Santé : à l’image d’Alain Bernard, pour les sportifs de haut niveau, l’asthme n’est pas une tare
Le footballeur David Beckham, l'athlète Sebastian Coe, le nageur Alain Bernard… Les exemples de sportifs de haut niveau qui ont réussi une grande carrière malgré leur asthme ne manquent pas. L'effort physique est même recommandé par les pneumologues, et ne présente pas de contre-indication à haut niveau. En France, 3,5 à 4 millions de personnes sont asthmatiques et 900 à 1000 personnes en décèdent chaque année. En cette journée mondiale de l'asthme, le 2 mai, la Gregory Pariente Foundation, qui se mobilise pour réduire les conséquences de l'asthme, rappelle que la pratique sportive contribue à mieux supporter la maladie respiratoire.
"L'asthme est une maladie liée à deux mécanisme principaux : une inflammation des voies aériennes, qui sécrète du mucus et les encombre, et une diminution du diamètre des voies aériennes, qui rend le débit d'air moins important", pose le pneumologue Louis-Jean Couderc. Selon le spécialiste, le sport n'est absolument pas contre-indiqué chez les asthmatiques : "Bien au contraire ! Et il n'y a pas non plus de danger à le pratiquer à haut niveau". Recordman du monde d'endurance en aviron sur ergomètre, et asthmatique de naissance, Thomas Busser peut en témoigner : "Le sport m'a permis d'espacer les crises, qui étaient courantes dans les premières années, et il m'a permis de comprendre comment mon corps fonctionnait. L'asthme n'est pas une tare". L'activité physique, entre 18 heures et 20 heures par semaine durant sa carrière à haut niveau, est ainsi devenue partie intégrante de sa prise en charge de l'asthme. "J'ai constaté une baisse des symptômes et une baisse de l'occurrence des crises", ajoute-t-il.
Favoriser les environnements sans particules nuisibles
Si le sport est fortement conseillé, sa pratique doit néanmoins tenir compte de l'environnement, pour respirer le moins possible de particules nuisibles, et des conditions météorologiques, pour ne pas mettre les bronches trop en difficulté. "En été, il ne faut pas s'entraîner à midi en plein cagnard, car l'air sec est un facteur aggravant. Et à l'inverse, l'hiver, il ne faut pas faire son footing le soir quand les températures tombent", explique le professeur Couderc. Pour réaliser son record du monde d'endurance, avec 110 heures d'effort d'affilée en relais avec Romaric Cavard, Thomas Busser avait donc mis toutes les chances de son côté : "Il a fallu choisir le bon moment, en hiver, dans un environnement un peu frais, sans pollen ni graminées, dans une pièce dépourvue de poussière et d'acariens, avec une ventilation naturelle", décrit-il.
Double champion olympique de natation en 2008 et 2012, Alain Bernard a fait les frais d'environnements pas toujours adaptés à son asthme, diagnostiqué à l'adolescence. "Les symptômes se manifestaient surtout à l'entraînement, si les exercices étaient intensifs, parfois dans des anciennes piscines pas très bien ventilées. J'y étais plus sensible que mes collègues, et c'était un peu rageant. Je me demandais pourquoi j'avais de l'asthme, et pas eux", raconte-t-il, convaincu que la surexposition au chlore est également à l'origine des manifestations de son asthme. "Quand le chlore se dégrade dans l'eau, il dégage un gaz, la trichloramide, qui stagne à dix centimètres de la surface, et nous les nageurs, c'est là que l'on respire pendant deux heures", assure-t-il. Avec le temps, le champion a appris à maîtriser cette gêne respiratoire en préférant les bassins extérieurs pour ses vingt heures d'entraînement hebdomadaires : "Il y a quelques mois plus difficiles l'hiver, mais c'était quand même plus agréable pour moi".
Un traitement encore tabou ?
Davantage suivis médicalement, les sportifs de haut niveau asthmatiques nécessitent des autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) pour suivre certains traitements, notamment pour des bronchodilatateurs et corticoïdes, qui figurent sur la liste des produits interdits par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour les athlètes sains. "Si un sujet sain prend un produit contre l'asthme, il améliore sa capacité respiratoire, et on sait que certains titres se jouent à quelques centièmes de seconde, donc ça peut tenter certains de tricher", soulève le professeur Couderc.
Alain Bernard, qui ne se déplaçait jamais sans sa ventoline, a passé tous les examens pour prouver son asthme et son besoin d'AUT, renouvelée tous les ans. "Il m'a fallu un peu de temps d'acceptation pour prendre un médicament non autorisé, confie-t-il. J'avais tous les justificatifs pour cela, et j'en avais besoin. Je devais donc faire des inhalations tous les jours et prendre de la ventoline avant l'effort quand je sentais que j'étais limité". Le nageur affirme avoir toujours respecté les doses prescrites par son médecin, mais il est longtemps resté discret sur son asthme, avant de le révéler en 2008. "Je ne l'ai pas caché, je ne l'ai pas surexposé, je faisais mon truc discrètement, parce que les rumeurs de dopage peuvent vite partir quand on est médiatisé. Je respectais strictement les dosages mais je voulais rester discret là-dessus", raconte-t-il.
Thomas Busser a lui aussi eu recours à des inhalations avant des compétitions. "C'est une question de dosage entre celui qui va juste prendre trois bouffées de ventoline, simplement pour respirer comme les autres, et celui qui va en prendre vingt, témoigne-t-il. J'ai déjà assisté à cela, et les intentions ne sont pas les mêmes, ça m'interroge". La prise de salbutamol, un bronchodilatateur composant la ventoline, a déjà valu des ennuis à plusieurs sportifs asthmatiques, pour des concentrations trop importantes du produit dans les prélèvements des contrôles antidopage, comme pour le quadruple vainqueur du Tour de France, Chris Froome, finalement blanchi.
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