Le XV de France à la croisée des chemins, Guy Novès en question
Le constat : le XV de France évolue en deuxième division du rugby mondial
Il ne faut pas se voiler la face. L’équipe de France n’appartient plus au gotha du rugby planétaire. Cela ne date pas d’hier mais remonte à une bonne décennie, la finale surprise de la Coupe du monde 2011 ayant masqué trop longtemps les problèmes. La Nouvelle-Zélande reste la référence absolue, talonnée par une Angleterre ragaillardie depuis son échec à domicile au Mondial 2015. L’Irlande, très solide, et l’Australie, plus irrégulière, complètent ce podium, loin devant les autres nations historiques comme le pays de Galles, l’Argentine, l’Ecosse ou l’Afrique du Sud.
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La France pointe en queue de ce peloton comme en témoignent ses résultats depuis 2008 et surtout depuis 2012. Après 20 matches à la tête des Bleus, Guy Novès affiche le pire bilan d’un sélectionneur français avec 7 succès et 13 défaites (11 victoires, 9 défaites pour Marc Lièvremont, 8 victoires, 2 nuls, 10 défaites pour Philippe Saint-André). Le constat d’échec est clair, n’en déplaise à l’ancien coach du Stade Toulousain dont la réputation n’est plus à faire. Pour Pierre-Michel Bonnot dans l’Equipe, « il semble urgent d’en finir avec un projet de jeu d’une prétention démesurée vu l’état du rugby français. Et donc avec celui qui s’obstine à vouloir le mettre en place avant même d’avoir posé les fondements d’un rugby sans doute moins ambitieux, mais qui gagne de temps en temps ».
Il y a tout juste un an, Novès et son staff avaient cru déceler des signes positifs après deux courtes défaites face aux Wallabies (23-25) puis aux Al Blacks (19-24). Impression confirmée par un Tournoi des VI Nations enfin positif avec une troisième place derrière l’Angleterre et l’Irlande au terme d’un match victorieux de 100 minutes contre le pays de Galles. Malheureusement, la tournée d’été désastreuse en Afrique du Sud (trois larges défaites et un constat d’impuissance terrible contre les plus faibles Springboks de l’histoire) a résonné comme une rechute. Aujourd’hui, c’est pire. « Ca manque d’inventivité, d’efficacité sur des choses simples », confie l’ancien troisième ligne Olivier Magne dans l’Equipe. « L‘Equipe de France n’est pas au niveau international. On manque de puissance, de conquête, d’intensité » renchérit Eric Blanc, le consultant d’Europe 1.
Les joueurs, pour la plupart, sont lucides. « Il y a de la déception, on est en colère car on en a marre de perdre, assure Louis Picamoles. On travaille mais si on ne comprend pas que certaines erreurs nous tuent dans ce genre de match de haut niveau, on continuera à travailler mais à perdre les matches ». Teddy Thomas lui emboîte le pas : « Le contenu n'a pas été à la hauteur de ce qu'on avait dit pendant la semaine. Il faut passer à autre chose, visionner les images, cibler les points négatifs et faire mieux la semaine prochaine ».
Le capitaine Guilhem Guirado était lui carrément abattu : « On est très frustrés et déçus. On avait beaucoup misé sur ce match après avoir reçu une leçon de rugby (contre les All Blacks samedi dernier, 18-38). Il y a un peu de dépit. On n'aime pas la défaite, les visages étaient noirs dans le vestiaire, on va se remettre au boulot et en question ». Refrain habituel.
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La circonstance atténuante
-Les blessés
Même si l’on ne doit pas se réfugier derrière ça, on ne peut occulter les absences de poids. Camille Lopez s’était imposé comme le demi d’ouverture idoine pour le XV de France depuis la tournée d’automne 2016 et sa grave blessure (fracture de la cheville, out cinq mois) a forcément contrecarré les ambitions de jeu prônées par Guy Novès. Bon buteur, animateur efficace, l’ouvreur clermontois manque clairement aux Bleus. Le jeune et talentueux Anthony Belleau (21 ans) ne peut revendiquer la même expérience bien qu’il n’ait pas démérité.
