aux boîtes noires.

Au téléphone, la journaliste Florence de Changy, correspondante à Hong-Kong de RFI et du Monde et auteure du livre Le vol MH370 n'a pas disparu (éd. Les Arènes), liste les ratés de cette phase des recherches : par exemple, "il y a ce bateau chinois, qui jure avoir entendu quelque chose, mais a 'oublié' d’enregistrer".

On nous parle de 'pings' prometteurs qui sont en fait émis par des animaux marins, comme des tortues ou des requins, pucés par les biologistes. Le pire, c’est qu’ils émettent une fréquence qui n’a rien à voir avec celles des boîtes noires, mais ça ne les choque pas. Une autre fois, un bateau annonce avoir détecté un 'ping', puis s’aperçoit qu’il en est lui-même la source.

La journaliste Florence de Changy

Pour résumer cet épisode, elle cite de mémoire un spécialiste des recherches sous-marine, qu'elle a interrogé en 2014 : "du grand n'importe quoi". "Personne n'imaginerait commencer des recherches sous-marines avec une telle incertitude sur la position de l'avion", lui assure à l'époque Jean-Paul Troadec. C'est pourtant ce qu'il va se passer.

Des militaires australiens lancent une bouée dans l'océan Indien, le 20 mars 2014. (AFP / LEADING SEAMAN JUSTIN BROWN / AUSTRALIAN DEFENCE)

En août, l'Australian Transport Safety Bureau (ATSB), l'équivalent australien de notre BEA, mandate la société néerlandaise Fugro pour sonder les profondeurs de l'océan. Leurs trois navires scientifiques sont envoyés dans une zone certes définie, mais presque aussi vaste que la Grèce et dont les profondeurs sont parsemées de canyons s'enfonçant jusqu'à 7 000 m. Quand il quitte le port de Fremantle, à Perth, chaque navire compte à son bord une quarantaine de personnes – 20 marins et 20 scientifiques de toutes nationalités – engagées dans une rotation de 42 jours : six jours de voyage jusqu'à la zone de recherches définie par l'ATSB, à 2 000 km des côtes, puis 30 jours de travail sur place et enfin, six jours pour le voyage retour. Un boulot ingrat qui durera plus de deux ans.

Dans ces bateaux massifs et suréquipés, les marins font face à des conditions de plus en plus extrêmes alors que l'hiver s'abat déjà sur l'océan Indien. Pendant la mission, ils essuient "pas moins de trois ouragans" et enregistrent une vague de 23 m, "l'équivalent d'un immeuble de six étages", explique à franceinfo un responsable de Fugro par e-mail.

Avec une telle houle et de grosses vagues, déployer et récupérer notre équipement s'avère très compliqué.

Un responsable de la société néerlandaise Fugro

Le "Fugro Equator", de la société néerlandaise Fugro, a participé aux recherches sous-marines du vol MH370, dans des conditions extrêmes, dans l'océan indien.  (FUGRO)

Leurs véhicules sous-marins autonomes (AUV), sortes de drones envoyés dans les profondeurs, évoluent à 100 m du sol marin et sont capables de fournir des images détaillées à 1 km à la ronde. Mais si loin des côtes, le moindre pépin coûte cher. En novembre 2015, un des marins fait une crise d'appendicite. Afin de le conduire en urgence dans l'hôpital le plus proche, le bateau "perd" deux semaines de travail. Début 2016, le rapport mensuel du JACC, l'organisme australien qui coordonne les recherches, annonce une nouvelle interruption : un des AUV vient de percuter un volcan sous-marin.

Il y a bien un bateau de recherche en eaux profondes chinois venu en renfort, mais il reste si longtemps au port de Fremantle que la presse locale finit par l'accuser d'espionner l'Australie. Quand, deux ans et demi après le début des recherches sous-marines, en janvier 2017, Sydney annonce la fin des opérations, le bilan est maigre, bien qu'elle ait permis la cartographie de 710 000 km2 de fonds marins (dont 120 000 dans le détail). Débris retrouvés : zéro.  Piste : aucune.

Chasse au trésor sur les plages

Des employés d'une association de protection de l'environnement cherchent des débris du MH370 sur une plage de Sainte-Marie, à La Réunion, le 10 août 2015. (RICHARD BOUHET / AFP)

Ironiquement, la première personne qui trouve un débris de l'avion est un homme qui ne cherche pas. Johnny Bègue. Vers 9 heures du matin, le 29 juillet 2015, près de la commune de Saint-André, ce Réunionnais cherche "un kalou pour pilonner des épices, pour le goûter". Il marche le long de la plage et aperçoit un large objet dans l'océan. "Il était dans les vagues, mais pas tout à fait. J'ai tout de suite pensé à un débris d'avion qui aurait pu tomber dans la mer." La presse et la gendarmerie débarquent aussitôt et le débris, identifié plus tard comme un morceau de flaperon , une partie de l'aile, est remis aux enquêteurs du BEA, direction la métropole, où il se trouve toujours, sous haute sécurité.

