: Vrai ou faux Présidentielle américaine 2024 : Kamala Harris a-t-elle vraiment repris un slogan nazi lors de sa campagne ?
Une étrange attaque en marge de la convention démocrate. Kamala Harris, vice-présidente des Etats-Unis, est devenue officiellement la candidate du parti à la place de Joe Biden, mardi 20 août, dans la course à la Maison Blanche qui l'oppose à Donald Trump. Deux jours plus tôt, l'activiste américain Ryan Fournier, co-fondateur de l'organisation Students for Trump, affirmait sur le réseau social X que "le message de Kamala, 'La force par la joie', dérive de celui des nazis". Son tweet a été partagé plus de mille fois, notamment par des adversaires du camp démocrate et des comptes prorusses.
Une chose est vraie : la campagne de Kamala Harris a plusieurs fois fait référence à la joie. Lors de la convention démocrate, "on a beaucoup entendu ce terme. Kamala Harris est la présidente de la joie, comme l'a répété Bill Clinton", rapporte Frédéric Arnould, journaliste à Radio-Canada, interrogé par franceinfo. Mardi 6 août, lors d'un meeting à Philadelphie (Pennsylvanie), son colistier Tim Walz avait estimé que Kamala Harris était une candidate capable de "ramener la joie" dans le pays. Le lendemain, le duo s'est qualifié de "guerriers joyeux" contre Donald Trump, relève AP.
La "joie" mentionnée à huit reprises
Il s'agit de "faire un contrepied" face à un "Donald Trump âgé, au discours anxiogène et violent", analyse Antonin Atger, doctorant en psychologie sociale à l'université Brunel à Londres et spécialiste des théories du complot. "Kamala Harris s'inscrit dans une filiation avec Barack Obama en incarnant l'espoir et le renouveau", ajoute-t-il. L'ex-président américain a d'ailleurs adoubé Kamala Harris en transformant son propre slogan "Yes, we can !" en "Yes, she can !".
Si le mot "joie" est revenu à huit reprises lors de la convention démocrate et lors des meetings qui l'ont précédée, selon le décompte de Newsguard, ni Kamala Harris ni son colistier Tim Walz n'ont utilisé l'expression "la force par la joie", que l'on peut traduire par "kraft durch freude" en allemand. Il s'agit du nom choisi par Adolf Hitler en 1933 pour son programme de loisirs qui a permis par exemple à des ouvriers de partir en croisière.
"Le principe de la rumeur, c'est de se baser sur quelque chose qui est vrai et de le déformer pour lui faire dire ce qu'on veut. La vraie utilisation du mot 'joie' permet de nourrir cette rumeur."
Antonin Atger, spécialiste des théories du complotà franceinfo
"On part d'une affirmation sur laquelle tout le monde est d'accord – le fait que le mot 'joie' a été utilisé par Kamala Harris et Tim Walz – et on dérive vers des affirmations de plus en plus fausses", poursuit le doctorant.
Une stratégie de décrédibilisation
Rien que le dimanche 18 août, jour où l'activiste Ryan Fournier a partagé cette fausse information, les mots "La force par la joie" et "Harris" ont été mentionnés ensemble près de 9 000 fois dans les publications sur les réseaux sociaux et dans des articles, selon une analyse de Newsguard.
Cette fausse information cache des intérêts bien précis pour ceux qui la diffusent, en particulier chez les comptes prorusses. "Leur but, ce n'est pas la véracité des choses. C'est de décrédibiliser Kamala Harris, parce que les Russes soutiennent Donald Trump, qui a affirmé son affection pour Vladimir Poutine. Si Donald Trump est élu, le soutien à l'Ukraine va faiblir", résume Antonin Atger. Cette rumeur s'inscrit, selon le doctorant, dans une guerre numérique que mène Moscou aux pays occidentaux.
Quant aux partisans de Donald Trump, "ils savent que [Kamala Harris] n'est pas une nazie", estime le spécialiste des théories du complot. "Cela permet de défendre leur candidat qui est en danger depuis quelques semaines, car Kamala Harris est au-dessus de Donald Trump dans les sondages. Tous les coups sont permis", observe encore Antonin Atger.
Cet usage du "bullshit en politique", à savoir l'emploi de la désinformation à des fins politiciennes, a été popularisé par Donald Trump dès son arrivée à la Maison Blanche, selon le doctorant. Pour l'instant, le candidat républicain à la présidentielle ne "cherche pas encore à diffuser de théories du complot élaborées" sur Kamala Harris, relève Antonin Atger, comme il a pu le faire contre Barack Obama et Hillary Clinton. Mais cela pourrait bien changer, car "la dynamique est en faveur du camp démocrate".
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