Earvin Ngapeth: "On n'est pas les meilleurs, mais on ne lâche rien"
Les clichés ont la dent dure. Un brillant à l'oreille, des excentricités capillaires, des frasques hors des terrains, une exclusion du groupe France pour mauvais comportement lors du Mondial-2010, une passion pour le rap avec deux albums chantés et produits à la clé. Il n'en faut pas plus pour que certains affublent Earvin Ngapeth d'une "grosse tête", d'un comportement façon "footeux de Knysna"... Il n'en est rien.
Dans son discours, l'équipe passe avant tout. On l'interroge sur le fait qu'il soit l'un des sportifs français de l'année 2015, il répond: "C'est un groupe qui a marqué le sport français cette année." En le poussant un peu dans ses retranchements, il concède: "Ca me flatte. Mais c'est un sport collectif, et au volley, c'est encore plus dur de faire remonter un joueur par rapport aux autres, étant donné qu'il y a trois personnes qui touchent le ballon pour marquer un point. A chaque fois, il y a le travail du réceptionneur, du passeur et de l'attaquant." Pourtant, c'est bien lui qui ressort à l'évocation de la Team Yavbou: "Ca ne me gêne pas. Mais mon nom ressort aussi à cause de mes histoires extra-sportives et de la musique." Une rixe dans une discothèque de Montpellier en 2014, une altercation avec un contrôleur de la SNCF en juillet 2015 ou un accident de la route en Italie en novembre 2015 qui a fait trois blessés, il n'élude rien: "J'ai fait des erreurs. Je suis un être humain. Mais il y a des choses que je n'accepte pas. Si cela était arrivé à une personne 'lambda", il n'y aurait pas eu toutes ces lignes d'écrites. Mais c'est normal, je suis en équipe de France".
"Une super équilibre entre nous"
Un dernier cliché tombe. La ponctualité ne serait pas son point fort. A peine posé avec l'avion qui ramène son équipe de Modène d'un voyage en Ligue des Champions, et deux jours avant un nouveau match de championnat, Earvin Ngapeth souffle en décrochant: "J'avais peur de ne pas pouvoir répondre, d'être en retard". Il est à l'heure au téléphone, comme il l'est sur le terrain depuis plusieurs mois. MVP de la Ligue mondiale 2015 en plus d'en être le meilleur réceptionneur-attaquant, deuxième meilleur attaquant de l'Euro-2015, l'international français brille de mille feux. Et aucune trace de vantardise chez lui. Il est humble lorsqu'il évoque ce geste incroyable sur la balle de match en finale de l'Euro: "A ce moment-là, je ne comptais plus les points. Je ne sais même pas qu'on a gagné après. Mais ce geste, je le fais assez souvent depuis l'an dernier. Pour moi, avec une balle très écartée du filet, c'est la seule manière de l'attaquer, plutôt que de faire une feinte qui ne va pas fonctionner." Un geste à son image ou à celle de l'équipe de France ? "Un peu des deux. Ca représente bien notre équipe, capable de tout, avec beaucoup de folie", glisse-t-il dans un rire. International depuis ses 19 ans, l'ancien Tourangeau sait pourquoi ces Bleus ont conquis les deux premiers titres du volley tricolore chez les seniors: "On a trouvé un super équilibre entre nous, même si on est différents et qu'on fonctionne différemment. On se complète super bien. Avec certains, on joue ensemble depuis dix ans. Et l'arrivée de Laurent (Tillie) et de son staff a créé quelque chose de nouveau. Pas un seul membre de l'équipe ne fait quelque chose contre le groupe. Tout est fait pour lui."
Vidéo: La balle de match de l'Euro-2015
Cette dynamique est née dès le premier discours du nouveau sélectionneur: "La première fois qu'il nous a parlé, c'était pour fixer l'objectif des JO de Rio. Il a écarté des anciens, il a fait confiance à une jeune génération en ayant conscience que cela ne payerait pas tout de suite. Dans un coin de sa tête, il savait qu'il y aurait trois ans de travail. Mais à ce moment-là, aucun de nous pensait qu'on gagnerait la Ligue mondiale et l'Euro en 2015." Et il conclut: "Cela a amené beaucoup de sérénité et de confiance."
Vidéo: La méthode Tillie passée au crible
"On ne partira pas favori, mais on a la prétention de penser qu'on peut gagner"
Cela se voit notamment dans certaines victoires de 2015, comme battre le Brésil à Rio en Ligue mondiale, battre l'Italie en Italie et la Bulgarie en Bulgarie (après avoir été mené 2-0) lors de l'Euro. "Le caractère de ce groupe, c'est de ne jamais rien lâcher. On n'est pas l'équipe la plus forte, mais on ne lâche jamais rien. Et on n'a peur d'aucune équipe. Battre des équipes comme celles-là chez elles, dans des salles de connaisseurs, et le faire trois fois, ce n'est pas un coup de chance." La Team Yavbou pourrait-elle être rassasiée avec ces deux premiers titres de l'Histoire ? "Chaque étape est une source de motivation en plus", balaie Earvin Ngapeth. "La Ligue mondiale nous a encore plus motivé pour l'Euro. Tout le groupe a une seule envie: aller aux Jeux. Plus on avance, plus l'échéance qui arrive est importante. Se qualifier pour le Final Four de la Ligue mondiale était plus important. Puis, ça a été de gagner la finale. Pareil à l'Euro. Et on se dit la même chose pour ce TQO de Berlin. Et quand on va se qualifier pour les JO, ce sera la même chose." Aucune hésitation, la confiance est là, et malgré la fatigue d'un début de saison en club harassant pour tous, la volonté reste. Participer aux JO, comme son père Eric l'a fait en 1988 avec Laurent Tillie comme coéquipier lors de la première participation de l'équipe de France aux JO, c'est son ambition. "Mais on n'ira pas là-bas pour faire 8e", rigole-t-il en référence au classement de la France à Seoul. "Si on y va, c'est pour gagner".
Cela passe par une victoire finale à Berlin. Les choses sérieuses débutent d'entrée, avec la Russie, championne olympique en titre, comme premier obstacle: "Toutes les équipes vont avoir les crocs", avertit-il. "Toutes vont être difficiles à jouer. Les Russes ont rappelé les gros joueurs. Il ne faut pas se mettre la pression, et jouer notre jeu. Le premier match sera très important, évidemment. Un bon ou un mauvais tirage de débuter contre eux ? Il sera bon si on les bat (rires)." Avec ses deux titres en 2015, l'équipe de France pourrait avoir l'image du favori. "Les équipes adverses nous attendent, c'est sûr", souligne Earvin Ngapeth. "Mais on n'a pas la prétention de dire que l'équipe sera favorite. D'autres nations sont au sommet depuis longtemps. Nous, on est là que depuis un an. On ne va pas s'enflammer. On est en train de devenir une grosse équipe. On ne partira pas favori, mais on a la prétention de penser qu'on peut gagner".
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