Dans les jours qui suivent cette incroyable découverte, la gendarmerie locale organise des patrouilles à pied le long du littoral, à la recherches de nouveaux éléments. Le 7 août 2015, le préfet de la Réunion, Dominique Sorain, annonce que de nouvelles recherches seront menées pendant une semaine au large de la côte est de l'île, dans une zone de 120 km sur 40 km, à l'initiative de la France. Un avion de l'armée effectue des vols de recherche en mer. Sans résultat. Aucun autre débris n'est retrouvé à cet endroit.

Des enquêteurs inspectent le flaperon trouvé le 29 juillet 2015 sur la plage de Saint-André, sur l'île de La Réunion. (REUTERS)

Les débris suivants sont découverts au printemps, sur un banc de sable au Mozambique. Cette fois, par un homme qui cherche : Blaine Gibson. "Ah, Blaine, le super-chercheur de débris", sourit Ghyslain Wattrelos avec une pointe d'ironie. Quand on lui demande ce qu'il pense de cet Américain qui a tout plaqué pour partir à la recherche du MH370, le Français décrit "un homme très intelligent". "Il marche très bien avec les familles, ajoute-t-il. Il a beaucoup d'empathie pour nous. Il est incroyable ce gars-là." Et de préciser, la voix teintée de regrets : "Mais je n'y crois pas."

Ghyslain Wattrelos est méfiant. Et pour cause, il reçoit chaque semaine depuis quatre ans des mails et messages d'inconnus qui prétendent savoir où se cache l'avion. Des personnages atypiques sortis de nulle part, passionnés par le drame qui a brisé sa famille. Il ne croit ni à l'incroyable altruisme de Blaine Gibson, ni à son extraordinaire chance :

<span>Quand Blaine va quelques jours au Mozambique, il trouve un débris. Quand il fait venir une équipe d'"Envoyé spécial", il trouve – encore ! –&nbsp; un débris. Il nous fait venir nous, les familles, à Madagascar, et bien sûr, il trouve un débris. C’est pas mal pour un seul homme, non ?</span>

Ghyslain Wattrelos, père et époux de disparus du MH370

S'il sous-entend que le héros de la recherche de débris puisse "être là pour surveiller ce que font les familles", il n'est pas en mesure de détailler. Pour qui ? Pourquoi ? Le Français préfère ne pas spéculer : "On me traite souvent de complotiste. On dit que j'ai perdu la raison, j'ai l'habitude." 

Il est vrai que Blaine Gibson, sorte d'Indiana Jones (dont il porte parfois le chapeau), est extraordinairement connecté et bien rencardé pour quelqu'un qui s'est mis en tête de chercher l'avion en tombant, par hasard, sur un reportage à la télévision : "Blaine, quand il va en Australie, il est reçu par le Premier ministre australien. Nous, les familles, on avait essayé. En vain. Quand il nous fait venir à Madagascar, on voit débarquer à 23 heures dans notre hôtel pourri le chef de l'enquête malaisienne. Blaine a son numéro de téléphone personnel. Il l'a fait venir. Moi ce mec-là, je ne l'avais jamais vu", détaille le Français, dubitatif sur les motivations de l'Américain.

L'enquêteur indépendant américain Blaine Gibson s'adresse à la presse avant de rencontrer les enquêteurs australiens de l'ATSB, le 12 septembre 2016, à Canberra, en Australie.&nbsp; (MARK GRAHAM / AFP)

En décembre 2016, il a accepté son invitation à le suivre, avec les autres familles de disparus, à Madagascar afin de sensibiliser la presse, les locaux et les touristes à garder l'œil ouvert quand ils arpentent les plages de sable fin. Au cas où. Mais encore faut-il que les débris ramassés soient versés au dossier d'enquête. Dans le meilleur des cas, ces pièces donnent lieu à de vagues communiqués des autorités malaisiennes et australiennes. Elles appartiennent "possiblement" au MH370, disent-elles. Elles doivent pourtant donner de précieuses indications, sur le lieu du crash comme sur ses circonstances.

