Vendée Globe : Le mal de mer n'épargne pas les marins
Tête qui tourne, fatigue, vertiges, sensation de mal-être et d’inconfort, augmentation du rythme cardiaque, nausées, puis vomissements. Ces symptômes, vous les avez sans doute reconnus et déjà éprouvés : ce sont ceux du mal de mer. Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, même les marins du Vendée Globe n’échappent pas à ces sensations désagréables.
Mais comment expliquer le mal de mer ? Il est provoqué par une différence de sensations, entre les yeux, qui permettent de se repérer dans l’espace, et l’organe d’équilibre (situé dans l’oreille interne) qui enregistre les changements de position du corps, notamment de la tête. Sur un bateau, les yeux indiquent au cerveau que le bateau ne bouge pas, alors que l’organe d'équilibre lui transmet des indications inverses. Le cerveau est alors incapable de deviner quelles sont les bonnes informations et se retrouve complètement perdu : c’est à ce moment-là qu’apparaissent les premiers symptômes.
"Face au mal de mer, tout le monde est un peu à égalité", explique Jean-Yves Chauve, marin et médecin officiel du Vendée Globe depuis la première édition en 1989. "C’est souvent un incontournable pour les gens qui partent naviguer, et une contrainte également."
Romain Attanasio, 43 ans, fait partie des skippers atteints par ce mal. Selon lui, "seuls 3 à 4%" des marins n’ont pas le mal de mer. "Le mal de mer, c’est la règle des '5F' : faim, fatigue, frousse, froid et 'foif' (pour 'soif')", ironise le Français qui va participer à sa deuxième édition de "l'Everest des mers". "Tous ces paramètres font qu’on l’attrape, mais les principaux restent la fatigue et le stress du départ."
François Gabart, 37 ans, est justement l'un des rares marins à ne pas avoir le mal de mer. "C'est un avantage certain pour moi. J'évite toute une phase d'adaptation au début du voyage, ça me fait gagner un temps fou dans ma préparation", admet le marin.
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"Ça nous fait perdre énormément d’énergie"
Pour Jean-Yves Chauve, le mal de mer n’est pas un élément suffisamment aggravant pour que les marins renoncent à leur passion. "Ce qui est bien, c’est qu’on a une amnésie du mal de mer. C’est-à-dire que très souvent, lorsqu’il disparaît, la personne l’a déjà oublié et est prête à repartir en mer le lendemain, comme si de rien était", explique le médecin.
Et preuve en est, cette contrainte n’a jamais empêché Romain Attanasio de réaliser son rêve. "C’est assez bref et il se manifeste en début de course, lorsqu’il y a beaucoup de manœuvres à effectuer sur le bateau et que ça tangue. Ça peut durer entre deux et trois jours. C’est pas marrant de savoir que ça va arriver, mais on prévoit et on s’organise afin que cela ne nuise pas à notre performance. Malheureusement, lorsque ça arrive, ça nous fait perdre énormément d’énergie et on est vite épuisé."
Dans leur malheur, les marins ont acquis un certain avantage : à force de naviguer, ils finissent par s’habituer et le mal se fait de moins en moins ressentir. Mais pour le Vendée Globe, c’est un peu différent. "Là, le problème est qu’il y a eu le confinement et qu’ils ont été à l’arrêt pendant trois semaines avant le départ", nuance Jean-Yves Chauve. "Ils vont être plus sensibles."
Des petites astuces pour lutter contre
Romain Attanasio a développé certaines astuces afin de lutter contre le mal de mer, même s’"il n’y a rien de magique". Le skippeur va moins à l’intérieur du bateau, emmène du pain pour les premiers jours, se protège au maximum du froid et embarque à bord quelques médicaments. "J’essaye simplement de ne pas avoir les 5F. Parfois, je me surprends moi-même et il m’arrive après deux jours de me dire : 'oh tiens, je n’ai pas eu le mal de mer !'"
"Ça ne doit pas être un obstacle", complète le médecin. "L’essentiel est de ne pas partir fatigué et surtout de s’occuper à bord. Il faut détourner son attention des sensations désagréables." Jamais, en neuf éditions du Vendée Globe, Jean-Yves Chauve n’a été appelé au secours par un skipper incapable de gérer ces symptômes. "Cela peut causer une perte de temps", reconnaît-il. "Mais ça reste un petit handicap, sur une course de trois mois, c’est extrêmement limité."
Il se souvient même d’une course remportée par un marin ayant eu le mal de mer, grâce à ses nausées. "Comme il ne sentait pas bien, il a ralenti. Les concurrents devant lui sont entrés dans une grosse dépression et ont cassé leur bateau. Lui a eu le temps de la voir venir et a réussi à la passer. Comme quoi, le mal de mer peut aussi avoir ses bons côtés finalement !"
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