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Témoignages Violences sur les mineurs dans le sport : ils sont judokas, athlète ou parent de victime et sortent du silence

France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Que ce soit dans le haut niveau ou dans le monde amateur, les violences subies par les mineurs concernent tous les sports. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO SPORT)
Par leur témoignage, Julie, Claire, Jean* et Lucas* (prénoms modifiés pour les deux derniers) veulent que leur parole serve pour que les violences de tous types ne se reproduisent plus.

Issus du monde amateur ou du haut niveau, Julie, Claire, Jean* et Lucas* ont tous en commun d’avoir été confrontés à la violence sur les mineurs dans le cadre de la pratique sportive. Chacune de leur histoire raconte cette violence, qu'elle soit physique, verbale, psychologique ou sexuelle. Et comment la reconstruction est un long et difficile chemin.

Julie, ancienne judokate : "Ce jour-là, j’ai cru mourir"

Ancienne judokate à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), le fief des champions, Julie Labarrere aurait subi des violences physiques et verbales de la part d’un entraîneur national, il y a plus de vingt ans. Si elle n’a jamais porté plainte (les faits datant de 1999 sont prescrits), elle veut aujourd’hui, à 39 ans, raconter son histoire pour "protéger les autres".

A l’époque, Julie a 15 ans. Lors d’un stage national en 1999, elle aurait subi une "punition", ou plutôt un "châtiment" de la part d'un entraîneur haut placé dans la hiérarchie. "La veille, avec une de mes bonnes amies, je suis allée faire la fête dans la chambre des garçons. On était très nombreux et on a bu. L’entraîneur a été mis au courant. D’abord, tout le monde a été puni, mais mon amie a pris la responsabilité sur elle. La punition s'est donc recentrée sur nous deux, car nous étions inséparables", se souvient-elle.

Dans son témoignage, Julie Labarrere, ancienne judokate de l'équipe de France, raconte les violences qu'elle a subies par son entraîneur. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO SPORT)

Pendant l’entraînement, sur le tatami, il leur aurait infligé chacune leur tour des prises au sol. Selon elle, elles auraient été incapables de se défendre. La punition aurait duré plus de deux heures. "Cela m’a paru une éternité", ajoute Julie Labarrere, qui serait sortie du tatami couverte de bleus ce jour-là. Lors de cette "punition", il l’aurait empêchée de respirer, avec des compressions au niveau des côtes, ainsi que des étranglements. 

"Je pleurais. Je hurlais", confie-t-elle. Quant à sa coéquipière, qui était tombée dans les pommes plusieurs fois selon Julie, il l’aurait giflée violemment pour la réveiller et recommencer. "A un moment, je saignais du nez, mais cela ne l’a pas arrêté. Je ne voulais qu’une chose, qu’on m’assomme afin de ne plus devoir y retourner. J’ai appelé à l’aide, j'ai crié devant tous ces témoins. Ce jour-là, j’ai cru mourir." Pourtant, "personne n’a bronché. Ce genre de 'punition' était naturel pour lui. Il y avait régulièrement recours. Tout le monde avait une peur atroce de cet entraîneur."

"Physiquement, j'ai subi d'autres violences : des étranglements au sol, des gifles [voix tremblante] par plusieurs entraîneurs… J’ai aussi été forcée à courir jusqu’à ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre, ou à m’entraîner blessée. J’ai reçu aussi des insultes et des remarques dégradantes quand je n’étais pas au bon poids, et que selon eux, 'je ne ressemblais à rien', que 'j'étais grosse' et que 'je n’arriverais à rien'. Malgré ces violences, on ne pouvait pas en parler car on voulait tous être sélectionnés pour les compétitions. On voulait tous être numéro un, devenir champion du monde ou champion olympique.

Après cette punition [lors du stage], la vie a repris son cours, comme si rien ne s’était passé. Au départ dans ma tête, ce rêve de gagner des titres a pris le dessus. L’après a été compliqué à vivre car je suis passée du rêve de devenir championne à rien. J’ai encore une boule au ventre quand j’en parle aujourd'hui. Je ressens de l’injustice, et aussi un besoin de vengeance, de lui faire mal à mon tour, afin qu’il comprenne ce que j’ai vécu, alors que je ne sais même pas ce que cela m’apporterait. Cette sensation est horrible."


