Yves Ecarlat veut aller au bout
Quand on vit sur un bateau, passez une vingtaine de jours seul au milieu de lAtlantique neffraie pas outre mesure. Yves Ecarlat, 44 ans, natif de Tours, attend sereinement le départ de cette neuvième route du Rhum. Le bateau est prêt, « il ne me reste que du ménage à faire, jai terminé le bricolage et les ajustements techniques, assure-t-il. S'y prendre trop tard peut fragiliser la sérénité du marin ». La voix est posée, teintée de sourire. Cest celle dun marin mesurant bien sa chance de participer pour la deuxième fois à la plus prestigieuse des transats en solitaire. Quand on connaît les galères pour trouver les partenaires, équiper son bateau, inscrire son nom sur la liste des participants est déjà un exploit. Le second en quatre ans pour un homme venu à la voile grâce à son père. Avant-dernier né dune famille de sept enfants, il découvre la voile dès son plus jeune âge, le paternel étant passionné. Très tôt, il feuillette Loisirs nautiques, « la revue qui traînait sur la table du salon », puis bricole des maquettes avant de se lancer à son entrée en sixième en Sport études voile à La Rochelle. Il a 11 ans, la famille a quitté Tours pour la côte Ouest, et cest aussi à cette époque quil découvre pour la première fois la Route du Rhum, en 1978, à la télévision. Cet admirateur dEric Tabarly se prend alors à rêver de rejoindre Pointe-à-Pitre comme les Marc Pajot (1982), Philippe Poupon (1986) ou autre Florence Arthaud (1990) avant lui. Il le réalisera 40 ans plus tard, même sil reconnaît que ce désir dêtre skipper nest venu que progressivement.
Une affaire de famille
Chez les Ecarlat, porter une voile nétait pas tabou. Le salon nautique qui se tient tous les hivers à Paris était un rendez-vous incontournable. La petite sur, la dernière de la fratrie, Catherine, a suivi le cursus de son aîné en intégrant également le sport étude de La Rochelle, mais sest arrêté en cours de route. Aujourdhui, attachée de presse, elle soccupe de la communication du frangin, « cela sest fait naturellement dès la première édition », précise-t-elle. Ce premier Rhum, cest elle qui en parle le mieux. « A lépoque, cétait presquun jeu. Il vivait sur un bateau en Nouvelle-Calédonie. A lhiver 2005, il décide de rentrer en France pour assister au salon nautique et changer de bateau. Dans les travées du Parc des Expositions, il rencontre Patrice Carpentier, journaliste et navigateur, qui a crée la class 40. Sa participation au Rhum tient donc dun concours de circonstances, car le convoyage de son nouveau bateau passait par le Rhum. Au lieu de rentrer en Nouvelle-Calédonie tout seul, il sest inscrit et a fait la course avec les gens de la class 40 », détaille la sur. A elle la préparation, à lui le récit et les émotions. « Cétait ma première transat en solitaire. Cétait une découverte. Je mattendais à quelque chose de difficile et jai été servi. On navait pas eu une météo évidente. On avait eu des dépressions, des orages après les Açores alors quhabituellement cest linverse. Jai fini la course en 24 jours (il a terminé 21e, ndlr) », raconte-t-il. Outre les souvenirs impérissables, une amitié est née entre les marins de cette class 40, forgée sur les mers traversées lors de la course de qualification au Rhum 2006, Paimpol-Reykjavik-Paimpol, « des liens très forts » confirme Catherine. A lopposé donc du cliché du vieux loup de mer, seul, arpentant les océans.
Vogue les galères
Laventure, Yves connaît. « Les marins ont la bougeotte (sic) », avance lhomme pour expliquer son grand départ vers la Nouvelle-Calédonie en 1992. « Jétais parti pour six mois et au bout du compte, je me suis dit que jétais bien là-bas », admet-il. Sur place, il a développé « Sillage Calédonie », une association qui entend sensibiliser les enfants à lenvironnement. Le Rhum est une occasion unique de capter un plus large public. La voile nest quun prétexte pour lui, « je pourrais faire du patin en Antarctique, je ferai la même chose ». Cette association est la plus grosse partie de son travail et une source de plaisir nécessaire car selon sa sur, « pendant quatre ans, après son premier Rhum, il a enchaîné les galères, il a passé plus de temps à démarcher les partenaires quà naviguer. Et quand il y arrivait, les conditions nétait pas optimales ». Les difficultés dêtre marin amateur, Yves ne les évoque pas, préférant se concentrer sur létat de son bateau à mesure que le départ approche. « Yves est plutôt cool sur la terre, comme sur un bateau », confirme dailleurs la benjamine des Ecarlat. Mais les contrariétés, les partenaires qui se défilent, tout ça pourrait bien avoir raison de la motivation du skipper. « Cest sa dernière, a priori après il arrête la course. Jimagine que cest un soulagement pour lui, mais cest une tranche de vie quil noubliera jamais », pense deviner Catherine. Sa sixième régate serait donc la dernière. Pas dambitions démesurées, juste le souhait de terminer avec un bateau en bon état. Et sil ne se berce pas de lillusion de dominer les Guadeloupéens chez eux (« leurs bateaux sont plus rapides »), il se targue déjà dêtre « le premier Néo-Calédonien », sourit-il
Benoît Jourdain
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