: Reportage “J’ai regardé les matchs des Bleus, et ça m’a donné envie de jouer” : le titre olympique provoque un engouement pour le volley
Faute de place, le club Tours volley-ball a dû refuser de nouvelles inscriptions pour cette nouvelle saison.
Au Tours volley-ball (TVB), le téléphone sonne et les cours sont complets. Ici comme ailleurs, il y a eu un avant et un après JO pour le volley tricolore. Au fil de la quinzaine et des matchs des Bleus, les Français étaient toujours plus nombreux à suivre les exploits des volleyeurs masculins. Preuve de l’engouement : ils étaient 6,8 millions à suivre la victoire de l’équipe de France en finale, en direct sur France Télévisions, samedi 7 août.
Deux mois après ce premier titre olympique, le lien que les Français ont noué avec leurs volleyeurs cet été est toujours intact. Une véritable histoire d’amour est née. Et les répercussions se font déjà ressentir dans les clubs amateurs.
Les jauges maximales atteintes
Cette année, au TVB, les coups de téléphone pour les inscriptions n’ont pas arrêté, à tel point que le club a dû refuser du monde. “D’ordinaire, notre jauge de licenciés avoisine les 310. Cette année, on est déjà à 325-330. C’est vraiment le maximum”, souligne Pascal Foussard, directeur général du Tours volley-ball, et ex-manager général de l'équipe de France.
“Avant de commencer, poursuit-il, on était déjà pleins sur quasiment tous les créneaux de jeunes et adultes loisirs. Dans la catégorie 12-16 ans, qui représente la majorité de notre effectif, on a dû refuser entre 80 et 100 enfants, avant qu'on arrête de compter. Aujourd’hui encore, on reçoit beaucoup d’appels.”
L’engouement dépasse même le cadre du club. “Depuis cette rentrée, on observe également une hausse des demandes pour intervenir dans les écoles, pour des cycles de 8 à 10 semaines pour des classes de CM1-CM2. Là aussi, nous avons dû refuser des demandes”, poursuit David Fradin, éducateur professionnel et salarié du club.
Ce mercredi 29 septembre, les cours s’enchaînent tout l’après-midi jusqu’à 21 heures et les flots de parents, venus déposer ou chercher leurs enfants, se succèdent. Yannick Marcillac, éducateur depuis quatre ans au club, se réjouit de cet engouement nouveau pour son sport. Son entraînement du jour, avec les 9-11 ans, le premier de la journée, regroupe une trentaine d’enfants, dont “beaucoup de nouveaux”. Plus que leur nombre, c’est leur enthousiasme qui domine.
Dans la salle omnisports du premier étage du Palais des Sports, les enfants ont de quoi rêver. Derrière une fenêtre située à l’étage supérieur et donnant sur ce terrain, les trophées et coupes du club tourangeau sont exposés fièrement. Et il y a de quoi vu le palmarès : le TVB a été huit fois champion de France, dix fois vainqueur de la coupe de France, quatre fois de la Super coupe et une fois de la Ligue des champions.
Sur le parquet vert de la salle omnisports aux multiples lignes de couleurs tracées au sol, les rayons du soleil illuminent la salle et laissent s’échapper une forte chaleur. Les apprentis volleyeurs n’ont, eux, jamais trop chaud, prêts à tout donner sur le terrain. Le programme du jour - l’apprentissage de la manchette, du contrôle du ballon et de la bonne trajectoire de balle en deux contre deux - semble être apprécié par les élèves de Yannick, comme Timothée 10 ans, qui “s’éclate à se dépenser dans les jeux de ballons".
Un manque de moyens matériels
Si le club a dû refuser de nouvelles inscriptions, son directeur général a pourtant tout fait pour accueillir le plus de monde possible. “Nous avons les moyens humains pour accueillir jusqu’à 400 licenciés, mais nous sommes limités en infrastructures”, note Pascal Foussard, qui peut s’appuyer sur deux éducateurs professionnels, six éducateurs bénévoles, un service civique et un jeune étudiant en Staps en soutien le samedi matin.
