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Serena Williams, vers une fin de règne sans partage

Depuis les retraites de Martina Hingis, Justine Henin, Kim Clijsters, Lindsay Davenport, et le déclin de sa soeur Venus, Serena Williams est seule au monde. Non contente de truster les principaux titres (21 titres du Grand Chelem), elle ne laisse que des miettes à la concurrence. De l'ancienne génération (Sharapova, Kuznetsova...) à la nouvelle (Muguruza, Bouchard...), elles subissent toutes sa loi. Avec 18 têtes de série éliminés avant les 8e de finale, cet Open d'Australie confirme l'écart qui la sépare des autres. A moins d'une blessure, ce règne durera jusqu'à ses adieux au circuit.
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Venus Williams a battu sa soeur à onze reprises sur 27 rencontres, mais seulement deux fois (en 2014 et 2009) lors de leurs 9 derniers duels depuis 2009. Justine Henin l'a dominée à six reprises en 14 matches. Martina Hingis l'a fait six fois en 13 rencontres. Lindsay Davenport quatre fois en 14 confrontations, Kim Clijsters deux fois en 9 matches. Voilà pour le passé. Pour le présent, et l'actuel Top 10 mondial, Serena Williams mène 77 victoires à 17 défaites, et même 61-6 si l'on enlève ses résultats contre sa soeur Venus Williams, dominatrice au début de leur carrière. A 34 ans, la N.1 mondiale compte 21 titres du Grand Chelem. Elle n'est plus qu'à une longueur du record de Steffi Graf dans l'ère Open (22), et à trois longueurs du record absolu de Margaret Court (24). A part une blessure ou une chute de motivation, rien ne semble pouvoir l'arrêter: Serena Williams n'a pas de concurrente.

Les fausses riva​les

Hors Serena Williams, Maria Sharapova (28 ans, 35 titres, 23 finales) possède le plus beau palmarès du tennis féminin. La grande Russe, 5e du classement mondial, a remporté cinq Majeurs (Australie 2008, Roland-Garros 2012 et 2014, Wimbledon 2004, US Open 2006) et le Masters 2004. Problème, elle est menée 18 à 2 dans ses confrontations avec Serena, et ses deux uniques succès datent de plus de 11 ans (finales de Wimbledon 2004 et du Masters 2004). Surtout, l’ancienne maîtresse du circuit s’est pris quelques fessées face à sa pire ennemie notamment un 6-0, 6-1 en finale des JO de Londres, même si ses deux dernières défaites en finales de Grand Chelem contre la numéro 1 mondiale étaient plus honorables (6-4, 6-4 à Roland-Garros 2014, 6-3, 7-6 à Melbourne en 2015). L’heure de la belle Maria semble passée. La cadette des Williams n’a pas laissé un seul à la belle blonde depuis presque trois ans (finale de Miami 2013). What else ? 

Victoria Azarenka, 16e du classement WTA, ne lâche rien comme en témoignent ses trois dernières défaites en trois sets face à l’ogre du tennis mondial féminin (en 2015, respectivement à Madrid, Roland-Garros et Wimbledon). Ancienne numéro 1 mondiale, la Biélorusse (26 ans, 18 titres, 16 finales) possède la puissance nécessaire pour rivaliser ponctuellement avec Serena et, contrairement à Maria Sharapova, un peu trop lente, elle possède un excellent jeu de jambes et une meilleure défense. Maintenant, Azarenka est menée quasiment aussi largement que la Russe dans ses confrontations avec la meilleure joueuse du XXIe siècle (3-17). La lauréate de l’Open d’Australie 2012 et 2013 n’a plus battu sa rivale depuis août 2013 (2-6, 6-2, 7-6 à Cincinnati) et elle ne l’a jamais battue dans un tournoi du Grand Chelem. Le constat est limpide. Pour elle aussi, Serena est trop forte.

Petra Kvitova, 7e du classement mondial et 2e en 2011, a certes dominé Serena Williams lors de leur dernier face à face (6-2, 6-3 sur la terre battue de Madrid), mais elle est tout de même menée 5-1 au bilan global dont trois échecs en Grand Chelem et deux sur le gazon de Wimbledon censé être la meilleure surface de la gauchère. Lauréate deux fois dans le Temple londonien (en 2011 et en 2014) et une fois au Masters, la Tchèque (25 ans, 17 titres, 6 finales) est beaucoup trop inconstante pour vraiment inquiéter Williams sur la longueur comme le montre sa défaite (6-4, 6-4) au premier tour de l’Open d’Australie 2016 contre l’Australienne native de Moscou, Daria Gavrilova, 39e mondiale, ce mercredi à Melbourne. Alors, battre Serena lors d’un quart ou d’une demi-finale de Grand Chelem, vous n’y pensez pas !