"L'avion n'est pas là où on le cherche"

La société américaine Ocean Infinity met à l'eau un drone sous-marin, le 24 janvier 2018. (OCEAN INFINITY / AFP)

Quand le flaperon est retrouvé, en juillet 2015, les recherches sous-marines s'opèrent dans le sud de l'océan Indien. Elles suivent l'hypothèse du pilote britannique Simon Hardy, lequel est convaincu que l'avion s'est posé en douceur. Or, la découverte de débris suppose un choc violent. Parmi les "MHistes", beaucoup comprennent qu'il faut revoir leurs calculs. Comment localiser l'épave en couplant données satellites partielles et calculs basés sur la longue dérive de débris qui ont flotté, plus ou moins émergé, pendant plus d'un an, soumis à des courants et à l'action du vent ? Partout dans le monde, des experts, mandatés ou non par l'ATBS, se penchent sur la question. Beaucoup parviennent aux mêmes conclusions : il faut chercher plus au nord.

Comme cette affaire a passionné des milliers de personnes dans le monde, des milliers de scientifiques se sont auto-mandatés pour faire des études. Les enquêteurs se sont retrouvés avec une floraison de travaux sur les courants, sur les données des balises Inmarsat, etc., provenant de personnes plus ou moins légitimes.

Jean-Paul Troadec, ancien directeur du BEA

Au milieu de ces études issues d'universités et autres laboratoires du monde entier, "les travaux des organismes scientifiques menés sur la base des signaux satellites et de l’analyse des débris ont défini une zone de recherche qui n’a pas permis de retrouver l’appareil", résume simplement Jean-Paul Troadec. En décembre 2016, l'ATSB émet donc un dernier rapport dans lequel il concède avoir cherché au mauvais endroit. Quelques mois plus tard, en janvier 2017, il annonce l'arrêt définitif des recherches.

Pendant des mois, la société Ocean Infinity courtise la Malaisie, demandant de reprendre les recherches là ou les Australiens les avaient laissées. Elle propose un marché inédit : elle sera payée 70 000 dollars à condition qu'elle retrouve l'avion. En décembre, ses représentants rencontrent à Londres, pendant deux jours, des enquêteurs de l'ATSB, avant d'obtenir le feu vert de la Malaisie. Le 22 janvier, le Seabed Constructor, ses huit véhicules autonomes (AUV) déployables simultanément et son équipe (largement française) reprennent la mer. Direction le "septième arc".

Des chercheurs australiens&nbsp;mettent à l’eau de vrais morceaux de flaperons de Boeing-777 pour tenter de comprendre comment l’objet dérive, le 23 mars 2017.
 (REUTERS)

Comme toutes les familles, Ghyslain Wattrelos se réjouit de voir Ocean Infinity reprendre les choses là où l'ATSB les a laissées. Pourtant, "je crois que l'avion n'est pas là où on le cherche", martèle le père de famille. Où se trouve-t-il ? "Je n'en ai aucune idée, soupire-t-il. Cela dit, j'ai plusieurs certitudes : on nous cache des choses. Quelque part, des gens savent exactement ce qu'il s'est passé avec cet avion."

L'homme a décidé d'écrire à Emmanuel Macron, pour lui demander "les informations que la France a obtenues durant l'enquête", et notamment des photos satellite. Il se dit "à peu près persuadé que l'avion a été abattu". "Il y a trop de zones d'ombre, il y a eu trop d'incohérences et trop d'erreurs", déplore-t-il à l'issue de quatre années passées dans le flou, baladé d'annonces en annonces et de déceptions en déceptions. 

Ces nouvelles recherches m'intriguent, cela dit.&nbsp;Ils sont capables de nous retrouver quelque chose.&nbsp;

Ghyslain Wattrelos, mari et père de victimes du MH370

Pour les "MHistes", cette ultime mission, c'est la bonne, se répètent-ils. Sur Twitter, l'un d'eux, l'Américain Mike Chillit, a même lancé les paris, promettant 500 dollars de sa poche à quiconque "sera le plus proche de l'endroit où Ocean Infinity trouvera l'épave". Tous suivent de près les allées et venues du Seabed Constructor, traquant ses déplacements via les sites internet qui permettent de suivre le trafic maritime.

Début février, première frayeur : le navire a coupé ses transmetteurs, devenant temporairement invisible au milieu de l'océan. Objectif de la manœuvre : ne pas éveiller de faux espoirs, alors que les équipes sondaient pour la seconde fois une zone d'intérêt. Citée par le quotidien australien The Star, une source proche des recherches l'assure : il faut absolument éviter l'emballement médiatique. Et les erreurs du passé. Et tant pis si cette discrétion contribue encore à alimenter les théories du complot. 

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