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Yves Ecarlat veut aller au bout

Seul résident de Nouvelle-Calédonie à participer à cette route du Rhum, la deuxième pour lui après celle en 2006, Yves Ecarlat aborde ce rendez-vous sans pression et avec l’espoir de terminer. Portrait.
Article rédigé par franceinfo
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Quand on vit sur un bateau, passez une vingtaine de jours seul au milieu de l’Atlantique n’effraie pas outre mesure. Yves Ecarlat, 44 ans, natif de Tours, attend sereinement le départ de cette neuvième route du Rhum. Le bateau est prêt, « il ne me reste que du ménage à faire, j’ai terminé le bricolage et les ajustements techniques, assure-t-il. S'y prendre trop tard peut fragiliser la sérénité du marin ». La voix est posée, teintée de sourire. C’est celle d’un marin mesurant bien sa chance de participer pour la deuxième fois à la plus prestigieuse des transats en solitaire. Quand on connaît les galères pour trouver les partenaires, équiper son bateau, inscrire son nom sur la liste des participants est déjà un exploit. Le second en quatre ans pour un homme venu à la voile grâce à son père. Avant-dernier né d’une famille de sept enfants, il découvre la voile dès son plus jeune âge, le paternel étant passionné. Très tôt, il feuillette Loisirs nautiques, « la revue qui traînait sur la table du salon », puis bricole des maquettes avant de se lancer à son entrée en sixième en Sport études voile à La Rochelle. Il a 11 ans, la famille a quitté Tours pour la côte Ouest, et c’est aussi à cette époque qu’il découvre pour la première fois la Route du Rhum, en 1978, à la télévision. Cet admirateur d’Eric Tabarly se prend alors à rêver de rejoindre Pointe-à-Pitre comme les Marc Pajot (1982), Philippe Poupon (1986) ou autre Florence Arthaud (1990) avant lui. Il le réalisera 40 ans plus tard, même s’il reconnaît que ce désir d’être skipper n’est venu que progressivement.

Une affaire de famille
Chez les Ecarlat, porter une voile n’était pas tabou. Le salon nautique qui se tient tous les hivers à Paris était un rendez-vous incontournable. La petite sœur, la dernière de la fratrie, Catherine, a suivi le cursus de son aîné en intégrant également le sport étude de La Rochelle, mais s’est arrêté en cours de route. Aujourd’hui, attachée de presse, elle s’occupe de la communication du frangin, « cela s’est fait naturellement dès la première édition », précise-t-elle. Ce premier Rhum, c’est elle qui en parle le mieux. « A l’époque, c’était presqu’un jeu. Il vivait sur un bateau en Nouvelle-Calédonie. A l’hiver 2005, il décide de rentrer en France pour assister au salon nautique et changer de bateau. Dans les travées du Parc des Expositions, il rencontre Patrice Carpentier, journaliste et navigateur, qui a crée la class 40. Sa participation au Rhum tient donc d’un concours de circonstances, car le convoyage de son nouveau bateau passait par le Rhum. Au lieu de rentrer en Nouvelle-Calédonie tout seul, il s’est inscrit et a fait la course avec les gens de la class 40 », détaille la sœur. A elle la préparation, à lui le récit et les émotions. « C’était ma première transat en solitaire. C’était une découverte. Je m’attendais à quelque chose de difficile et j’ai été servi. On n’avait pas eu une météo évidente. On avait eu des dépressions, des orages après les Açores alors qu’habituellement c’est l’inverse. J’ai fini la course en 24 jours (il a terminé 21e, ndlr) », raconte-t-il. Outre les souvenirs impérissables, une amitié est née entre les marins de cette class 40, forgée sur les mers traversées lors de la course de qualification au Rhum 2006, Paimpol-Reykjavik-Paimpol, « des liens très forts » confirme Catherine. A l’opposé donc du cliché du vieux loup de mer, seul, arpentant les océans.

Vogue les galères
L’aventure, Yves connaît. « Les marins ont la bougeotte (sic) », avance l’homme pour expliquer son grand départ vers la Nouvelle-Calédonie en 1992. « J’étais parti pour six mois et au bout du compte, je me suis dit que j’étais bien là-bas », admet-il. Sur place, il a développé « Sillage Calédonie », une association qui entend sensibiliser les enfants à l’environnement. Le Rhum est une occasion unique de capter un plus large public. La voile n’est qu’un prétexte pour lui, « je pourrais faire du patin en Antarctique, je ferai la même chose ». Cette association est la plus grosse partie de son travail et une source de plaisir nécessaire car selon sa sœur, « pendant quatre ans, après son premier Rhum, il a enchaîné les galères, il a passé plus de temps à démarcher les partenaires qu’à naviguer. Et quand il y arrivait, les conditions n’était pas optimales ». Les difficultés d’être marin amateur, Yves ne les évoque pas, préférant se concentrer sur l’état de son bateau à mesure que le départ approche. « Yves est plutôt cool sur la terre, comme sur un bateau », confirme d’ailleurs la benjamine des Ecarlat. Mais les contrariétés, les partenaires qui se défilent, tout ça pourrait bien avoir raison de la motivation du skipper. « C’est sa dernière, a priori après il arrête la course. J’imagine que c’est un soulagement pour lui, mais c’est une tranche de vie qu’il n’oubliera jamais », pense deviner Catherine. Sa sixième régate serait donc la dernière. Pas d’ambitions démesurées, juste le souhait de terminer avec un bateau en bon état. Et s’il ne se berce pas de l’illusion de dominer les Guadeloupéens chez eux (« leurs bateaux sont plus rapides »), il se targue déjà d’être « le premier Néo-Calédonien », sourit-il…

Benoît Jourdain

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