L’agglomération bruxelloise se réveille groggy. A Forest, certains habitants ont dû attendre la matinée pour rentrer chez eux et de nouvelles perquisitions ont été menées toute la nuit. Après la brève prise de parole du gouvernement la veille, une nouvelle conférence de presse est organisée dans la matinée, au parquet fédéral, cette fois. Avant d’entrer dans le bâtiment austère qui fait face à l’imposant palais de justice de Bruxelles, chaque journaliste est minutieusement fouillé, créant un retard de plus d’une heure.
A 11h30, le substitut du procureur révèle l’identité du forcené tué dans la planque de la rue du Dries : il s’agit de Mohamed Belkaïd, un Algérien de 35 ans. L’homme n’était pas connu des autorités, à l’exception d’un fait de vol simple en 2014. Plus tard, les enquêteurs découvriront qu’il est en réalité l’un des acteurs principaux des attentats de Paris. C’est à lui que les trois terroristes du Bataclan ont envoyé le SMS "on est parti, on commence", avant de semer la mort dans la salle de spectacle. Les deux fugitifs, eux, courent toujours.
A deux kilomètres de là, dans les bureaux de la police fédérale belge, les enquêteurs de la DR3, la section antiterroriste, travaillent d'arrache-pied. La veille, un appel de dénonciation les a convaincus que c’est bien Salah Abdeslam qui s’est échappé de la maisonnette de Forest. Au bout du fil, un ami du fugitif affirme aux enquêteurs que ce dernier l’a appelé pour lui demander de l’aider à trouver une nouvelle planque, explique L’Obs. Dès lors, l’attention des enquêteurs se focalise sur la banlieue bruxelloise. Esseulé, Salah Abdeslam n’aurait pas d’autre choix que de se tourner vers son cercle le plus proche, qu’il sait pourtant surveillé.
Les policiers réactivent les écoutes, tous azimuts, et passent au peigne fin les télécommunications de son entourage. D’après Le Monde, un appel, passé le 15 mars à un numéro qu'ils soupçonnent être celui de Salah Abdeslam, les met sur la piste d’un de ses cousins : Abid Aberkan. Ce trentenaire, père de quatre enfants et employé depuis quinze ans dans une entreprise de nettoyage, lui est toujours resté fidèle.
La solidarité familiale est tout ce qu’il reste à l’homme le plus recherché d’Europe. Lorsqu’il appelle son cousin, Salah Abdeslam est désespéré et n'a nulle part où aller. Dans la nuit du 15 au 16 mars, Abid Aberkan vient les chercher, lui et son complice Sofiane Ayari, en voiture et les cache dans son garage pendant une heure, comme le révèle le documentaire Belgique, frappé au cœur des chaînes RTBF et VRT. Puis il reprend la route avec les deux fugitifs en direction du logement de sa mère.
Le petit deux-pièces avec buanderie est situé au rez-de-chaussée. Il comporte une cave où un gros tapis rouge leur permet de dormir au milieu du désordre. L’adresse : 79, rue des Quatre-Vents à Molenbeek, à seulement 700 mètres de la maison familiale des Abdeslam.
Grâce au bornage du téléphone d'Abid Aberkan, les enquêteurs braquent leur attention sur ce petit immeuble en brique, typique des quartiers populaires de Bruxelles. Sans preuves, ils ne veulent cependant pas prendre le risque de lancer une perquisiton en plein cœur de ce quartier qui a vu grandir les frères Abdeslam.