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"Mon premier réflexe au réveil, aller voir mon bateau" : ces joueurs et joueuses anonymes, accros à Virtual Regatta

Les 33 skippeurs du Vendée Globe ont quitté les Sables d'Olonne il y a déjà trois semaines. En réalité, ils sont plus d'un million cette année à prendre part au tour du monde à la voile en solitaire. Un rêve devenu réalité grâce au jeu en ligne Virtual Regatta, qui permet d'effectuer la course avec son propre bateau virtuel. Nous sommes partis à la rencontre de ces joueurs.
Article rédigé par Célia Sommer
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Le skippeur Armel Le Cleac'h présente le jeu Virtual Regatta juste avant le départ du Vendée Globe. (LOIC VENANCE / AFP)

"Vous savez, Virtual Regatta est un jeu très addictif. Au point que je me lève chaque nuit pour vérifier que mon bateau se dirige toujours dans la bonne direction…", admet Christophe Teritehau, 51 ans. Radiologue de métier, Oroleterrible – son pseudo dans le jeu -  concourt cette année sous les couleurs de l’Institut Saint-Raphaël, une maison de l’après-cancer. Il passe en moyenne entre trois et quatre heures par jour sur Virtual Regatta. Presque trois fois rien par rapport à il y a treize ans, lorsqu’il s’est inscrit au jeu pour la première fois ; il y jouait alors jour et nuit. "Je n’avais pas de connaissances sur la voile et la météo, donc c’était plus compliqué, il fallait que je réfléchisse davantage. C’est au fil du temps que je me suis amélioré", raconte le passionné. Et cette année, il n’a pas peur de le dire : sur le Vendée, il joue la gagne, sinon rien. 

Comme Christophe, ils sont des centaines de milliers de joueurs anonymes à réaliser le tour du monde en solitaire depuis chez eux, grâce à Virtual Regatta. Le jeu en ligne permet de participer à la course virtuelle du Vendée Globe, dans des conditions météorologiques et maritimes similaires à celles de la vie réelle. 

Le constructeur de Virtual Regatta, Philippe Guigné, relève que le nombre d’inscrits au Vendée a doublé cette année par rapport à l’édition précédente : ils étaient 450 000 il y a quatre ans, ils sont désormais près d’un million. Un succès que le créateur explique par deux facteurs. "Avec l’équipe, nous faisons progresser le jeu tous les ans. Nous avons amélioré les sensations d’immersion avec la 3D, afin que le joueur ait la sensation d’être en pleine mer derrière son écran. Le public est très réceptif à ça. Le confinement a aussi dû jouer positivement, les gens ont davantage de temps pour jouer", détaille Philippe Guigné. 

Le créateur a souhaité viser un public large, afin de toucher des gens aux profils très différents. "Il y a des enfants, des hommes, des femmes, des jeunes, des plus vieux…, souligne-t-il. Mais on remarque une surreprésentation de l’homme adulte". Certaines personnalités connues du grand public ont aussi pris part à l’aventure, à l’image du navigateur François Gabart ou de la journaliste Estelle Denis.
 

Et parmi les joueurs "anonymes", il y a Nicolas Gilles, 60 ans. Passionné de voile depuis tout petit, il en a fait son métier. Il a crée une agence de design, chargée de concevoir l’identité graphique du Vendée Globe. Il a aussi habillé le bateau de Jérémie Beyou pour Charal. Nicolas Gilles en est à son troisième tour du monde en solitaire, aussi bien en tant que designer, qu’en tant que joueur. Son objectif est de finir dans les 10 000 premiers. "Je connais par cœur le jeu, j’ai déjà deux Vendée derrière moi ! Virtual Regatta suscite ma curiosité, je confronte mes connaissances en météo et en géographie à celles des autres, c’est très didactique, se ravit le passionné. Il rend accessible le rêve complètement fou de faire le tour du monde à la voile en solitaire, même si on n’y connaît rien."

Un jeu ludique et pédagogique

Christian Olry, 47 ans, alias Captain labry, apprécie également le jeu pour son aspect ludique et pédagogique. "J’aime ce que Virtual Regatta m’apporte intellectuellement. Avant, je ne savais pas ce qu’était un anticyclone, maintenant je sais lire une carte météo", se réjouit le Parisien, qui vient tout juste d’entamer son quatrième Vendée Globe. "C’est très stimulant."
 

Christian Olry joue à Virtual Regatta sur son ordinateur, depuis sa maison.

Outre l’aspect intellectuel, Christian Olry aime aussi le côté fédérateur et convivial du jeu. "Ma femme a beaucoup de cousins, et nous avons un groupe WhatsApp tous ensemble. On discute stratégie, puis on se chambre lorsque l’un de nous est à la ramasse !", ironise celui qui officie comme chasseur de tête en-dehors de son navire en pixels. Au fil des années et des courses, il a noué contact avec d’autres skippers virtuels, qu’il n’a encore jamais rencontrés dans la "vraie vie". "On s’envoie des messages à chaque course via la messagerie instantanée du jeu. On se souhaite bon courage, bon vent… On se taquine aussi, c’est vraiment très sympa !"

Vanessa Lambert, 43 ans, n’a pas honte de l’avouer : elle est pour l’instant un petit peu larguée dans la course… Et ses amis ne manquent pas de lui faire remarquer. "Si je faisais la course seule, sans être en ‘compétition’ avec mes copains, je pense que je me finirais par me lasser. Avec eux, le jeu est tout de suite plus drôle : j’ai envie de les rattraper pour leur montrer ce que je vaux vraiment !", s’amuse la Bretonne.

"Je jette un œil à mon bateau dès le réveil"

"C’est très convivial comme jeu, complète François Riegger, 18 ans, lui aussi Breton. C’est un petit challenge dans la famille et entre amis. Ça fait du bien de penser à autre chose durant cette période." Le lycéen reconnaît être devenu complètement mordu. "J’ai ajouté Virtual Regatta dans le menu principal de mon téléphone. Je jette un œil à mon bateau dès le réveil, et je profite des intercours au lycée pour m'assurer que tout roule normalement". Il espère finir son tour du monde dans les 50 000 premiers.
 

François profite des intercours au lycée pour vérifier que son voilier se porte bien.

Mais chez les joueurs les plus expérimentés, il est crucial d’établir certaines stratégies pour espérer viser le haut du classement. "Il faut savoir perdre des places en début de course, pour en gagner par la suite, s’accordent Nicolas Gilles et Christophe Téritehau, les anciens. Pour le moment, le classement n’a pas de sens. Les gens collés à l’Afrique sont en tête alors qu’ils vont foncer tout droit dans l’anticyclone de Saint-Hélène. A partir du cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique, on aura une meilleure idée du classement, et là les choses sérieuses commenceront !"

Et le nombre de participants au jeu continue d’augmenter au fil des jours… Pour ceux qui ont raté le départ, il n’est pas trop tard pour s’y mettre. N’ayez crainte, votre bateau ne partira pas des Sables d’Olonne, mais sera hélitreuillé en plein milieu de la course. Vous avez encore une chance, pourquoi pas, de décrocher une place sur le podium.
 

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