Témoignages "Les émotions sont vraiment à fleur de peau" : comment les navigateurs du Vendée Globe gèrent leur sommeil

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié Mis à jour
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Les premiers jours du Vendée Globe, "C'était très compliqué et un peu usant", confie le navigateur Guirec Soudée. (VINCENT CURUTCHET / ALEA)
Deux semaines de courses déjà dans le Vendée Globe et l'avant de la flotte dans ce tour du monde en solitaire et sans escale cavale toujours dans l'Atlantique Sud. Ces premiers jours en mer n'ont pas été de tout repos et le manque de sommeil commence à peser. La gestion du repos est une clé importante dans une course qui va durer au moins 2 mois et demi.

La descente laborieuse vers l'équateur a laissé des traces en fin de semaine dernière, comme le prouvent les larges auréoles qui cernent les yeux d'Éric Bellion (Stand as One – Altavia). "Je suis à un niveau de fatigue important, assurait-il jeudi 21 novembre. Je dors quelque chose comme 3-4h par 24h et les émotions sont vraiment à fleur de peau. "

Guirec Soudée (Freelance.com) l'avoue : il a passé une nuit blanche lors de son passage dans le pot-au-noir, cette zone instable où les alizés du nord rencontrent ceux du sud. Depuis, celui qui participe à son premier Vendée Globe a repris du poil de la bête. "C'était très compliqué et un peu usant, résume le marin de 32 ans. J'ai bien récupéré, mais je dois dormir 4 heures maximum par jour. Tu sens qu'il y a des moments où je dormirais bien un peu plus."

"Je dors 6 fois 1h par 24h"

Samantha Davies (Initiatives-Cœur) renchérit : "J'ai eu 3-4 jours où j'étais vraiment épuisée. J'ai vraiment été poussée dans mes limites, 20 minutes de sieste par-ci, par-là, comme je pouvais, rarement allongée dans ma bannette. Mais après, dans des zones où le vent est faible ou les conditions plus stables, c'est très important de récupérer. Je savais que j'avais des choses à faire sur le bateau, mais à ce moment-là, c'était plus important de dormir. "

Le skippeur Fabrice Amedeo participe à la 10ème édition du Vendée Globe. (GAUTHIER LEBEC / ALEA)

Dormir, oui, mais pas trop longtemps non plus. Dans cette course au long cours, les marins doivent apprendre le sommeil polyphasique, c'est-à-dire fractionné : des petites siestes, de courtes nuits... "Je dors 6 fois 1h par 24h", explique Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise) qui se définit comme "moyennement fatigué " après deux semaines en mer. Ce cycle précis a été élaboré avec un médecin du sommeil, où tout est assez minuté. "Nous avons défini plusieurs portes du sommeil, poursuit l'ancien journaliste devenu marin. J'en ai une à 23h, une autre à 2h, 4h, 6h et 14h. Il y a aussi un sommeil d'ancrage : la porte de 2 h du matin peut durer jusqu'à 1h30 ! "

Sur des bateaux aussi exigeants et dans des mers parfois hostiles, il faut avoir l'œil et surtout les oreilles partout. Des alarmes émettent des sons stridents pour éviter un sommeil trop long.

"Il y a une alarme insupportable qui est à 1m50 de ma couchette et je suis obligé de me lever pour l'éteindre."

Fabrice Amedeo

à franceinfo

"C'est pour être sûr que je me réveille bien et que je ne vais pas juste tendre le bras, l'éteindre et me rendormir. Parfois, on est en dette de sommeil et très fatigué. C'est l'alarme imparable pour sortir de sa couchette", raconte Fabrice Amedeo.

"Bouchons d'oreilles, casque anti-bruit, et même un casque de chantier..."

L'autre règle impérieuse de la vie à bord : apprendre à s'endormir vite, en étant bringuebalé au gré des vagues et avec du bruit souvent assourdissant dans les cockpits. " Je ne suis pas habituée à avoir autant de bruits dans mon nouveau bateau, fait remarquer Samantha Davies. C'est un peu gênant, mais j'ai plein de protections pour les oreilles : des bouchons, un casque anti-bruit, et même un casque de chantier avec lequel je peux dormir. "  

Samantha Davies confie avoir de nombreux accessoires afin de dormir le plus paisiblement possible. (JEAN-LOUIS CARLI / ALEA)

Ce qui permet aussi un sommeil plus ou moins paisible, c'est l'environnement autour des bateaux. "Plus tu es au large comme on est en ce moment, plus tu peux te permettre de dormir sereinement par rapport au côtier, insiste Guirec Soudée qui n'a fait aucune préparation spécifique sur le plan du sommeil. On croise très peu de bateaux : j'ai vu un cargo ou deux depuis 5-6 jours. C'est un peu plus tranquille que quand on est près des côtes, où il faut être très vigilant". "Dans ces zones-là, on a toujours des alarmes qui sonnent parce qu'on croise d'autres bateaux, c'est vraiment difficile de dormir', confirme Samantha Davies.

Les conditions actuelles, avec un vent établi qui propulse l'avant de la flotte vers le Cap de Bonne-Espérance, offrent un peu de répit et permettent de recharger les batteries avant d'attaquer les terribles mers du Sud.

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