Julie a raconté pour la première fois son histoire à l’association Artémis en 2021, qui a fait remonter les faits à la Fédération française de judo (FFJ). Contactée par franceinfo: sport, la FFJ affirme "n’avoir trouvé aucune trace de ces actes qui seraient remontés à la fédération, ni de notification des commissions de discipline de l'époque". "Il est d'ailleurs à noter que vingt ans plus tard, au moment de notre arrivée à la tête de la fédération [la gouvernance actuelle], plus aucun signalement de nature similaire concernant des faits actuels ne nous est parvenu et ces pratiques n'existent plus, dans aucun des pôles de la filière d'accès au haut niveau." Egalement contacté par franceinfo: sport, l'entraîneur mis en cause par Julie Labarrere n'a pas répondu à nos sollicitations.

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Lucas*, père d’une victime : "Une chape de plomb s'est effondrée sur nos vies"

Le fils de Lucas* avait 14 ans quand il a été victime d'agressions sexuelles par son entraîneur de football, dans un club de Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône). Celui-ci a perpétré ces violences auprès de plusieurs enfants de l’équipe pendant toute une saison. En mars 2023, l’entraîneur a été condamné à 36 mois de prison dont 18 mois ferme pour agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans, atteintes à la vie privée et détention d'images à caractère pédopornographique.

Le tribunal lui a également imposé une obligation de soins à la fin de sa peine et une interdiction de mener toute activité en contact avec des mineurs. Son nom a été ajouté au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais). Le président du club a quant à lui été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour non dénonciation des faits. Il s'agit d'une condamnation inédite pour un dirigeant de club pour un tel délit.

"L’affaire éclate en juin 2019. A l’époque, nous apprenons, par hasard, qu’une première vidéo montrant un enfant, fesses nues, fessé par l’entraîneur, existe et circule dans le club en septembre 2018. Dès que nous avons été mis au courant, nous avons aussitôt parlé à notre fils, qui a écrit tout ce qui leur était arrivé. Puis nous sommes allés à la gendarmerie déposer plainte", explique Lucas. 

"Notre vie a alors basculé, poursuit-il. Une chape de plomb s'est effondrée sur nos vies. À l'écoute des différents témoignages des enfants, c'est l'horreur que l'on découvre… Nos enfants ont été entre les mains d'un prédateur, qui les manipulait. Ils étaient sous emprise. Entre la peur et la honte, de nombreux enfants quitteront d’ailleurs l’équipe en cours d’année. Au départ, on ne veut pas y croire, puis on cherche tout de suite de l’aide car on ne sait pas comment s’y prendre. L’aide des associations, comme Colosse au pied d’Argile et Innocence en danger, a été fondamentale car on ne peut pas s'imaginer vivre un jour dans sa vie un tel bouleversement."

"Pendant quatre ans, nous avons connu des hauts et des bas, avec beaucoup de bas. Le plus dur est de tenir bon."

Lucas*, père d'une victime

à franceinfo: sport

"Si l’entraîneur a été placé en détention provisoire quelques jours après notre dépôt de plainte, le président du club, qui a été mis en examen en septembre 2019, est resté en poste de nombreux mois, clamant son innocence et minimisant les faits. Pourtant, le président du club a eu connaissance des faits et des vidéos incriminant l’entraîneur dès septembre 2018, où on y voit des enfants dénudés réaliser un gage.

Pourquoi ne pas nous avoir informés, nous les parents ? Pourquoi ce silence ? Pour préserver la réputation du club ? Ou peut-être la sienne ? Alors qu'une réunion pour nous prévenir, ou même un appel, aurait permis de l’arrêter et de protéger nos enfants. Rien de tout cela n'a été fait. Et ne rien faire, c'est laisser faire, et même encourager." Témoin également de violences physiques et verbales sur les enfants, toujours d’après Lucas, le président du club aurait laissé l’encadrement d’une équipe de moins de 15 ans à cet entraîneur, alors même qu'il n'avait plus de licence à la Fédération française de foot.

Le fils de Lucas avait 14 ans quand il a été victime d'agressions sexuelles par son entraîneur de football. Son père nous raconte son désarroi et sa reconstruction difficile en tant que parent. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO SPORT)

"Ainsi, au-delà de l’horreur des faits, nous avons dû également surmonter la véhémence d’une partie de la ville, qui nous considérait comme des fauteurs de trouble. On nous disait que les enfants n’avaient pas subi de viols ni d'attouchement, et que ce n’était pas si grave.