Afin d'accepter le maximum de licenciés, le club a ajouté un troisième filet, contre deux habituellement, dans la salle réservée aux cours jeunes. Cette astuce permet ainsi d’accueillir des groupes d’une trentaine de personnes pour chaque créneau. “On essaie de pousser les murs tout en gardant de la qualité. C’est un crève-cœur de ne pas pouvoir accueillir tout le monde”, lâche Pascal Foussard. Le club planche aussi sur l’ouverture de stages ponctuels, organisés pendant les vacances scolaires.
Du jamais-vu depuis quarante ans
Cette augmentation concerne toutes les classes d’âge mais surtout les 12-16 ans, et les adultes en loisirs. A-t-on déjà observé une telle hausse par le passé ? “La dernière fois que nous avons eu un tel engouement, c’était au milieu des années 1980, avec le dessin animé Jeanne et Serge”, se souvient Pascal Foussard.
Cette série japonaise, qui a rencontré un franc succès en France, racontait l’histoire de Jeanne, tout juste arrivée à Tokyo, qui a découvert dans son lycée le volley-ball et s'amourache de Serge, un des joueurs de l'équipe masculine.
Quarante ans plus tard, ce n’est pas un autre dessin animé qui a redonné un souffle nouveau au volley, mais bien la performance historique des volleyeurs tricolores et leur premier titre olympique remporté à Tokyo cet été. “Cet engouement a été rendu possible grâce à la médaille d’or. Lors des Jeux, les Français ont découvert la beauté de ce sport très télégénique et très agréable à regarder. Comme tous les sports collectifs, le volley est de moins en moins enseigné à l’école, au collège et au lycée. C’était donc une vraie découverte pour de nombreux Français”, analyse Pascal Foussard, qui insiste sur les qualités de la discipline : “Le volley est un sport familial, qui se joue en intérieur, sans agressivité ni violence."
Ce que confirment les licenciés. “J’ai regardé les matchs de l’équipe de France, et ça m’a donné envie de jouer”, témoigne Jeanne, 10 ans. “Je voulais essayer avec une amie, et pour le moment je ne suis pas déçue. C’est un beau sport d’équipe, et c’est amusant”, se réjouit Kiara 12 ans, une nouvelle recrue.
"Des joueurs cools et sympas"
Cet engouement est le même dans tout le pays. En 2021, la Fédération française de volley-ball (FFVB) a déjà, pour le seul mois de septembre, recensé 54 853 licences, soit une augmentation de 10% par rapport à l’année dernière (49 977 licences), et même mieux qu'en 2019, avant la crise du Covid, où la fédération comptabilisait 51 892 licences.
Et le nombre d’inscriptions pourrait bien continuer à grimper. “Octobre et novembre sont des mois importants en termes de prise de licences, les compétitions jeunes commençant plus tard. On a aussi une grosse période de prise de licences en mars/avril chaque saison pour les pratiques outdoor et notamment le beach-volley. Donc les chiffres définitifs pour cette saison seront connus en août 2022”, précise la FFVB.
Autre raison pour Yannick Marcillac : le capital sympathie des joueurs. “Les enfants ont aussi trouvé les joueurs cools et sympas en interview”, explique l’éducateur. D'autant plus quand l'un d'eux a rejoint leur club. C’est en partie ce qui a décidé Adèle, 13 ans. Après avoir pratiqué pendant six ans l’équitation, cette jeune fille avait envie de découvrir un sport collectif.
Et pour cette Tourangelle, s’entraîner dans l’ancien club d’Earvin Ngapeth - qui l’a vu faire ses débuts dans le haut niveau - et l’actuel club de Kevin Tillie - aussi champion olympique -, a fait pencher la balance dans son choix de pratique sportive. “C’est une fierté d’avoir un champion olympique dans son club”, sourit Adèle. “Je l’ai croisé en arrivant, je regrette de ne pas être allée le voir”, ajoute dans la foulée, Elisa, 12 ans, trois ans de volley à son actif, et encore toute retournée d’avoir croisé le chemin du champion olympique.
