Tour de France 2022 : comment les coureurs ont-ils vécu la neutralisation provoquée par des militants écologistes ?
Obligé de stopper sa progression à 37 kilomètres de l’arrivée en raison d’une manifestation, mardi, le peloton a vécu un épisode inhabituel.
La scène est atypique, presque surréaliste : en pleine course, Nairo Quintana est assis sur le bas-côté et observe le paysage, Peter Sagan fait signe à la caméra en sirotant un soda, Wout van Aert discute avec son directeur sportif. A l'arrêt forcé, tous s’occupent pendant cette pause incongrue à 37 km de l'arrivée, consécutive à une manifestation de militants écologistes qui ont fait irruption sur la route munis de fumigènes, mardi 12 juillet.
Les différents échelons ont compris un à un que la course s'est fait neutraliser. "On l’a pris à la rigolade avec les gars de l’échappée, on en a profité pour faire une petite pause pour faire le plein des bidons, manger un coup", explique Benjamin Thomas (Cofidis), parmi les premiers à l’observer puisque présent dans groupe à l'avant.
Sourires et décontraction
Derrière, les différentes grappes l'ont découvert à leur tour. "Ma radio s’est arrêtée, on m’a dit qu’il y avait une manifestation. Ça s'est bien passé, tout le monde était calme. Ça ne nous a pas trop perturbé", souffle Victor Lafay (Cofidis). Signe que l’ambiance était plus à la décontraction qu’à la frustration, les coureurs AG2R Citröen y sont même allés de leur trait d’humour une fois a à l’arrivée.
"Vu que je n’étais pas bien, j’ai appelé les Hauts-Savoyards pour qu’ils se mettent au milieu de la route !", plaisante Aurélien Paret-Peintre, en difficulté en début d’étape avant de finir dans le groupe des favoris. "On pensait que c’était des Belges pour qu’Oliver Naesen [leur coéquipier] rentre dans le peloton !", enchaîne, malicieux, son coéquipier Mikaël Chérel.
Après une pause de douze minutes pour l’homme de tête Alberto Bettiol (EF-Education-EasyPost), qui a passé sa frustration en tournant en cercle sur la route tel un fauve en cage, tous sont repartis avec des temps figés, et donc une situation de course identique. "Je pense que ça été bien géré par l’organisation car ils ont attendu, on a stoppé pile pour le temps de l'échappée", constate Paret-Peintre.
Mais repartir à bloc après une telle interruption n’a rien d’une sinécure, même pour des pros, et surtout pour les sprinteurs, déjà en difficulté. "C’était dur de retrouver les jambes lors de la dernière montée", explique Connor Swift (Arkéa-Samsic). "La remise en route a été laborieuse, mais on est tout de suite arrivé au pied de la dernière montée, donc on a pu faire le gruppetto et finir tranquillement", avoue de son côté Adrien Petit (Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux).
Une pause forcée bien négociée
Invité sur le plateau de Vélo Club, Christian Prudhomme a relativisé. "C'est un arrêt inattendu et intempestif. On est rarement bloqué, et là on l'a été quelques minutes. C'est arrivé à Roland-Garros, au Grand Prix de Grande-Bretagne à Silverstone, en championnat d'Allemagne de football, ça arrive aujourd'hui sur le Tour de France", rappelle le directeur du Tour.
Mais comment les coureurs ont-ils pris ce blocage, alors que la cause écologique s’invite de plus en plus dans le débat public ? Quinn Simmons, épinglé par le passé par son équipe pour des tweets de soutien à Donald Trump, était circonspect. "C’est un peu dommage. Il y a normalement plein de policiers lors des courses de vélo pour veiller à la sécurité", a évoqué le grimpeur américain, et benjamin du Tour.
Une cause juste pour plusieurs coureurs
D’autres ont immédiatement fait fi de la neutralisation, mettant au-dessus de la course la cause défendue. "On voit qu’on est dans une crise humanitaire avec les températures qui arrivent. C’est important qu’il y ait des gens qui manifestent, on a tous besoin d’être sensibles face à ça. Ça ne me choque pas du tout, je pense qu’il faut qu’il y ait de plus en plus de choses comme ça pour s’assurer que tout le monde réalise qu’on s’avance dans une crise", a assuré le Canadien Antoine Duchesne (Groupama-FDJ).
Enfin, d’autres sont plus partagés, comme Victor Lafay. "Ce sont des sujets importants, je sais que l’organisation a à cœur d’évoluer dans ce sens-là, sur les jets de bidon, des zones de déchets. C’est bien de manifester, après je ne sais pas si c'est bien de ralentir la course", précise le coureur de la Cofidis, rejoint par son compatriote Mikaël Chérel.
"C’est clair que la résonance médiatique du Tour, pour eux, ça représente beaucoup de visibilité. Il ne faut pas que ca donne des idées à d’autres, mais ça n’a pas faussé la course, c’est juste une anecdote", conclut le Français. Si la neutralisation de 2019 dans l’Iseran pour conditions météorologiques avait stoppé définitivement l’étape, celle de 2021 n’a été que temporaire, et le Tour va continuer sa route dans les Alpes.
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