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Flushing Meadows, le Grand Chelem rock’n roll

Le dernier Majeur de l’année est également le plus showtime. Son central Arthur Ashe de 23 000 places inauguré il y a 20 ans, ses sessions de nuit électriques et ses matches de légende ont fait de l’US Open un must. The place to be. Moins prestigieux que Wimbledon, moins convivial que Melbourne, moins atypique que Roland-Garros, Flushing Meadows n’en dégage pas moins une atmosphère incomparable faite de bruit et de fureur, digne d’un grand concert de rock. Et il constitue souvent un tournant décisif dans la saison.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
 

Lorsque l’US Open a déménagé de Forest Hill à Flushing Meadows à l’été 1978, Il a trouvé le cachet qui lui manquait pour rivaliser avec Wimbledon, le plus grand tournoi du monde : un cadre idéal, au cœur du Queens, et une surface différente du gazon anglo-saxon et de la terre ocre parisienne : le Decoturf.

Connors et Borg, les pionniers

Les courts en dur de Flushing ont magnifié la réputation du tournoi au moment où le tennis vivait son premier âge d’or avec l’émergence quelques années plus tôt de deux champions hors normes, Jimmy Connors et Bjorn Borg, qui ont révolutionné la face du tennis et qui ont disputé la première finale sur le court Louis-Armstrong (victoire d’un grand Jimbo en trois sets contre un Borg certes diminué par une ampoule au pouce droit). 

L’US Open avait déjà innové en 1970 en instaurant le jeu décisif au cinquième set. Depuis, plus de 120 tie break ont été disputé lors de la manche décisive du tournoi masculin dont quelques-uns mémorables (McEnroe-Connors en demi-finale de l’édition 1980, Flach-Cahill en 1987, ou Sampras-Corretja en quarts en 1996 lorsque le numéro 1 mondial vomit sur le court avant de triompher in extremis).

Show à l’américaine

L’US Open a régulièrement su proposer des innovations destinées à améliorer le spectacle, n’en déplaise aux puristes. Cette année, une serve clock (horloge de service) avec un décompte qui débute à 25 secondes a été mise en place pour les qualifications et les tournois juniors. L’échauffement est chronométré et limité à cinq minutes, et le coaching depuis les tribunes est dorénavant autorisé entre les points. Des nouveautés qui seront peut-être reprises pour le tableau principal dans les années qui viennent.

L’USO a aussi été le premier à varier sa programmation en instituant dès 1984 un Super Saturday avec les demies Messieurs et la finale Dames en suivant. Coup de maître pour cette première avec trois rencontres d’anthologie (Lendl et McEnroe battent respectivement Cash et Connors en cinq manches tandis que Navratilova s’impose contre Evert en trois sets serrés). Mais ce samedi de folie a vécu, les demi-finales reprenant place –à partir de 2015- le vendredi (et la finale le dimanche après une tentative avortée de la déplacer le lundi).

Ambiance rock

Flushing Meadows a surtout su se distinguer de la concurrence en instaurant des sessions de nuit extraordinaires qui ont contribué à entretenir sa légende. Quel vacarme à chaque fois que des gladiateurs tels que Connors, McEnroe ou Agassi enflammaient le Central pour des matches à rallonge !

Si Federer et Sampras ont également régalé et détiennent les deux premières places au nombre de parties disputées en nocturne, ce sont bien les deux rivaux gauchers du début des années 80 qui ont le plus enthousiasmé les chauvins spectateurs locaux qui se reconnaissaient dans ses deux versions de l’Amérique : le col bleu de l’Illinois, showman et guerrier ultime, et le bourgeois new-yorkais, fils d’avocat et artiste de la petite balle jaune. A ce titre, le parcours ahurissant d’un Jimbo (39 ans) ressuscité d’entre les morts en 1991 –notamment son 8e de finale contre Aaron Krickstein- trône au sommet des grands moments du tournoi.

Tremplin pour la première place

Autre atout du Majeur américain, sa place dans la saison. L’US Open se tient juste à la fin de l’été, à un moment décisif pour les classements ATP et WTA. Après la quinzaine américaine, il ne reste plus que deux mois de compétition, et les points engrangés ici valent très chers.