Idem pour d’autres éléments importants du groupe France qui avaient su se faire une place au sein du XV de départ. Les centres de l’ASMCA, Wesley Fofana et Rémi Lamerat, font partie des joueurs destinés à retrouver bientôt la sélection. D’autres comme le piler toulousain Cyril Baille, les troisième ligne de Montpellier et de Brive Yacouba Camara et Fabien Sanconnie (auteur d’une bonne rentrée mardi lors du match contre les All Blacks B à Lyon), le deuxième ligne clermontois Arthur Iturria ou son collègue, l’ailier Noa Nakaitaci, le centre Gaël Fickou, pourraient revenir à plus ou moins long terme. On peut y ajouter Virimi Vakatawa, suspendu pour un carton rouge et dont la folie a manqué. Ca ne résoudra pas tout mais ça devrait permettre au staff d’avoir davantage de solutions pour élever le niveau de l’équipe.
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La circonstance aggravante
-La mise à disposition des internationaux
Contrairement à ses prédécesseurs, Marc Lièvremont et Philippe Saint-André, Guy Novès et ses adjoints Yannick Bru et Jean-Frédéric Dubois ont bénéficié de conditions nettement plus favorables pour préparer le Tournoi et cette tournée d’automne pourtant très décevante. La liste Elite déjà mise en place a été étoffée, passant de 30 à 45 joueurs après un accord trouvé en juin entre la FFR et la Ligue (LNR).
On ne peut pas dire que ça a profité aux Bleus alignés cet automne. Notre consultant Fabien Galthié s’interroge d’ailleurs sur cette préparation spéciale : « Après ce match, je m’interroge sur le contenu de la préparation physique estivale, qui devait amener l’équipe de France en meilleure forme », a-t-il expliqué. A voir les prestations de certains joueurs (Nans Ducuing, Kevin Gourdon, Yoann Huget, Jefferson Poirot ou Rabah Slimani, entre autres, n’ont pas évolué à leur meilleur niveau en ce mois de novembre), on peut comprendre ce sentiment de l’ancien capitaine des Bleus.
Les solutions : faire confiance aux jeunes pour qu’ils continuent à progresser et trouver un patron
A l’heure actuelle, on ne voit guère de patron dans ce XV de France. Guilhem Guirado et Louis Picamoles, malgré leur bonne volonté, ne savent visiblement pas trouver les mots pour entraîner le groupe derrière eux. Quant à Yoann Maestri, autre récent taulier, il ne figure même plus dans le premier groupe, celui des titulaires potentiels. Certains observateurs de l’ovalie hexagonale ont relancé l’idée Morgan Parra. Mais, outre que le joueur n’a jamais été appelé par le staff actuel depuis janvier 2016, ce serait perçu comme un camouflet pour deux jeunes demi-de-mêlée bourrés de talent qui n’ont pas démérité, Antoine Dupont et Baptiste Serin.
« On a fait le choix de lancer des jeunes et de se passer de bons joueurs qui auraient pu être sélectionnés mais dans une logique à court terme. On a choisi 31 joueurs et on prépare l’avenir en donnant du temps de jeu à des éléments prometteurs pour qu’ils s’aguerrissent. C’est un choix que l’on assume », a confié Yannick Bru, le coach en charge des avants, ce dimanche matin, lors d’une conférence de presse où figurait également Jean-Frédéric Dubois mais pas Guy Novès. A moins qu’un jeune ne s’affirme avec autorité pour prendre le leadership de cette escouade, il faudra continuer avec Guirado, leader par l’exemple à l’instar d’un Thierry Dusautoir, mais loin d’être un général commandant ses troupes à la Daniel Dubroca, Pierre Berbizier ou Raphaël Ibanez, sans remonter au bouillant Jacques Fouroux.
Malgré tout, il reste une lueur d’espoir avec la génération montante. Pas mal d’éléments prometteurs pointent leur nez ou vont bientôt le faire : Antoine Dupont, Baptiste Serin ou Baptiste Couilloud en 9, Anthony Belleau, Romain Ntamack, Matthieu Jalibert voire Louis Carbonel en 10, Sekou Macalou, très à son aise mardi dernier à Gerland, Judicaël Cancoriet, Anthony Jelonch, Marco Tauleigne ou Fabien Sanconnie en troisième ligne, Arthur Iturria ou Swan Rebbadj en deuxième ligne, Damian Penaud –qui pue le rugby- au centre, Dany Priso en pilier, Camille Chat au talonnage…
Il ne faut pas hésiter à les laisser s’épanouir dans le grand bain afin qu’ils arrivent à acquérir des automatismes et de l’expérience d’ici à 2019. Cette génération née à la fin des années 90 devrait arriver à maturité pour la Coupe du monde 2023, disputée en France, qui doit rester la priorité. Ce n’est pas pour autant qu’il faut négliger le présent car gagner permet d’emmagasiner de la confiance. Même s’il est déjà très tard, il est encore temps de réagir. Avec ou sans Guy Novès.
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