Wawrinka, la trajectoire à suivre pour Tsonga
Leur différence d’âge est infime. A peine trois semaines d’écart. Stanislas Wawrinka a soufflé ses trente bougies le 28 mars dernier. Jo-Wilfried Tsonga ? Le 17 avril. Deux trentenaires. Deux trajectoires. Vendredi après-midi, elles se croiseront sur le Central de Roland-Garros. Sous la chaleur parisienne. Le rendez-vous était attendu depuis longtemps. Que le Suisse et le Français bataillent dans le dernier carré d’un Grand Chelem répond à une forme de logique. Presque une évidence ? Pas tout à fait. Depuis le Court n°4, où il entraîne Serena Williams, Patrick Mouratoglou ne masque pas sa stupéfaction. "La présence de Jo en demi-finale est une grosse surprise, souligne le coach français. Ses six premiers mois n’ont pas été très bons. Bien sûr, il a été freiné par les blessures. Mais personne ne l’attendait là maintenant. On l'attendait plutôt les autres années."
Seulement le Manceau, malgré un dernier carré à Paris en 2013, a perdu du temps. Sa finale à l’Open d’Australie, en 2008, aurait dû le booster. Paradoxalement, elle a freiné son ascension. "Jo n’a pas su s’en servir pour faire la carrière qu’il aurait pu faire. Quand on est en finale d’un Grand Chelem à 22 ans, on peut imaginer une toute autre trajectoire, avec X Grands Chelems, potentiellement une place de numéro un. Il a eu une très belle carrière. Mais en dents de scie."
"Sa victoire en Australie l’a décomplexé, c’est indéniable"
A l’inverse, Stanislas Wawrinka, lui, a connu "une progression linéaire". Marie-Laure Viola en a été une témoin privilégiée. Journaliste et productrice pour la Radio télévision suisse (RTS), elle suit le natif de Lausanne depuis une bonne décennie. Assise à une terrasse qui jouxte le Court Central, elle confie : "Déjà, quand il a gagné Roland-Garros juniors, on s’est dit : ‘Pas mal ce revers’. Tennistiquement, il était impressionnant. Mais il a tardé à exploiter son potentiel."
Sans doute parce qu’il vivait dans l’ombre de LA légende vivante du tennis mondial : son compatriote Roger Federer. Forcément, la comparaison avec l’homme aux dix-sept Grands Chelems l’a inhibé. "Stan a toujours eu du respect pour Rodger, reprend Marie-Laure Viola. Le problème, c'est que, pendant longtemps, il a fait un petit complexe. Sa victoire en Australie l’a décomplexé, c’est indéniable." Aux yeux de Patrick Mouratoglou, la métamorphose ne date pas du 26 janvier 2014. Elle est plus ancienne. "Tout le monde parle de cette finale comme un tournant. En réalité, ça fait trois ans qu’il a franchi un cap. Cette finale en Australie n’était qu’une suite logique de sa progression."
Stan a fait le ménage dans sa tête
Encore fallait-il la matérialiser par des résultats. Depuis, Wawrinka s’est hissé dans le dernier carré de l’US Open et de Roland-Garros, donc. A atteint les quarts à Wimbledon. Est devenu champion olympique de double, en 2012, avec Federer. Mais surtout, surtout, il a gagné la Coupe Davis avec son pays, en décembre dernier, à Lille. "C’est le signe qu’il a appris à maîtriser tous les à-côtés du tennis, décrypte Marie-Laure Viola. Stan eu besoin de rassembler les pièces de son puzzle. De faire du tri dans sa vie personnelle. Aujourd’hui, il est bien dans sa tête. Et quand on est bien dans sa tête, on est bien dans son tennis." Ça transpire sur les courts. Plus qu’avant. Même si Wawrinka "a toujours eu cette puissance, dixit Mouratoglou. Simplement, il a moins de déchets. Et il est très intelligent. Il sait frapper quand il faut frapper. Glisser les amortis quand il faut glisser des amortis. Au filet, il est adroit."
Bref, Wawrinka est devenu l’archétype du "joueur hyper-complet". Mais avec toujours une faille, mentale. "Il lui arrive encore de craquer nerveusement, reconnaît Marie-Laure Viola. Stan est un perfectionniste. Il peut très vite s’agacer s’il ne réussit pas le coup parfait." C’est de moins en moins vrai. Wawrinka se sent fort comme jamais. Encore plus depuis mardi. Mouratoglou : "Pour lui, le plus dur à battre, c’est Rodger. C’est fait. Face aux autres, il ne fait aucun complexe. Zéro." Vendredi, il n’en fera aucun face à Tsonga. Le privilège de l’âge ? D’une certaine manière, oui. Leurs trois semaines d’écart peuvent paraître insignifiantes. Elles représentent aujourd’hui un gouffre. Marie-Laure Viola l’analyse ainsi : "Jo a peut-être joué une finale de Grand Chelem trop tôt. Stan a eu le temps de maturer, de grandir." Le voilà en quête d’un deuxième Grand Chelem. Quand le Français, lui, court toujours après son premier sacre majeur. A 30 ans passés.
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