: Vrai ou faux Faut-il vraiment faire 10 000 pas chaque jour pour être en bonne santé ?
Bip bip. "Vous avez marché 6 654/10 000 pas aujourd'hui." Si comme 87% des Français vous utilisez un smartphone, vous avez peut-être déjà reçu une notification de ce genre. Depuis plusieurs années, les téléphones portables intègrent des applications "santé" qui comptabilisent notamment votre nombre de pas. Les 10 000 pas, c'est ce que préconisent de nombreuses marques, enseignes de sport, applications de santé, blogueurs, compagnies d'assurance... Mais d'où vient ce chiffre ? Alors que les Jeux olympiques de Paris 2024 sont l'occasion pour les organisateurs de sensibiliser sur le sujet de la lutte contre la sédentarité, les podomètres et autres applications de sport sont-ils des outils utiles pour adopter un mode de vie plus actif ?
La première apparition documentée d'un objectif quotidien de 10 000 pas remonte à 1964, dans une publicité pour un podomètre japonais, commercialisé par l'entreprise Yamasa Corporation à l'occasion des Jeux olympiques de Tokyo cette année-là. Son nom : "Manpo-kei". "Manpo" signifie littéralement "10 000 pas" et "kei" se traduit par "mesure".
Un chiffre sans base scientifique avérée
A l'époque, le chiffre est fixé arbitrairement pour des raisons marketing. Il se retrouve aujourd'hui présent dans tous nos smartphones sans que l'on sache exactement pourquoi. "On vous le dit souvent : bouger est bon pour la santé. 10 000 pas par jour, c'est ce que préconise l'Organisation mondiale de la santé (OMS)", affirme sur son site web le magasin de sport Decathlon. Mais l'OMS recommande-t-elle vraiment de faire 10 000 pas quotidiennement ? Sur son site, on ne trouve aucune mention d'une telle préconisation. Les recommandations officielles de l'OMS consistent, pour les adultes âgés de 18 à 64 ans, à consacrer "au moins 150 à 300 minutes par semaine à une activité d’endurance d’intensité modérée", ou à "pratiquer au moins 75 à 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue". Avec, bien sûr, la possibilité de combiner les deux.
Contactée par franceinfo, l'organisation internationale confirme que, à ce jour, "aucune des recommandations de l'OMS ne s'exprime en nombre de pas". Elle estime cependant que faire 10 000 pas par jour peut être "un bon moyen de se motiver à être plus actif, en utilisant des podomètres". On en retrouve par exemple la trace dans un livret de directives de 2008*, rédigé par l'antenne de l'OMS pour le Pacifique occidental. Mais dans sa version actualisée*, la mention des 10 000 pas a disparu, pour laisser place aux directives officielles de l'OMS.
Ce chiffrage "ne se base sur aucune preuve scientifique", appuie la professeure Martine Duclos, cheffe de service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et présidente de l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps).
Le seuil des 7 000 pas
Face à la force de cette légende urbaine, plusieurs études se sont cependant penchées sur la question du nombre de pas à effectuer chaque jour pour rester en forme. Une étude américaine de 2019 conduite sur des femmes âgées de 72 ans* en moyenne a permis d'évaluer les bénéfices d'une augmentation de la marche quotidienne. Les chercheurs ont observé une réduction de la mortalité de 41% entre un groupe de femmes qui ne faisait que 2 700 pas par jour et un autre qui en effectuait 4 400. En revanche, au-delà de 7 500 pas par jour, l'étude conclut qu'il n'y a plus de bénéfices supplémentaires significatifs sur la réduction de la mortalité.
Mais le nombre de pas nécessaire pour rester en bonne santé peut varier d'un âge à l'autre. Une autre étude américaine, publiée en 2021 et portant sur des sujets ayant en moyenne 45 ans, a ainsi montré que les hommes et les femmes qui marchent 7 000 pas ou plus par jour ont un risque de mortalité moins élevé que ceux qui sont sous la barre des 7 000 pas. En revanche, marcher 10 000 pas ou plus n'est pas associé, selon l'étude, avec une réduction de la mortalité supplémentaire. Les chercheurs recommandent donc aux adultes d'avoir une activité physique représentant au moins 7 000 pas par jour.
Une méta-analyse de 2022 a montré que le nombre de pas était non seulement associé à une réduction du risque de mortalité, mais aussi à une réduction du risque de développer des maladies cardio-vasculaires. Si le chiffre arbitrairement fixé à 10 000 pas n'est donc pas fondé scientifiquement, l'activité physique, notamment au travers de la marche, reste bien sûr bénéfique pour la santé.
