Le médecin de l'ASM évoque un risque sanitaire trop important pour une reprise prématurée du Top 14
Et si le Top 14 ne reprenait finalement pas ? Dans un entretien accordé à son club de l'ASM, Matthieu Abbot, le médecin des Jaunards a évoqué cette hypothèse alors que la Ligue a publié une annonce évoquant deux solutions sur le futur de l'élite du rugby français. En dépit des conséquences économiques auxquelles pourraient faire face les clubs, son statut de médecin fait qu'il attend une prise de décision au niveau gouvernemental et se doit d’appliquer des mesures préventives pour les joueurs et toutes les populations qui l’entourent. Des conséquences dont le médecin à bien conscience mais la santé des joueurs doit passer avant tout.
Un risque "cardiaque" chez les sportifs
Beaucoup de questions continuent de se poser et les craintes et suspicions liées au Covid-19 n’ont que très peu de réponses scientifiques. Avec un risque d’inflammation du muscle cardiaque et dans le pire des cas, des morts subites, les médecins restent sur leurs gardes et entendent faire preuve de vigilance quant à l’avenir du sport. "Nous savons que la plupart des virus peuvent atteindre le cœur et conduire à ce genre de complications, nous ne savons pas encore si celui-ci est particulièrement agressif au niveau cardiaque et nous devons donc être particulièrement prudents vis-à-vis de la reprise du sport dans l’ensemble des disciplines".
Pour Abbot, si l’on veut éviter ce type de complications potentielles au niveau du sport professionnel, il sera important de "continuer les travaux de recherche sur les patients qui ont été atteints afin d’évaluer les risques de passage et d’effets du virus vers le muscle cardiaque". Des travaux que l’Auvergnat espère pouvoir accompagner d’un bilan complet des athlètes pour pouvoir les répartir en deux catégories, celles des positifs et des négatifs. "Il sera ensuite nécessaire de faire des bilans habituels sur tous les joueurs et peut être d’aller plus loin avec des IRM cardiaques pour éliminer le risque".
"Un troisième scénario de reprise impossible sur lequel le gouvernement devra statuer !"
Mais la question qui persiste tourne autour des conditions sanitaires de la reprise. Avec un début de déconfinement prévu au 11 mai, Mathhieu Abbot souhaite trouver des moyens pour mettre en oeuvre une distanciation sociale afin d'éviter un risque de contamination important au moment du déconfinement. À cause du très faible taux d’immunité collective, très peu de joueurs ayant été en contact avec la maladie, les choses pourraient très vite repartir dans le mauvais sens...
C'est ce qui l'a poussé, après études avec son "groupe LNR" à commencer à se positionner contre la reprise de la saison que l'on pensait pourtant en bonne voie... "Nous avons fait remonter le message d’une reprise délicate dans le contexte actuel. En tant que médecin, j’aimerais que l’on puisse être entendu là-dessus et faire valoir le fait qu’il y a un troisième scénario de reprise impossible dans le contexte sanitaire actuel. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de reprendre notre sport dans des conditions acceptables. Quand le pourrons-nous ? Je n’en sais rien". Pour lui, la décision est du ressort du gouvernement dont il attend une prise de position rapide pour éviter un drame lié à cette situation. Il estime d’ailleurs que dans les conditions actuelles, une reprise ne serait pas la meilleure façon de protéger les joueurs, ce qui irait à l’encontre de son rôle de médecin.
Le Montferrandais souligne aussi la condition physique des joueurs qui aura énormément diminuée au moment de la reprise. Serait-ce judicieux de faire jouer des matches de haute intensité à des athlètes sous-entraînés ? "Pour amener les joueurs à un niveau athlétique cohérent avec des matches à très haute intensité, il faut compter 8 semaines. Certains de nos joueurs ont perdu 7-8 kg et donc le problème est surtout la perte de masse musculaire qui amène un déconditionnement qu’il faudra compenser à la reprise. Cela prend du temps, beaucoup de temps". Un risque de plus qui pourrait s’avérer fatal sur leur santé et qui complique les perspectives de projections sur des phases finales à venir.
Le staff, considéré comme un groupe à risque ?
D’autres contraintes en vue de la reprise lui semble également importante à prendre en compte. À l’image des personnes considérées comme "à risques". Une problématique que Matthieu Abbot ne veut pas non plus négliger. Si le médecin part du principe que les joueurs sont en bonne santé, il se pose la question des personnes du staff sportif ou administratif... "Nôtre rôle sera de leur déconseiller de reprendre le travail et de poursuivre le travail à distance. Est-ce envisageable avec un coach, le staff sportif ? Une personne du staff médical ? Et même un sportif ? Je ne sais pas, mais mon devoir est d’être le plus préventif possible".
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