Sotchi : les Jeux de Poutine et de la démesure
"Nous sommes fin prêts, en grande forme, tout est en place, la seule chose qui manque ce sont les athlètes attendus ici ". Cette phrase rassurante a été prononcée la semaine dernière par le président du comité d'organisation des JO de Sotchi, Dmitri Tchernychenko. La fin, donc, si l'on en croit les officiels russes, d'une course contre-la-montre de plusieurs mois, après les nombreux retards enregistrés au cours du chantier. Il faut dire que la pression venait de haut, de très haut même, Vladimir Poutine n'ayant pas hésité à se rendre en personne plusieurs fois à Sotchi, où le président russe possède une résidence, afin d'inspecter les travaux. Une affaire d'honneur pour lui.
Sur le terrain, le comité d'organisation a vendu les Jeux "les plus compacts " de l'histoire, car les installations olympiques sont censées se trouver à trois quarts d'heure de temps les unes des autres. En gros, le stade olympique et les patinoires se situent au coeur du parc olympique d'Adler, à une vingtaine de kilomètres de Sotchi sur la côte. La vallée de Krasnaya Polyana accueille, elle, les installations de biathlon, saut à ski, ski alpin et snowboard.
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Les Jeux les plus chers
Dès les prémices du chantier, il y a plus de quatre ans, cela a été clair : les Jeux olympiques de Sotchi seraient les plus chers jamais imaginés, JO d'été compris. Mais le budget alloué a proprement explosé, pour atteindre aujourd'hui le montant ahurissant de plus de 37 milliards d'euros.
Le surcoût a notamment été occasionné par des aberrations techniques, comme les multiples reconstructions de la route et de la ligne ferroviaire reliant Sotchi à la vallée de Krasnaya Polyana, où auront lieu les épreuves alpines des Jeux. Ou encore les glissements de terrain ayant obligé les concepteurs du tremplin de saut à ski à le "déplacer" deux fois.
Un site russe a d'ailleurs listé, dans une infographie interactive (en anglais), tous ces dysfonctionnements. Sans compter les nombreuses accusations de corruption et de détournement entourant l'entreprise publique choisie pour gérer le chantier, Olympstroï. Et quand on sait que d'autres scandales entourent la construction, de la destruction d'écosystèmes et de faune locale au travail illégal de milliers d'ouvriers immigrés clandestins, jamais payés, on se dit que ces JO de Sotchi sont dès leur conception partis sur des bases polémiques...
Poutine à la manoeuvre
Cet événement international, certes moins médiatisé que des Jeux olympiques d'hiver, mais couvert quand même par quelque 13.000 journalistes accrédités, a été porté dès le début par Vladimir Poutine lui-même. C'est lui qui a poussé à choisir Sotchi, une station balnéaire au bord de la mer Noire où les températures ne descendent guère sous les 10°C l'hiver, et où les pistes de ski les plus proches se trouvent à une cinquantaine de kilomètres du centre-ville.
Le président russe s'est rendu à plusieurs reprises dans la région, pour s'assurer que tout était en ordre, n'hésitant pas à se mettre lui-même en scène dévalant les pistes à skis. La réussite de "ses" JO est une question d'honneur national, une partie de la stratégie consistant à faire de la Russie une nation incontournable sur le plan international.
Pourtant, ni Barack Obama, ni Angela Merkel, encore moins François Hollande ne seront présents. Seul chef d'Etat de très grande envergure attendu, le président chinois Xi Jinping. Il faut dire que la communauté internationale a très vite été refroidie par le contexte local.
Les lois qui font tache
Le régime de Vladimir Poutine n'est pas tendre avec les opposants politiques. Pas plus avec les quelques journalistes indépendants qui ont osé critiquer l'organisation des Jeux olympiques à Sotchi. Le contexte polémique était déjà le même à Pékin, en 2008.
Mais la contestation internationale, outre le problème des droits de l'Homme dans le pays, s'est essentiellement focalisée sur l'adoption de lois, en octobre dernier, pénalisant la "propagande homosexuelle". Au point de soulever l'hypothèse, dans certaines délégations, d'un boycott pur et simple des Jeux. La semaine dernière, le maire de Sotchi s'est encore illustré en déclarant qu'"à [sa] connaissance, il n'y a pas d'homosexuels à Sotchi ".
Face à la contestation, Vladimir Poutine a réagi à sa manière, promettant de laisser une "zone de protestation" de quelques centaines de mètres carrés à la disposition des nombreux militants déjà présents sur place. Autre geste d'apaisement, ou plutôt un moyen de ne pas être "ennuyé" pendant les Jeux, la libération en décembre dernier de deux membres des Pussy Riot, et de l'ancien oligarque Mikhaïl Khodorkhovski, emprisonné depuis une dizaine d'années.
Ces polémiques, ainsi que les menaces d'attentat formulées par les rebelles islamistes du Daguestan, font aujourd'hui que les Jeux de Sotchi promettent une ambiance bien particulière. Ce qui explique, peut-être, que tous les billets n'ont pas encore été vendus.
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