Nous avons alors été malmenés socialement et isolés, dans notre ville où tout le monde se connaît. Certaines familles ont même reçu des pressions physiques et verbales ainsi que des menaces pour retirer leurs plaintes. A ce jour, soit quatre ans après, absolument rien n’a été mis en place dans la ville. Aucun des politiques, que nous avons pourtant sollicités, n’a engagé d’actions de prévention, d’information sur le sujet des agressions sexuelles et de la pédocriminalité. Aucune réaction non plus après le verdict. C’est l’omerta la plus totale. Plus de deux mois après la fin du procès, nous sommes certes soulagés par la décision de la justice mais loin d'être apaisés. On se reconstruit autour de notre bloc familial. Aujourd’hui, notre fils va bien."

"Témoigner est devenu pour nous, parents, un combat, pour que cela ne se reproduise plus."

Lucas*, père d'une victime

à franceinfo: sport

"Si je devais m’adresser à des parents, je leur dirais de beaucoup communiquer avec leurs enfants, de leur expliquer ce qu’est la violence physique, verbale, sexuelle et où elle commence, ainsi que les informer de ce qu’un adulte n'a pas le droit de faire. Il faut aussi être vigilant aux changements de comportements, à l’expression de peurs et de réticences. J’aimerais aussi dire aux témoins de ces agissements odieux, qu’on ne peut pas ne rien faire. On a le devoir en tant que citoyen de réagir, et encore plus lorsque l’on est responsable d’un groupe ou d’une structure. On n'a pas le droit de se taire. Alerter, se rapprocher de professionnels, c’est un devoir.

Aujourd’hui, le bilan personnel pour nous est difficile car en dehors des associations, aucune aide officielle ne nous a été apportée. Heureusement, la justice, en reconnaissant la culpabilité et en condamnant les deux individus dans cette affaire, a permis aux enfants et aux familles d’entendre qu’ils étaient victimes. La justice a considéré ces enfants comme des destins de vie pour lesquels désormais une reconstruction peut être envisagée."


Contactée par franceinfo: sport, la Fédération française de football confirme que cet entraîneur était “éducateur sportif titulaire d’une licence d’éducateur au sein de la FFF jusqu’à la saison 2017-2018. Il n’a plus eu de licence depuis cette saison. La FFF s’est portée partie civile dès connaissance de ces informations. Tant qu’il est inscrit dans ce Fijais (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes), ce qui le place en situation d’incapacité à exercer des missions d’éducateur, il ne pourra pas formuler une demande de licence."

L'avocat de l'entraineur, rappelle lui que "la prédation et l'emprise n'ont jamais été mis en avant au cours de l'audience, ni par le procureur de la République ni par le tribunal. On a eu le sentiment d'un adulte qui s'était comporté comme un adolescent immature avec de véritables adolescents en oubliant son rôle d'éducateur sportif. L'expert psychiatre qui l'a analysé au cours de l'instruction n'a relevé aucune paraphilie [comportement sexuel envers des enfants impliquant la souffrance ou l'humiliation] ni le moindre trouble psychique pouvant compromettre la sécurité des mineurs." L'avocat de l'entraîneur, qui s'exprime au nom de son client, insiste que "les faits pour lesquels il a été condamné sont isolés et circonstanciés. Il a mis de l'ordre dans sa vie et dans sa tête et ne souhaite pas être érigé au rang des grands prédateurs du monde sportif."

De son côté, l'avocate du président du club, confirme que son client a eu connaissance des vidéos, mais qu'il nie avoir été témoin de violences physiques et verbales. "Plusieurs personnes ont vu les vidéos. Mon client a eu connaissance des vidéos par la mère d'un joueur. A ce moment-là, personne ne voit de mal sur leurs contenus, bien qu'elles ne soient pas adaptées. Mon client a prévenu l'entraîneur qu'il ne fallait plus que cela se reproduise. Il n'y avait aucune volonté de dissimulation de sa part. S'il avait senti un danger, il aurait évidemment agi."

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Claire, athlète de haut niveau : "J'ai été violée par l'un des autres élèves"


Claire Palou était l’une des espoirs de l’athlétisme tricolore en 3000m steeple. Vice-championne d’Europe chez les juniors et les cadets sur sa spécialité, et détentrice du record de France chez les juniors et espoirs, la Drômoise de 21 ans a dû tirer un trait sur ses rêves. Entre ses 14 et 21 ans, Claire, aurait été violée et aurait subi des agressions sexuelles par des athlètes du groupe France. Elle a déposé plainte pour viol. 

