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Vrai ou faux La consommation d'eau des golfs français équivaut-t-elle à celle d'une ville de 500 000 habitants, comme l'affirme Olivier Faure ?

En plein débat sur l'arrosage des golfs en période estivale, le premier secrétaire du PS a tenu a rappeler à quel point ils sont gourmands en eau. Il se base cependant sur un chiffre ancien, plus élevé que les dernières estimations.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Arrosage du gazon au golf de Seignosse (Landes), le 16 mai 2023. (GAIZKA IROZ / AFP)

Les golfs, trop gourmands en eau ? Alors qu'une enquête a été ouverte dimanche 20 août après la dégradation d'un golf dans la Vienne en marge du "Convoi de l'eau", leur consommation en eau fait de nouveau polémique. En août 2022, bien que concernés par les restrictions de l'usage de l'eau liées à la sécheresse, les golfs avaient été autorisés à arroser leurs greens, la zone d'herbe la plus rase qui entoure le trou, une décision qui avait interpellé l'opinion publique.

En réaction à la dégradation du golf du Haut-Poitou, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a tenu à rappeler l'importance de la consommation annuelle d'eau des golfs français, sur le réseau social X (anciennement Twitter) : "36 millions de m3/an soit la consommation [annuelle] d’une ville de 500 000 hab." Soit la population de Toulouse. Alors, d'où vient ce chiffre ? Et reflète-t-il la réalité ?

Le député PS-Nupes de Seine-et-Marne s'appuie sur un rapport sénatorial intitulé Qualité de l'eau et assainissement en France, remis en 2003 par l'ancien sénateur socialiste du Lot Gérard Miquel. Ce document, qui se base sur une étude de 1992 de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, donne un aperçu de la consommation d'eau par les golfs en France à cette époque. Des "données un peu anciennes", admettaient alors les auteurs du rapport, mais "des repères utiles".

Comment-ont ils fait leur calcul ? Selon le rapport, le prélèvement d'eau moyen, tous golfs confondus, est estimé à 6 800 m3 par hectare et par an (données actualisées en 1995). Les auteurs sont partis de la consommation des 107 golfs du secteur Rhône Méditerranée Corse (7,5 millions de m3 par an), et ont extrapolé ces données régionales à toute la France. Ainsi, ils ont estimé la consommation nationale à "36 millions de m3, soit la consommation annuelle d'une ville de 500 000 habitants" en 2002.

Le chiffre avancé par le député est authentique, mais calculé sur des données vieilles de près de trente ans. Les auteurs du rapport sénatorial rappellent par ailleurs que ces extrapolations "sont sujettes à caution", et qu'il existe "de très grandes différences selon les golfs, rendant hasardeux l'établissement de moyennes". Alors qu'un golf dit "rustique", destiné à l'apprentissage, va consommer en moyenne 3 800 m3 d'eau par hectare et par an, l'irrigation d'un golf "haut de gamme", destiné à la compétition, en requiert en moyenne 13 000, un volume trois fois plus important.

29 millions de m3 d'eau en 2010

Interrogé par franceinfo, le président de la Fédération française de golf (FFG), Pascal Grizot, avance le chiffre de 25 000 m3 par an par tranche de neuf trous pour la consommation moyenne nationale en 2010, citant un rapport de 2013 du ministère de l'Ecologie et de la FFG sur la préservation de l'eau (PDF). Ce même rapport estime à 29 millions de m3 d'eau par an la consommation du parc golfique français, soit 7 millions de moins que le chiffre du rapport sénatorial.

Toutefois, les données utilisées pour produire cette statistique sont parcellaires : sur 630 golfs contactés par questionnaire, 341 ont répondu, soit un taux de retour de 54%. Le calcul de la consommation nationale d'eau des golfs français repose donc sur des données qui ont été extrapolées. Il s'agit d'un repère, plus que d'une réalité.

Ces 29 millions de m3 d'eau représentent 0,7% de l'eau douce consommée dans l'Hexagone et la Corse (4,1 milliards de m3 en moyenne entre 2010 et 2018, selon le ministère de la Transition écologique). En comparaison, la majorité de notre consommation d'eau est dédiée à l'agriculture (57%), devant l'eau potable (26%). Aussi, la consommation annuelle du parc golfique équivaut à la consommation annuelle d'eau d'une ville de 450 000 habitants.

