Tout comprendre de l'affaire Eloyse Lesueur contre la Fédération Française d'Athlétisme
L'enquête exclusive de Thierry Vildary pour Stade 2 est disponible en replay sur france.tv : cliquez ici pour la voir ou la revoir.
• Qui est Eloyse Lesueur ?
Né le 15 juillet 1988 à Paris, Eloyse Lesueur-Aymonin est une athlète française qui pratique le saut en longueur. Championne du monde en salle en 2014, elle détient le record de France en salle avec un saut à 6,90 m. A 31 ans, elle compte aussi deux titres de championne d’Europe décrochés en 2012 et 2014. Victime d’une rupture des ligaments croisés en mai 2015, elle s’est essayée au triple saut à son retour.
• Que reproche-t-elle à la FFA ?
Eloyse Lesueur affirme que dès ses 19 ans la FFA lui aurait proposé un service gratuit de suivi administratif, notamment pour gérer ses revenus, comme le font beaucoup de sportifs professionnels. A cette époque, Eloyse Lesueur commence en effet à briller sportivement et vient de signer un premier gros contrat avec un équipementier. En revanche, elle ne signe aucun contrat pour ce service de suivi administratif assuré par la FFA et un cabinet d'expert comptable.
Aujourd’hui Eloyse Lesueur reproche à la FFA de l’avoir mal conseillée, d’avoir mal géré son argent, d’avoir commis des erreurs coûteuses dans ses déclarations fiscales, de lui avoir fait adopter un statut juridique inadapté, et de lui avoir fait payer ce service pourtant présenté comme gratuit. Ainsi, plus de 500 000 euros de gains estimés auraient été perdus par la sauteuse en longueur.
• Quel est l’objet de la plainte ?
Défendue par l'avocat Thierry Braillard, ancien secrétaire d’Etat chargé aux Sports (2014-2017), Eloyse Lesueur a déposé une plainte pour défaut dans la gestion de ses intérêts et de mauvais conseils de la part de la comptable de la FFA. L’athlète réclame plus de 170 000 euros de réparations au civil. “Voir une fédération se faire payer pour un service qui devient complètement déficient, ça me choque”, déclare son avocat Thierry Braillard, qui ajoute : “Il va falloir que la fédération assume”.
• En quoi consistait ce service administratif ?
A ses 19 ans, Eloyse Lesueur a été approchée par la fédération pour gérer toute la partie administrative de sa carrière. Sans signer de contrat, la comptable de la FFA a eu la main sur les comptes bancaires professionnels de l’athlète. Eloyse Lesueur n’a d’ailleurs longtemps pas eu accès à ses comptes. Une signature sur une feuille blanche lui a aussi été demandée, permettant à la comptable de la fédération de signer des chèques en son absence pour lui “éviter de venir trop souvent à la FFA”.
• Comment a-t-elle tout perdu ?
Un temps parmi les dix athlètes françaises les mieux payées avec des gains compris entre 200.000 et 300.000 euros par an, Eloyse Lesueur a perdu quasiment tout l’argent qu’elle avait gagné. On lui a ainsi conseillé de faire un investissement immobilier non bénéfique, mais surtout l’athlète a été sous un statut juridique qui ne convenait pas à sa situation, qui lui a coûté cher en impôts : “On m’a laissée sous un mauvais statut juridique entre le travailleur indépendant et l’auto-entrepreneur. Tous les experts comptables actuels avec qui j’ai pu discuter disent ‘Comment c’est possible ?’ ”. A la place, il aurait fallu constituer une société.
A cela s’ajoute la facturation de ce service supposé gratuit. "La facture je ne la recevais pas, vu que c’est elle qui faisait la facture et qui la réglait elle-même, puisqu’elle avait accès au chéquier. Ce n’est que sur le tard que j’ai commencé à recevoir ses lettres", raconte Eloyse Lesueur. La championne a fini par vider sa garde robe d’athlète, pour payer son loyer : “On a vendu tout ce qu’on pouvait vendre pour payer nos loyers”.
• D’autres athlètes concernés ?
L’enquête menée par notre journaliste Thierry Vildary assure que d’autres athlètes sont concernés par ce genre de pratiques de la FFA. Pour l’heure, seule la championne handisport Assia El Hannouni a pris la parole aux côtés d’Eloyse Lesueur. La sprinteuse aux 8 médailles d’or paralympiques affirme avoir bénéficié du même “service” entre 2005 et 2009, avec les mêmes conséquences. “Aux Jeux de Londres, il fallait que je coure pour gagner. Pas pour avoir la médaille d’or mais pour avoir la prime. Il fallait que je coure pour payer mes dettes”, témoigne Assia El Hannouni. En attendant d’autres témoignages, Eloyse Lesueur explique avoir pris la parole pour ne pas que cela se reproduise.
• La réponse de la fédération
Sollicitée par notre journaliste Thierry Vildary, la comptable citée par Eloyse Lesueur n’a pas souhaité répondre. En revanche, en apprenant la plainte déposée par la sauteuse en longueur et la diffusion de l’enquête, la Fédération Française d’Athlétisme a pris la parole. “Depuis 2002, par l’intermédiaire de sa filiale France Athlétisme Communication (FAC), puis à partir de 2008, directement par le biais de ses services, la Fédération a proposé aux athlètes qui en faisaient la demande d’assurer le suivi administratif de leur carrière”, reconnaît la FFA.
Toutefois, la Fédération précise ensuite : “La FFA ne s’est en aucun cas engagée à exercer une mission de gestion de patrimoine, de conseil fiscal, social ou financier auprès des différents athlètes l’ayant approchée dans le cadre de ce service. En effet, ces activités ne relèvent pas de ses missions, et la Fédération n’est d’ailleurs aucunement habilitée à les exercer”. Confirmant avoir été assignée en Justice, sans citer le nom d’Eloyse Lesueur, la FFA assure que cette plainte est “dépourvue de tout fondement”. La Justice tranchera.
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