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Roland-Garros 2021 : Daniil Medvedev, le plus Français des joueurs étrangers

Pour sa cinquième participation aux Internationaux de France, le Russe, n°2 mondial, veut enfin lancer son histoire avec la terre battue et le Grand Chelem parisien.

Article rédigé par Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Daniil Medvedev lors du premier tour de Roland-Garros 2019, le 27 mai 2019 à Paris (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

"Je suis peut-être le plus Français de tous les étrangers qui sont dans le top 100 maintenant." De Moscou à la Côte d'Azur, il n'y a parfois qu'un pas. Demandez à Daniil Medvedev. Alors que le tennis français se cherche une nouvelle tête de gondole, le Russe, actuel numéro 2 mondial, aurait pu être cet étendard bleu-blanc-rouge au sommet de sa discipline. Il en a finalement décidé autrement avant même sa venue au monde. Mais sa filiation avec l'Hexagone ne faisait que commencer.

Elle aurait pu être naturelle dès le berceau. C'était en tout cas le plan de ses parents, Russes tous les deux, mais qui ont révélé fin 2019 avoir prévu pour leur petit bout de chou un destin à la française. Ils devaient emménager en France en mars 1996, juste avant la naissance de leur fils. Mais il s'en est finalement fallu de quelques semaines. Prématuré, Daniil Medvedev a vu le jour à Moscou, avant de rester dans son pays jusqu'à sa majorité. 

"C'est vrai que mes parents voulaient vraiment que j'ai la double nationalité", expliquait-il après son sacre à Bercy l'an passé. "Mais je suis né en Russie, un mois avant qu'ils n'arrivent en France. C'est là que l'on voit que je voulais avoir un cœur russe", glissait-il encore, sourire aux lèvres. Sa précocité n'étant pas qu'une affaire de date de naissance, son talent raquette en main l'a finalement poussé à nouveau vers la France, à 18 ans. "C'était impossible pour Daniil d'être performant en s'entraînant en Russie. On a alors cherché l'endroit idéal pour l'aider à y arriver", avaient expliqué les parents Medvedev au média russe Sport Express. "On a d'abord pensé à la Finlande ou à la Suède, qui étaient plus proches, mais pas assez bien au niveau du tennis. On a longtemps réfléchi et quand sa sœur est partie à l'université de Nice, on a commencé à lui rendre visite et on a compris que c'était une bonne solution."

Le Russe Daniil Medvedev face à l'Espagnol Alejandro Davidovich, au Masters 1000 de Madrid, le 5 mai. (OSCAR DEL POZO / AFP)

Gilles Cervara, l'improbable guide

Dans le sud de la France, le jeune Daniil tout juste majeur débarque à Cannes en balbutiant quelques mots de français. Mais Medvedev trouve en Gilles Cervara, son entraîneur à l'Elite Tennis Center, celui qui va le relier à la France par le biais de la petite balle jaune. Cervara sort du cadre : ancien joueur au talent modeste, un temps exilé aux Etats-Unis et autant passionné d'arts martiaux que de montées au filet. Un personnage atypique, comme son poulain. L'alchimie fonctionne. Les deux ne se quittent plus, le coach de 40 ans suit son protégé sur tous les tournois, en témoin privilégié de sa progression aussi constante qu'impressionnante. Un lien désormais indéfectible se forme entre Medvedev et la France.

"Toute mon équipe est française, c'est pour ça que je parle bien, car on parle tous en français, nous avait-il expliqué en mars. J'ai vécu quelques années en France avant de déménager à Monaco. Je me suis entraîné la plupart du temps en France donc bien sûr, c'est beaucoup grâce à la France et à mon équipe française si j'ai la réussite que j'ai en ce moment. Donc on peut dire merci la France pour ça."

Un "génie" à forte personnalité 

Désormais dauphin de Novak Djokovic au classement ATP, devant Rafael Nadal ou Dominic Thiem, Daniil Medvedev s'est imposé comme le plus solide prétendant à la succession du Big 4 pour le trône du tennis mondial. Finaliste de l'Open d'Australie en début de saison et présent en quarts de finale lors de six des sept derniers Masters 1000 qu'il a disputés avant la saison 2021 sur terre battue, le géant moscovite ne cesse de prouver sa constance au plus haut niveau. Et de se faire un nom auprès des spectateurs, malgré des rapports parfois tumultueux avec les fans, comme lors de l'US Open 2019, durant lequel tout New York avait fait de Medvedev le nouveau vilain du circuit. 

"Son jeu est comme sa personnalité : très différent, a résumé Gilles Cervara à l'ATP en marsC'est comme entraîner un génie. Parfois, un génie, vous ne le comprenez pas. C'est comme ça, parce qu'ils sont différents. Et vous devez vous connecter à ce gars tel qu'il est." Au club de Cannes, où il avait ses quartiers il y a encore quelques mois, le Russe ne cachait pas son plaisir de se fondre comme un charme au milieu des anonymes venus taper la balle jaune comme lui.

Pas la moindre victoire porte d'Auteuil

Être le plus Français des Russes, licencié dans l'Hexagone, et parler la langue de Molière de manière quasi impeccable ne suffit d'ailleurs pas encore pour trouver les bonnes grâces du public tricolore. La faute notamment à l'incapacité chronique de Daniil Medvedev à se montrer performant dans le tournoi français de référence : Roland-Garros. Fantastique sur surface dur, prometteur sur gazon, le joueur de 25 ans n'a pas encore trouvé la recette pour exprimer tout son jeu sur terre battue, en particulier sur les courts de la porte d'Auteuil.

Medvedev est décidément difficile à suivre : vainqueur de ses deux derniers tournois disputés en France (Paris-Bercy 2020 et Marseille 2021), après n'avoir gagné que six matchs lors de ses douze tournois précédents dans l'Hexagone. Sur la surface ocre, le constat est encore plus frappant. Le Russe a été battu au premier tour à Roland-Garros lors de ses quatre participations ! "Pourquoi est-ce que je ne réussis pas en France ? Je n'étais pas bien dans la tête, parfois physiquement, ou je ne m'étais pas bien entraîné avant... Il y a des raisons logiques pour tout", rétorquait-il calmement après avoir – pensait-il – vaincu le signe indien à Bercy l'an passé. Mais le sort peut jouer des mauvais tours : dans la principauté monégasque où il réside et s'entraîne, à deux pas de la France, le Covid-19 l'a contraint à déclarer forfait pour le tournoi de Monte-Carlo mi-avril. Prolongeant son horrible série sur terre battue. 

Entre amour et frustration, l'histoire de Daniil Medvedev avec la France est donc encore inachevée. À Roland-Garros, elle n'a même pas vraiment commencé.

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