"A 14 ans, alors que j’étais en internat dans la section sportive athlétisme de mon lycée à Pontcharra-sur-Bréda (Isère), j’ai été violée par l’un des autres élèves, qui avait alors 16 ans. Je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il s’était passé car je n’avais jamais eu de rapports sexuels avant. J’avais conscientisé qu’il m’avait forcé mais je n’avais pas pris conscience de la gravité des faits. Trois ans plus tard, alors que j’avais déjà intégré le haut niveau, j’ai subi une agression sexuelle lors d’une soirée entre athlètes. L’agression s’est passée dans un lit, où une autre fille dormait à côté de moi. Je ne voulais pas en parler dans un premier temps, mais quand je me suis sentie prête, mon agresseur, un athlète de l’équipe de France, m’a retourné le cerveau en me disant que tout était de ma faute. J’avais un petit ami à l’époque, et je me sentais tellement coupable. C’était très anxiogène de s'entraîner dans ce contexte." 

Claire Palou était l’une des espoirs de l’athlétisme tricolore en 3000m steeple. La jeune femme affirme avoir subi plusieurs agressions sexuelles entre ses 14 et 21 ans. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO SPORT)

"Lors de l’été 2021, j’ai subi une autre agression sexuelle, des attouchements, lors d’une autre soirée entre athlètes. Là encore, mon agresseur était un athlète de l’équipe de France. Il avait beaucoup bu, et m’a fait des attouchements sans mon consentement. J’ai réussi à me défendre et à m'enfuir avant qu’il n’aille plus loin. Durant les premiers mois de l’année 2021, j’ai aussi subi un harcèlement sexuel de la part d’un athlète de l’équipe de France, qui faisait partie de mon groupe d’entraînement à l’Insep. Il a multiplié les remarques sur mon physique, sur ce qui l’excitait sur mon corps. Un jour il m’a dit qu’il voulait me 'bouffer le cul'. Il m’a ensuite menacée pour m’empêcher d’en parler, que 'ça allait mal se passer pour moi' et qu’il pouvait me 'dégager de l’Insep'. J’ai ressenti un stress permanent."

"Ces agressions ont laissé des traces. En 2021, j'ai fait un premier épisode dépressif."

Claire Palou, athlète spécialiste du 3000m steeple

à franceinfo: sport

"J’ai alors été hospitalisée deux fois en 2022 d'abord pour tentative de suicide, puis pour dépression. A l’époque, je prenais beaucoup d’anti-dépresseurs qui ne me convenaient pas. J’ai dû faire un gros travail de fond avec des psychiatres et des psychologues, jusqu’à ce que les thérapeutes mettent des mots sur ce que j’avais vécu toutes ces années : viol, agressions sexuelles, attouchements, harcèlement sexuel et menaces. C’est la thérapie par la parole dont j’avais besoin. Mon dernier entraînement de haut niveau date du 19 mai 2022, juste avant que je sois hospitalisée la première fois.

Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux. Je n’ai presque plus d’idées noires et je suis en train de me reconstruire. J’essaie de reprendre une vie normale, tout en continuant le travail avec mes thérapeutes. J’ai toujours beaucoup de colère envers mes agresseurs. A l'exception du premier, ils sont tous des athlètes de haut niveau, membres de l’équipe de France. Je les vois faire des résultats, alors que moi j’ai dû tout arrêter, ça me fout la haine. La fédération et l’Insep sont au courant depuis peu et ils m’ont informée qu'ils allaient lancer une enquête interne dans les deux institutions.

Ces agressions ont laissé beaucoup de traces et de questionnements. Si ma vision du sport n’a pas changé, celle du haut niveau oui. J’ai toujours cette envie de faire de la compétition, mais je ne sais pas si je serai capable de retourner dans ce monde-là et de revenir au plus haut niveau. Mon objectif est de retrouver une bonne forme physique, et de m’entraîner de nouveau dans un cadre bienveillant à Montpellier (Hérault) avec mon nouveau groupe d’entraînement. Mais je ne mets plus de pression pour percer absolument dans le sport, car tout cela m’a gâché la vie."


Contactés par franceinfo: sport, l'Insep et la Fédération française d'athlétisme (FFA) ont confirmé avoir recueilli la parole de Claire Palou, tout en précisant ne pas vouloir communiquer davantage sur le sujet à l'heure actuelle. Pour l'heure, ces athlètes sont présumés innocents.

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Jean*, ancien judoka : "J'ai vu à quel point il pouvait être fou"

Jean* était judoka à l’adolescence. Alors qu'il était à un bon niveau régional, il aurait subi des violences psychologiques et sexuelles de son entraîneur. Il l'aurait vu se masturber une fois devant lui. Cet entraîneur a quitté le club, mais encadre toujours dans une autre ville.