Svetlana Kuznetsova, 20e à la WTA, ne fait pas beaucoup mieux que les autres dans ses oppositions à la reine du circuit. La Russe (30 ans, 16 finales, 21 finales) compte deux succès pour huit échecs et son dernier exploit date de Roland-Garros 2009, en quarts de finale (7-6, 5-7, 7-5). En fait, la terre battue est la seule surface où elle résiste un peu à Serena (défaite 6-1, 3-6, 6-3 en quarts de finale de l’édition 2013). Sinon, il n’y a pas match. Malgré ses deux triomphes en Grand Chelem (US Open 2004 et Roland-Garros 2009), l’ancienne numéro 2 mondiale n’a jamais vraiment constitué une menace pour son aînée de 4 ans.

Les anciennes reine​s sans avenir

Ana Ivanovic (28 ans, 15 titres, 8 finales) ne s’est jamais vraiment remise de sa victoire à Roland-Garros en 2008, l’acmé de sa carrière. La belle Serbe, N.1 mondiale en juin 2008 mais aujourd’hui 23e, n’a ensuite plus gagné de Majeurs, déclinant lentement au classement avant de revenir dans le top 20 en 2014. Et elle ne compte que deux vraies performances sur ses douze derniers Majeurs (quart à Melbourne en 2014, demie à Paris en 2015). Contre Serena, elle déchante (1-9) même si elle a gagné leur dernier duel en Grand Chelem (Melbourne 2014). Son heure de gloire semble définitivement passée.

Jelena Jankovic (30 ans, 15 titres, 20 finales) a réussi l’exploit d’atteindre le sommet de la hiérarchie WTA (en août 2008) sans remporter un tournoi de Grand Chelem. La Serbe est menée 10-4 par Serena Williams dans leurs confrontations et elle n’a plus battu l’Américaine depuis 2010. La 22e mondiale ne fait pratiquement plus rien en Grand Chelem depuis Roland-Garros 2013 (quart de finale) et elle a subi trois éliminations sur quatre au premier tour des Majeurs en 2015.

Caroline Wozniacki (25 ans, 23 titres, 17 finales) a elle aussi atteint la première place sans soulever de grand trophée. La Danoise, finaliste de l’US Open à deux reprises, a progressé très vite dans la hiérarchie avant de décliner en 2013 puis de revenir à un rang plus convenable depuis (18e). Face à Serena, l’ex-girlfriend du golfeur Rory McIlroy ne fait pas le poids (1-10). Sa défaite (6-3, 6-3) lors de la finale 2014 à Flushing reste sa dernière grosse performance en Majeurs. Et son échec prématuré lundi à Melbourne (contre la modeste Yulia Putintseva, 76e) n’augure rien de bon.

Les inconstan​tes

Véritable révélation de la saison 2014, Simona Halep illustre parfaitement ces joueurs pleines de talent, mais trop inconstantes . Certes, elle occupe la 2e place mondiale depuis longtemps. Mais après 2014 (1/4 en Australie, finale à Roland-Garros, demi-finale à Wimbledon et 3e tour à l’US Open), la Roumaine a clairement fléchi. Sortie au 2e tour à Roland-Garros et au 1er à Wimbledon la saison passée, elle a encore, dérapé, en 2016 à Melbourne, d’entrée contre la Chinoise issue des qualifications Zhang Shuai (133e mondiale). Face à Serena Williams, elle n’a gagné qu’une fois (en poule au Masters 2014) en 7 affrontements, elle qui a dix ans de moins que la N.1 mondiale.

La Roumaine Simona Halep en difficulté

Dans le même registre, Agnieszka Radwanska. La Polonaise a subi 8 défaites en autant de matches contre l’Américaine. L’arrivée de Martina Navratilova l’an dernier dans son box laissait espérer enfin une montée en puissance. Sa demi-finale (sa 2e après 2013) à Wimbledon, dans un tournoi où elle a déjà atteint la finale (2012), et sa victoire au Masters de Singapour en fin de saison, a tout juste réhaussé le bilan qui fait d’elle une membre permanente du Top 5, mais sans titre du Grand Chelem.

Idem pour Lucie Safarova, passée près du double exploit en finale de Roland-Garros la saison passée. Mais c’est bien Serena qui a remporté ses 3e Internationaux de France, et conquis sa 9e victoire en autant de duels contre la Tchèque.