D’ailleurs, la nouvelle recrue du TVB, qui avait lui aussi son entraînement en même temps que les jeunes recrues au Palais des Sports, ressent cet engouement. “Beaucoup de gens, même ceux qui ne suivaient pas le volley avant, nous ont suivis à Tokyo. Ça fait plaisir, car d’habitude les gens ignoraient ce qu’on avait fait en compétition”, remarque le champion olympique.
“C’est une fierté de participer au développement de mon sport, et je ne travaille que pour ça”, assure Kevin Tillie, qui a signé en avril dernier pour deux ans à Tours, son premier club français.
“Avec notre groupe, cela fait dix ans que l’on joue en équipe de France et que l’on cherche à pousser le volley devant les autres sports.”
Kevin Tillie, champion olympique et joueur du TVBà franceinfo: sport
"On a fait quelques performances auparavant, mais elles n’étaient pas assez importantes pour que le pays nous suive. On savait depuis des années que le déclic passerait par les JO", assure-t-il. Un objectif parfaitement réalisé que l’international français savoure aujourd’hui. “Avec cette médaille incroyable, on a réussi. C’est un peu notre rêve. Tout volleyeur rêve de gagner une médaille d’or aux JO, donc c’est ça aussi qui a fait que toute la France nous a suivis, et qu'elle continue de nous suivre aujourd’hui.”
Dans le cours suivant, celui d’Adèle et d’Elisa, elles ont toutes ou presque l’équipement complet, entre genouillère et tenue de volleyeuse. Sous la supervision de David Fradin, éducateur depuis trois ans à Tours, le groupe d’une trentaine de filles, regroupées dans la catégorie – 13 ans, débute son entraînement par un cri de guerre, hurlé à l’unisson.
Lui non plus “n’avait jamais vu un tel engouement. On avait même des craintes d’avoir moins de monde en cette rentrée post-Covid, mais finalement, c’était tout l’inverse.” Au programme, les fondamentaux : déplacements et techniques de frappe, notamment la manchette à un ou deux bras. "Jeanne, fais un effort sur les appuis”, lance l’éducateur à la jeune fille, qui tente de se corriger dans la foulée.
“Il faut être solide sur les jambes, comme un rugbyman quand il fait le haka”, mime-t-il en tapant les deux pieds au sol l’un après l’autre. “Je lis avant de bouger, c’est la lecture de la trajectoire avant le mouvement", répète encore “le prof” observant ses élèves.
Des bénévoles pas assez nombreux
Si la hausse du nombre d’inscriptions est certes une bonne nouvelle pour le club, elle a quelques conséquences sur son bon fonctionnement. "Etant donné le nombre de licenciés cette rentrée, vous serez peut-être en autonomie certains matchs car nous ne sommes pas assez pour encadrer sept équipes en même temps sur un même jour”, explique David Fradin à ses élèves regroupées autour de lui.
Si pour l’heure le club parvient à gérer les cours avec ses deux encadrants, il manque en revanche de bénévoles, indispensables au bon fonctionnement du club. “Aujourd'hui, nous avons six bénévoles encadrants pour aider sur les cours et les compétitions, ce qui n’est pas suffisant. Avec le Covid, certains ne sont pas revenus. C'est donc dur puisqu’on a une hausse de licenciés, mais cela va peut-être aussi permettre de se redynamiser”, veut croire David Fradin.
Quoi qu'il en soit, la machine est en route au TVB, et on ne voit pas comment ce nouvel élan pourrait s’essouffler. "Comme quoi, conclut Yannick Marcillac, une médaille d’or ça peut vraiment changer les choses.”
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