Selon Jean, cet entraîneur aurait diffusé des films pornographiques "une ou deux fois" en sa présence et celle d'autres enfants. Lors d'une de ces séances, il se serait touché le sexe. Selon Jean, cela n'aurait pas forcément été dans le but d’avoir une relation sexuelle, mais "plus de montrer son 'lead', qu’il est là, le symbole phallique, un délire de maîtrise".

Alors que Jean avait 14-15 ans, l'entraîneur aurait souhaité, lors d'un stage de jeunes, que les garçons et les filles sortent ensemble, afin de faire des couples. Il aurait fait passer le message afin que plusieurs mineurs se mettent ensemble, "mais on ne peut pas forcer les gens à s’aimer", précise Jean. Il y aurait eu "des baisers et des pelotages" selon lui. 

Pour sanctionner un élève, cet entraîneur aurait également mis en place des 'salades' : "C’est un jeu, pour lui, où le principe est quand quelqu’un ne le satisfait pas, tout le collectif va sur lui." Dans la première version de ce jeu, il y aurait eu droit aux coups. "Ils l'ont arrêtée car ils l’ont fait sur quelqu’un qui devait combattre, et ça l’a blessé", affirme Jean. "Ça a toujours été une super anecdote pour le club." Dans la deuxième version, pinçage et mordage auraient été autorisés, affirme-t-il.

Judoka à l’adolescence, Jean* raconte avoir subi des violences de la part de son entraîneur. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO SPORT)

En salle de musculation, Jean aurait refusé d'obéir à un ordre d'exercice. L'entraîneur se serait énervé et l'aurait saisi physiquement. Il aurait été proche d'utiliser la violence physique mais se serait retenu. "J'ai eu peur", indique Jean.

Selon ce dernier, cet entraîneur aurait eu une emprise sur beaucoup de gens, même sur des adultes, qui auraient accepté de voir ça sur des mineurs. Toujours selon lui, cet entraîneur aurait été très manipulateur. En compétition, il aurait humilié beaucoup de judokas. "Ca a été très violent, c’est une pression terrible tous les jours, on n'ose même pas répondre aux appels", indique l'ancien judoka.

"Mes parents étaient loin de ça, je leur ai caché car j’étais jeune. Ils doivent mal le vivre. Je ne leur en veux pas du tout. J’essaie de les préserver de ça, ce n’est pas simple pour eux. Je ne pourrai pas oublier, je vais devoir vivre avec. J’ai envie qu’il arrête de s’occuper de mineurs, d’être dans le milieu, juste ça, pour préserver les jeunes judokas. Je ne veux pas que d’autres enfants subissent ça", continue Jean*.

Il affirme avoir toujours peur de cette personne et d'une agression. "C’est terrible à dire, car j’ai vu à quel point il pouvait être fou. J’étais dans le paradoxe car je voulais faire des résultats, et ça passait avant. C’est le manque de recul, la jeunesse, et c’était la force pour cet entraîneur d’avoir des mineurs qui ne savaient pas se positionner. J’ai sacrifié ma scolarité, je pense au bout du compte avoir fait le mauvais choix", explique Jean*, pour qui cet entraîneur aurait ruiné beaucoup de vies. "Ce qui est terrible, c’est que les personnes ayant des postes à responsabilités dans ligue ou la fédération à l'époque n’ont pas réagi, c'est hallucinant. Mais les fédérations ne fonctionnent pas de manière démocratique et gardent les problèmes sous le tapis."

 


Contacté par franceinfo: sport, l'avocat de l'entraîneur, qui s'exprime au nom de son client, réfute l'ensemble des accusations. "Il a déjà fait l'objet de deux procédures, une administrative et une auprès de la Fédération française de judo. L'enquête administrative a été menée par la préfecture de Loire-Atlantique. Un arrêté a été rendu le 31 mai 2021 indiquant qu'au regard de l'enquête, il n'y avait aucun élément. D'après le considérant (l'exposé des motifs de fait et de droit qui justifient la solution adoptée par les juges), les faits reprochés concernant les méthodes d'entraînement et le comportement de mon client sont insuffisamment caractérisés afin d'établir la mise en péril de la sécurité physique et morale des athlètes dont il avait à charge et que les éléments recueillis sont raisonnables pour établir qu'à date, il ne constitue pas un danger pour la santé physique ou morale des pratiquants des activités sportives."

*Les prénoms ont été modifiés. 

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