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Roland-Garros 2021 : pour Mickaël Llodra, "le tennis français est à un carrefour"

Mickaël Llodra revient sur le fiasco des Françaises et des Français à Roland-Garros cette année. Entre bilan sans fard et motifs d'espoir, notre consultant refuse de sombrer dans la sinistrose.

Article rédigé par Loris Belin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Mickaël Llodra lors de l'Open d'Andrézieux-Bouthéon (Loire), le 27 janvier 2018. (YVES SALVAT / MAXPPP)

Après les éliminations de Richard Gasquet et de Kristina Mladenovic jeudi 3 juin, plus aucun Français ne figure dans les tableaux simples hommes et femmes. Le constat est sans appel et historiquement faible. Notre consultant Mickaël Llodra analyse ces résultats et tente de prendre du recul sur la situation. Pour l'ancien joueur vainqueur de l'Open d'Australie et de Wimbledon en double, le tennis français est à un tournant. Mais il ne doit pas non plus voir tout en noir.

Franceinfo: sport : Il n'y a plus aucun Français ni aucune Française dans le tableau simple à Roland-Garros cette année. Quel sentiment cela vous inspire-t-il ?

Mickaël Llodra : Ce n'est pas arrivé depuis 1968 et le début de l'ère Open, c'est forcément décevant. Pour le tennis français, ce n'est pas un bon cru, c'est même une désillusion. La nouvelle génération a du mal à reprendre le flambeau. Les anciens, eux, ont été mis à mal, notamment après la pandémie qui n'aide pas. J'imagine que les personnes en charge du haut niveau, le nouveau président, le nouveau DTN, vont remettre les choses à plat pour faire évoluer le tennis français, et permettre l'éclosion de nouveaux jeunes. On a un bon vivier mais on sait qu'il rencontre toujours une transition compliquée entre les années juniors et le monde professionnel.

L'année 2020 tronquée par le Covid-19 a-t-elle pu freiner la dynamique de certains jeunes comme Hugo Gaston, Ugo Humbert, Corentin Moutet, ou Fiona Ferro ?

Il ne faut pas se cacher derrière ça… Le circuit a été le même pour tout le monde. C'est plus dur peut-être pour les anciens de remettre la machine en route après des petites blessures. Quand on a vécu toute une carrière avec l'habitude de jouer devant le public, c'est d'autant plus difficile. De là à n'avoir personne au 3e tour… On n'avait jamais vu ça, il n'y a même pas une surprise hormis Enzo Couacaud. Les autres sont restés au point mort, ça fait réfléchir.

On parle beaucoup de la formation, et du problème des Français sur terre battue, mais de nombreuses compétitions de jeunes en France se déroulent sur cette surface. Le problème vient-il de là selon vous ?

Non, je ne pense pas. Tous les clubs ou presque ont des terrains en terre battue. C'est une année dans les annales mais il ne faut pas non plus tirer la sonnette d'alarme trop rapidement. Il y a des choses à remettre en question, on est à un carrefour entre l'ancienne et la nouvelle génération, et on a des joueurs bien plus performants sur surfaces rapides. C'est dommageable pour le tennis français, et pour les joueurs surtout, car ce sont eux qui sont exposés et ils n'ont rien montré d'exceptionnel.

Pendant des années, on a pointé du doigt par exemple les Américains, les Suédois ont eu le même problème... Il y a toujours des périodes de transition.

Mickaël Llodra

à Franceinfo: Sport

Dans le même temps, d'autres nations du tennis comme la Russie, l'Italie ou les Etats-Unis parviennent à connaître un rebond, au moins dans le tennis masculin.

Attention, tout n'est pas à jeter ! Ugo Humbert a éclaté, même s'il a une période plus difficile. D'autres jeunes aussi pointent le bout de leur nez. Pendant des années, les Américains, après Andy Roddick, autour de 2003, n'étaient plus capables de placer un joueur en finale de Grand Chelem. Il y a toujours des périodes de transition. On parle beaucoup des Italiens, des Russes, c'est un fait. Mais les Suédois ont le même problème. Vous imaginez passer après Borg, Wilander, Edberg… Ils n'ont pas eu un joueur dans les 150 premiers à l'ATP pendant un moment. Quand Nadal va s'arrêter, le tennis espagnol va être en danger aussi ! Avant, il avait une densité : Moya, Corretja, Costa, Ferrero, Ferrer… En France, on est comme tous les autres pays, on est à un carrefour, où c'est plus compliqué. Cela tombe bien qu'il y ait du changement avec une nouvelle politique sportive.

Y a-t-il des raisons d'être optimiste quand même ?

Bien sûr. Je connais bien ceux qui sont arrivés à la tête de la fédération [Gilles Moretton a été élu président le 13 février, Arnaud Clément a été nommé vice-président, Nicolas Escudé, directeur technique national par intérim, ou encore Paul-Henri Mathieu, directeur du haut niveau], cela va faire bouger les lignes. Sans vouloir cracher dans la soupe et pointer du doigt ceux qui étaient là avant, maintenant il y a une vraie remise en question, des anciens joueurs qui ont connu ça et qui s'entraident. Les personnes mises en place sont les mieux placées pour faire évoluer le tennis français, il faut leur laisser un peu de temps pour tous les projets. On ne peut pas du jour au lendemain transformer un joueur en champion.

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