Marcher, c'est bon pour la santé
Même si vous êtes loin d'atteindre l'objectif de pas fixé par votre smartphone, n'abandonnez pas, car "ceux qui bénéficient le plus d'une augmentation de leur nombre de pas, ce sont ceux qui partent de rien !", souligne la médecin du sport Martine Duclos. Et si vous détestez vraiment marcher pendant une période relativement longue, il est tout à fait possible de remplacer la marche par une autre activité physique, assure-t-elle. "L'important, c'est de choisir une activité qu'on aime. On peut par exemple faire 30 minutes de vélo, idéalement quotidiennement, au minimum tous les deux jours", explique la spécialiste.
L'objectif n'est donc pas tant le nombre de pas que la régularité et l'augmentation progressive de l'activité physique. En pratiquant une activité quotidienne, "on déclenche des enzymes qui vont permettre de mieux capter le glucose, de moins stocker les lipides, d'irriguer les muscles et de développer les connexions neuronales", poursuit Martine Duclos. "On va vivre plus longtemps et en meilleure santé, dans son corps et dans sa tête !"
La marche conserve toutefois un intérêt spécifique sur la stimulation des os, contrairement aux sports portés, comme le vélo ou la natation. "La marche est particulièrement bénéfique pour la densité osseuse", explique la professeure. De plus, même si ce n'est pas un sport porté, "la marche, est l'un des exercices physiques les moins traumatiques et qui nécessite le moins d'équipement", abonde le pneumologue Daniel Piperno.
Pour les personnes âgées, c'est important de maintenir la marche", encourage Brigitte Tarkowski, présidente du conseil régional Occitanie de l'Ordre national des pédicures-podologues (ONPP). La marche permet en effet de "travailler sur l'équilibre de la personne, ce qui prévient les chutes", et de "préserver sa mobilité articulaire et musculaire, ce qui limite l'arthrose et évite l'atrophie musculaire." La marche peut devenir difficile avec l'âge, mais "même avec une canne, à petit pas, c'est tout à fait positif", assure la podologue.
"Il ne faut pas que ça vire à l'obsession"
Le poids peut également être un facteur de fatigabilité à la marche, "à cause des pieds plats ou des genoux en rotation", explique-t-elle. Dans ce cas, mieux vaut privilégier un effort un peu moins long mais régulier. "Une personne qui pèse 120 kilos, si elle ne marche que 20 minutes par jour, c'est déjà très bien. Il vaut mieux marcher même 10 minutes tous les jours que trop se fatiguer et abandonner", assure-t-elle. "Que vous fassiez 50 ou 100 kilos, il faut bouger. Pas uniquement pour perdre du poids, mais pour entretenir son système cardiaque, respiratoire et musculaire", avance le pneumologue Daniel Piperno. Le médecin met ainsi en avant la source de motivation et de "feedback positif" que peuvent constituer les podomètres et autres applications de sport.
Pour certaines personnes atteintes d'une maladie chronique parfois sans le savoir, le podomètre peut être un moyen de prendre conscience de la diminution de son activité physique. Car "quand on a une maladie respiratoire, cela entraîne un essoufflement à l'effort. On est essoufflé, alors on bouge moins, on marche moins, et on tombe dans un cercle vicieux où on est de plus en plus essoufflé à l'effort", alerte le pneumologue. Pour autant, "il ne faut pas être les yeux rivés sur le nombre de pas, il ne faut pas que ça vire à l'obsession", prévient-il. La marche doit faire partie du quotidien.
Reste qu'un kilomètre à pied, comme chacun le sait, ça use les souliers. Y a-t-il des risques à trop marcher ? Faut-il un équipement particulier ? "C'est une bonne chose à partir du moment où on est bien chaussé, avec des chaussures appropriées qui respectent la morphologie et la physiologie du pied", répond simplement Brigitte Tarkowski. Pour choisir une bonne paire de chaussures à porter tous les jours, privilégiez "des chaussures de ville à bout rond avec un talon inférieur à 5 centimètres, qui permettent de préserver l'avant-pied". Et si vous vous lancez dans une marche de plus d'une heure, il est alors préconisé de "porter des chaussures de sport, des baskets". La podologue déconseille surtout les chaussures à bout pointu qui "compriment les orteils et peuvent provoquer des déformations".
* Ces liens renvoient vers des contenus en anglais
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