Samantha Stosur a, un temps, eu l’espoir de troubler le jeu des meilleures du monde. Avec son énorme lift, l’Australienne s’est d’ailleurs permis de priver Serena Williams d’un nouveau titre à New York en 2011, en la battant en finale, tout en lui barrant la route à Roland-Garros en 2010, dès les quarts de finale. En 11 matches, elle a battu la cadette des Williams à trois reprises. Mais la joueuse aux lunettes de soleil, 4e mondiale au plus haut, n’a jamais atteint les quarts ni en Australie, ni à Wimbledon, et n’a dépassé les quarts sur les deux autres Grands Chelems qu’à six reprises.

Les descendantes de Steff​i Graf

Angélique Kerber (28 ans, 7 titres, 11 finales, 6e à la WTA) est dominée (5-1) dans ses face à face avec Serena Williams. L’Allemande, qui ne compte que deux quarts de finale en Grand Chelem, paraît bien trop limité pour inquiéter la star aux 21 Majeurs. Sa compatriote Andrea Petkovic (28 ans, 6 titres, 5 finales, 25e) a fait un peu mieux qu’elle avec trois quarts en Grand Chelem et une demi-finale, en 2014 à Roland-Garros. Mais elle n’a jamais battu Serena (0-5).

Sabine Lisicki (26 ans, 4 titres, 5 finales, 32e) a disputé (et perdu) la finale de Wimbledon en 2013 (contre Marion Bartoli) après avoir éliminé Serena Williams en huitièmes de finale. Sa seule victoire contre l’Américaine en quatre face à face. Mona Barthel (25 ans, 3 titres, 3 finales, 44e) a perdu le seul match l’opposant à Williams, et elle n’a surtout jamais dépassé le troisième tour dans les Majeurs. Enfin Julia Görges (27 ans, 2 titres, 45e) est menée 2-0 dans ses confrontations avec Serena, et elle n’a pas franchi le cap des huitièmes de finale dans les grands rendez-vous. Ces cinq joueuses prometteuses d’outre-Rhin n’ont pas vraiment brillé en 2015. 2016 sera décisif pour elles. Mais pas pour inquiéter la reine.

La Fren​ch Touch

Cela va peut-être surprendre. Mais le bilan est là. La seule joueuse, actuellement sur le circuit, à avoir un bilan neutre contre Serena Williams, en l’ayant affronté plus de quatre fois, c’est Alizé Cornet. Grâce à une série de 3 victoires lors de leurs trois derniers duels (en 2014), dont ce 3e tour si important à Wimbledon, la Française s’est imposée pour afficher un bilan de trois victoires pour trois défaites. Ancienne N.1 mondiale chez les juniors, Kristina Mladenovic, qui représente depuis un certain temps l’avenir tricolore, n’a jamais encore défiée Serena. En terme d’impact physique, elle a la carrure pour lui faire face. Présentée par Andy Murray et Maria Sharapova comme une probable future N.1 mondiale, Caroline Garcia n’a pas encore franchi un cap au classement, et a subi trois défaites en autant de matches contre l’Américaine. Mais cela peut changer.

Les es​poirs

Cela a représenté son premier grand fait d’armes. En 2014, au 2e tour de Roland-Garros, Garbine Muguruza s’offre le luxe d’éliminer Serena Williams. A ce jour, cela reste sa seule victoire contre la reine du circuit (en 4 duels), mais l’Espagnole, 3e mondiale, représente bel et bien l’avenir de l’élite mondiale. A 22 ans, la terre lui réussit (deux quarts), Wimbledon aussi (finale en 2015), l’Australie moyennement (8e en 2014 et 2015), mais l’US Open demeure son point noir. La constance aussi.

La jeune Suissesse Belinda Bencic

Idem pour Eugénie Bouchard, du haut de ses 21 printemps. Elle-aussi était une révélation de 2014 (demi-finales en Australie et Roland-Garros, finale à Wimbledon, 8e à New York). Mais 2015 l’a fait rentrer dans le rang, avec des sorties d’entrée à Paris et Wimbledon, et aucun titre à son palmarès. Le contre-coup sans doute… A 18 ans, Belinda Bencic a donné l’espoir à la Suisse d’avoir une descendante à Martina Hingis (dont la mère l’entraîne), et un pendant à Roger Federer chez les femmes. Présente dans le Top 15, ayant déjà connu un quart de finale en Grand Chelem (US Open 2014), elle a déjà accroché deux titres à son palmarès en 2015, à Eastbourne et Toronto. Lors de son sacre canadien, la Suissesse avait d’ailleurs dompté Serena Williams en demi-finale, pour afficher, comme Alizé Cornet, un bilan neutre contre la N.1 mondiale (1-1).  Ces trois joueuses pourraient succéder à Serena Williams sur le trône. Peuvent-elles la pousser du sommet avant sa retraite ?

Par Grégory Jouin et Thierry Tazé-Bernard

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