"Ce sont des quantités d'eau extrêmement importantes, je ne vais pas le nier"

Pascal Grizot, président de la Fédération française de golf

à franceinfo

Mais le président de la FFG tient à rappeler que "seulement 2% des surfaces des golfs [qui correspondent aux greens] sont arrosées" en période de sécheresse. A l'été 2022, "91 golfs ont eu une interdiction totale d'arroser", ajoute-t-il.

Face au manque de données, la fédération a lancé en avril 2023 une application appelée Platform.Golf, sur laquelle les clubs affiliés sont invités à renseigner la quantité et l'origine de leur consommation d'eau. "C'est un outil digital qui permet de remonter les chiffres au niveau national et de mesurer les efforts qui sont faits", se réjouit Pascal Grizot. Un enthousiasme partagé par Laurent Boissonnas, directeur du Groupement des entrepreneurs de golf français (GEGF) : "Ca permettra d'apporter des éléments factuels concrets supplémentaires à ceux qui ont une image erronée" de la filière.

Avant la création de cet outil, les golfs étaient déjà légalement tenus de rapporter leur consommation aux services de l'Etat, précise toutefois Maximilien Lambert, chargé de projet environnement et transition écologique pour la FFG. En effet, l'article R214-58 du Code de l'environnement oblige la tenue d'un registre de prélèvement, a minima tous les mois. Ce registre devient hebdomadaire en cas d'alerte sécheresse, prévue par l'arrêté préfectoral sur les restrictions d'arrosage. "Cette application permettra de professionnaliser le relevé de données et de fluidifier les échanges", anticipe Maximilien Lambert. En effet, ces données pourraient être communiquées plus rapidement aux agences de l'eau, établissements d'Etat gérant les ressources en eau, et à la police de l'eau en cas de contrôle.

Moins d'eau potable, plus d'eaux usées

Outre la consommation, la provenance de l'eau d'arrosage pose toujours question. Selon le rapport ministériel de 2013, 41% des golfs sont irrigués par des forages, 23% par un bassin de rétention d'eau pluviale, 17% par un cours d'eau, 10% par le réseau public (eau potable), 3% par des eaux brutes (canaux d'irrigation) et seulement 3% par les eaux usées. Soit 90% d'eau prélevée dans les milieux naturels, mais "impropre à la consommation humaine", souligne le rapport ministériel.

"La prise de conscience de la filière golf ne date pas d'hier. Cela fait depuis 2006 qu'elle a mis en place une commission dédiée à la transition écologique", rappelle Laurent Boissonnas, patron du syndicat des entrepreneurs du golf. Dans la charte de l'eau de 2006 (PDF), signée avec le gouvernement, la filière s'engageait à réduire de 30% en trois ans sa consommation d'eau potable provenant du réseau public. Objectif non atteint : elle a diminué de 20% en moyenne entre 2006 et 2010. Parallèlement, la consommation globale d'eau, toutes origines confondues, a diminué de 14% entre 2006 et 2020, selon un rapport publié en juin 2023 par la filière. Le même mois, ceux-ci ont signé un Manifeste sobriété eau de la filière golf qui fixe un objectif de réduction de 15% des volumes d'eau prélevés par les golfs, d'ici à 2030.

"L'objectif est de supprimer la consommation d'eau potable et de déployer des efforts pour trouver des sources d'eau alternatives, les plus durables possibles, issues des rejets industriels, des Step [stations d'épuration] et des laiteries", détaille Maximilien Lambert. A titre d'exemple, Israël réutilise près de 90% de ses eaux usées et l'Espagne 14%, notamment pour l'agriculture. En France, ce sont seulement 0,6% des eaux usées qui sont réutilisées. "On attend un décret que le président [Emmanuel Macron] doit signer pour alléger les conditions d'utilisation de l'eau recyclée. Si cela se fait, sur 700 golfs, au moins 150 pourront se brancher, à leur frais, sur des Step qui sont à proximité", promet Pascal Grizot.

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