Roland-Garros : On l'attend toujours plus fragile, mais Rafael Nadal est à chaque fois aussi monstrueux
Il faudra bien se rendre à l'évidence : Rafael Nadal n'est pas plus fragile cette année que lors des précédentes éditions. Malgré son propre discours, ou même celui des observateurs. En battant ce vendredi Diego Schwartzman en trois sets 6-3, 6-3, 7-6 (7/0), l'Espagnol s'est hissé en finale sans perdre le moindre set. Depuis le début du tournoi, chacun a tenté de déceler dans ses matchs faciles des circonstances atténuantes : ce fut d'abord son tirage clément, puis un trop jeune Jannik Sinner (qui, deux heures avant, était présenté comme un épouvantail par tous). Cette fois, Diego Schwartzman serait passé à côté de sa demi-finale. C’est en partie vrai. Mais le facteur principal de ces victoires reste son niveau moyen sur ce court Philippe-Chatrier - qui reste un cran supérieur à celui du reste du circuit. Si Sinner comme Schwartzman se sont étiolés face à Nadal, c'est avant tout parce que c'était Nadal en face.
Plus fragile, peut-être, mais toujours invulnérable
Le premier à avoir alerté sur la forme de Rafael Nadal, c'est lui-même. Dès sa premier prise de parole, il s'est plaint des balles et des conditions de jeu particulières de cette édition. Et à chaque tour, il a réitéré ses craintes en interview, ne semblant jamais sûr de lui. Celui qui avait pris l'habitude de répondre : "je me concentre sur les prochains matchs, je ferai de mon mieux" se laissait enfin aller au long terme ; et c'était pour se voir en mauvaise posture. Depuis, il s'est donc qualifié pour sa 13e finale sans perdre un set. Etait-ce une série de coups de bluff ? Ce n'est vraiment pas le genre de la maison. Rafael Nadal n'était pas du tout en confiance sur cette quinzaine, angoissé devant l'incertitude de jouer dans ce qu'il semblait considérer comme un tout nouveau tournoi.
Mais il se trompait. Que la terre soit lourde ou non, qu'il y ait un toit ou pas, qu'il fasse 10 ou 30 degrés, le Philippe-Chatrier reste le Philippe-Chatrier. On sous-estime sans doute la dimension mentale de ses multiples victoires associée à ce cadre du Chatrier ; mais Rafael Nadal se sublime comme nulle part ailleurs sur le circuit lorsqu'il entre sur ce court. Rappelez-vous quand, en 2018, chacun y allait de son petit pronostic sur la sortie du Majorquin, après sa défaite contre le jeune Dominic Thiem en deux sets à Rome, puis son set perdu contre l'autre pépite, Alexander Zverev, à Madrid. Résultat ? Un 11e titre à Roland-Garros sans perdre un set. Et en 2019, pire encore : défaite à Monte-Carlo contre Fognini, défaite à Barcelone contre Thiem, défaite à Rome contre Tsitsipas. Cette fois, on y était : Nadal allait s'effondrer à Roland. Deux semaines plus tard, il soulevait son 12e trophée.
Son 13e titre serait sans doute l'un des plus beaux
Cette édition 2020 place cependant le curseur des incertitudes encore un peu plus haut. Et donc, rend plus remarquable encore son invulnérabilité à Roland-Garros. S'il n'avait pas eu ses douze titres dans l'escarcelle, Nadal n'aurait sans doute pas fait partie des favoris cette année, tant tout semblait aller contre lui. Sa défaite surprise contre Schwartzman à Rome, et donc son manque de compétition. Et les conditions de jeu, impropices à son lift monumental et à sa puissance.
Pourtant, le voilà en finale, plus prêt que jamais à en découdre. Qu'est-ce qui fait la différence entre ce Nadal et le joueur du Masters 1000 de Rome par exemple ? Son bourreau en Italie y répond en partie : "Je pense qu'il s'est amélioré. Et moi, j'ai joué en deçà du niveau que j'avais atteint à Rome. Je pense que la différence résidait plutôt dans la qualité de son jeu à lui (...) Rafa, c'est Rafa ! Il sait comment changer de braquet pour emporter chaque jeu."
Changer de braquet aux moments opportuns. Mais pour y arriver, il faut une incommensurable force mentale. Car il est indéniable que le jeu de Rafa est moins flamboyant dans ces conditions. Rien que face à Schwartzman, il s'est tout de même fait breaker trois fois en trois sets. Et a un ratio coups gagnants/fautes directes de seulement +4. C'est très bien, mais ce n'est pas le Nadal de 2017 qui dévastait tout sur son passage avec la manière. Cette année, la dévastation est là, sans la manière. Et c'est d'autant plus fort. Les douze titres du Roi de l'ocre ont souvent été acquis sans résistance, tant son tennis ne souffrait d'aucune faille. Cette année, s'il venait à l'emporter, il aurait, pour la première fois, ses propres limites.
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