Le rang de meilleur joueur de l’année s’est d’ailleurs assez souvent joué début septembre : Connors a repris les commandes du circuit mondial en battant Lendl en 1982, le Tchécoslovaque en a fait de même en 1985 au détriment de McEnroe, Wilander a conquis pour la première fois la première place en venant à bout de Lendl en 1988, Edberg a dépossédé Becker de son sceptre en laminant Courier en 1991, et Agassi est redevenu le King devant Pete Sampras (forfait sur blessure) en dominant Todd Martin en 1999.

Sampras, recordman des sacres à Flushing avec Roger Federer (5), a reconquis une dernière fois le trône l’année suivante malgré un échec retentissant face à Marat Safin en finale. Juan Carlos Ferrero, finaliste en 2003, fût le dernier joueur à coiffer le premier rang à New York (même si Andy Roddick termina N.1).

Jungle Fever

Flushing est sans conteste le tournoi le plus difficile à gagner pour les outsiders. Véritable jungle urbaine, avec son public bruyant et indiscipliné, ses embouteillages dans et en dehors du stade, ses temps de trajet parfois longs entre les hôtels et les courts, New York ne s’offre jamais à un second couteau. L’expérience est primordiale. Au palmarès ne figurent quasiment que des cracks. Depuis la première édition, seuls des numéros 1 mondiaux –passés, présents ou futurs- ont triomphé ici hormis Gabriela Sabatini, Samantha Stosur, Juan Martin Del Potro et Marin Cilic.

Tous les grands champions s’y sont imposés à l’exception notable de Borg, défait trois fois en finale (quatre en tout à l’USO par le duo Connors-McEnroe).

Palmarès sans égal

Vous ne trouverez aucun équivalent dans les trois autres Majeurs : Cash, Stich, Krajicek, Ivanisevic, Martinez, Novotna, Kvitova et Bartoli n’ont rien gagné hormis Wimbledon. Noah, Chang, Gomez, Muster, Moya, Costa, Ferrero, Gaudio, Ruzici, Majoli, Myskina, Ivanovic, Schiavone et Na Li ne comptent comme Majeur qu’un Roland-Garros. Et l’Open d’Australie a carrément sacré des Chris O’Neil, Barbara Jordan, Brian Teacher, Petr Korda ou Thomas Johansson bien éloignés des canons habituels d’un lauréat en Grand Chelem.

23 000 places sur le Central

Le decoturf, surface semi-rapide idéale pour le spectacle car elle permet à tous les types de jeu offensifs de s’exprimer, a le chic pour faire respecter la hiérarchie. Les surprises y sont moins légions qu’à Melbourne (situé très tôt dans l’année), Paris (avec sa terre ocre piégeuse) ou Londres (avec la transition terre-gazon jamais commode). Une fois sur trois (12/39), la finale masculine a opposé le N.1 et son dauphin (seul Wimbledon rivalise, 13/40).

Les cadors du circuit s’y livrent de farouches batailles comme ces finales récentes entre Del Potro et Federer (en 2009), Djokovic et Nadal en 2011, ou entre Murray et le Serbe l’année suivante. Sans compter les duels homériques entre McEnroe et Borg (qui reçut des menaces de mort en 1981), Connors et Lendl (traité de Chicken –poule mouillée- par son rival, Sampras et Agassi (quatre victoires à zéro pour Pistol Pete dont le chef d’œuvre de 2001 avec quatre tie break) ou Federer-Djokovic avec notamment les deux succès remportés par le Serbe en demi-finales après avoir sauvé des balles de match).

Pour sa démesure, son Arthur-Ashe Stadium de près de 23 000 places, Flushing Meadows demeure donc un tournoi exceptionnel, une référence dont la réputation ne peut être ternie par les forfaits préjudiciables à cette édition 2017 (Djokovic, double lauréat, Wawrinka, tenant du titre, Nishikori, finaliste en 2014, et Raonic). Dans deux semaines, Nadal aura gagné un troisième titre ou Federer se sera paré d’une sixième couronne. A moins qu’on assiste à une surprise ou à l’avènement d’une nouvelle star comme Zverev. Quoiqu’il en soit, joyeux anniversaire Flushing. Et puisse cette édition ressembler à des 40e rugissants !

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