Cet article date de plus de trois ans.

Top 14 : l'Union Bordeaux-Bègles et le Stade Toulousain aux portes d'une nouvelle rivalité

Les deux premiers du championnat s'affrontent samedi soir, dans une affiche qui monte en puissance année après année. De là à raviver une rivalité ancienne entre les villes de Bordeaux et Toulouse ?

Article rédigé par franceinfo: sport - Elio Bono
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Bordeaux-Bègles va tenter de renverser Toulouse samedi, à l'image de son pilier Ben Tameifuna le 19 juin en demi-finale du Top 14. (DENIS CHARLET / AFP)

Vous pouvez l'appeler "derby de la Garonne" ou "chocolatinico", le constat reste le même : le match opposant l'Union Bordeaux-Bègles au Stade Toulousain devient, au fil des années, l'une des principales affiches du Top 14. Sportivement, les deux écuries caracolent en tête du championnat. L'UBB, deuxième du classement (38 points), est la seule équipe à même de suivre la cadence imprimée par le Stade Toulousain (40 unités). Le choc au sommet les opposant, samedi 4 novembre, est de ces rendez-vous incontournables sur la saison. De quoi instaurer une rivalité pérenne ?

"J'aimerais que l'on soit rivaux, mais on n'a pas assez existé contre cette équipe dans un passé récent", répond Laurent Marti, président du club girondin joint par franceinfo: sport. Battue deux fois par Toulouse lors de la dernière saison régulière (23-45 à Ernest-Wallon, 10-21 à Chaban-Delmas), son équipe a aussi trébuché lors de deux rendez-vous couperets. En Coupe d'Europe (9-21) comme en Top 14 (21-24), le Stade Toulousain a mis un terme aux rêves bordelais, pour leurs premières demi-finales dans ces compétitions."Souvent, ça se joue à peu de choses, mais ils ne sont pas imbattables", a tempéré mercredi le manager bordelo-béglais Christophe Urios, en conférence de presse.

Une rivalité "personnelle" entre les deux entraîneurs

En poste depuis 2019, Urios figure, justement, au cœur de cet antagonisme. De nature publique, son inimitié avec Ugo Mola, entraîneur du Stade Toulousain, a donné lieu à de nombreuses piques la saison passée. "Il faut dissocier les choses, rappelle Laurent Marti. Ces piques sont d'ordre personnel, elles ne sont pas liées à l'UBB et au Stade Toulousain." Celles-ci remontent en effet au début des années 2000, lorsqu'Urios entraînait Mola à Castres. "Ces petites histoires et anecdotes montrent que quelque chose est en train de se mettre en place entre Bordeaux et Toulouse. C'est plutôt sympa !", sourit Vincent Clerc, ailier toulousain entre 2002 et 2016, désormais consultant pour France Télévisions.

Car l'UBB, née en 2006 de la fusion du Stade Bordelais et du CA Bègles, n'a ni la stature ni le palmarès du géant toulousain et ses 21 Brennus. Malgré ce déficit, les Girondins regardent les Rouge et Noir dans le blanc des yeux.

"Les Bordelais sont considérés comme des favoris pour le titre depuis trois ans. Il y a aussi de vraies rivalités directes entre joueurs pour une place en équipe de France, comme Lucu-Dupont ou Ntamack-Jalibert. Cela rajoute de l'intérêt au match !"

Vincent Clerc, consultant pour France Télévisions

franceinfo

Au-delà du sport, toute opposition entre Bordeaux et Toulouse, distantes d'un peu plus de 200 kilomètres relève, aussi, de l'hégémonie régionale. "Le Sud-Ouest est une région bicéphale, entre deux villes contraintes de se tirer la bourre", précise Serge Legrand-Vall, auteur du livre "Toulouse Bordeaux l'un dans l'autre". Historiquement, Bordeaux a usé et abusé de la position dominante que lui confère son port. Toulouse en a fait les frais, surtout à partir du XVIIIe siècle." Et l'écrivain qui a vécu dans les deux villes d'évoquer le "folklore" d'une "rivalité à sens unique".

"Il n'y a que les Toulousains qui ont un problème avec Bordeaux ! Mêmes eux ne savent pas pourquoi. Mais attention, il n'y a aucune réelle animosité."

Serge Legrand-Vall, auteur du livre "Toulouse Bordeaux l'un dans l'autre"

franceinfo

Signe d'une rivalité saine, Laurent Marti confie volontiers s'être "inspiré" du Stade Toulousain pour bâtir l'Union. Un environnement familier pour le président, passé par les équipes de jeunes du club haut-garonnais. "Il y a une âme, une véritable histoire et une bonne formation à Toulouse, confie-t-il. C'est un vrai modèle pour nous !" Si l'UBB compte la meilleure attaque du championnat (34 essais, juste devant... Toulouse ), sans doute a-t-elle puisé son inspiration dans l'ADN de jeu de mouvement porté par les Rouge et Noir. "Ils recrutent et forment des jeunes joueurs, comme nous", complète le président girondin.

Des tensions entre les mairies ravivées par le projet de LGV

"Les matchs contre Bordeaux se jouaient dans une atmosphère très cordiale, se souvient Vincent Clerc. On y était toujours bien reçus:  les tempéraments n’étaient pas aussi explosifs. Le match n’était pas forcément coché dans le calendrier comme d’autres derbies. " Dans sa période de joueur, jusqu'en 2016, il a surtout connu des Bordelais récemment promus aux ambitions plus modestes.

Clerc était toutefois titulaire en mai 2015, lorsque l'UBB a loupé la qualification pour les barrages d'un cheveu à Ernest-Wallon. "C'est incroyable ! On n'y a jamais gagné, mais on y a souvent perdu d'un ou deux points, relève le président Marti. Mais c'est sûr, il y a eu des faits marquants contre Toulouse." 

Samedi soir, 33 000 personnes garniront un stade Chaban-Delmas à guichets fermés depuis trois semaines. A n'en pas douter, une certaine ferveur populaire entourera ce rendez-vous de gala. Lequel risque de supplanter, le temps d'une soirée, les divergences politiques entre les deux métropoles sur fond de LGV (Ligne à grande vitesse). 

L'épineux GPSO (Grand projet Sud-Ouest) prévoit la mise en service d'une ligne ferroviaire à grande vitesse le long de la Garonne, de sorte à rapprocher la ville rose de Paris. Jean-Luc Moudenc (maire LR de Toulouse) y est favorable, au contraire de Pierre Hurmic (édile EELV de Bordeaux). Lesquels s'échangent des piques régulières par presse interposée. Un Bordelais et un Toulousain qui se charient en évitant soigneusement de se croiser, ça ne vous rappelle rien ?

"On parle ici du désenclavement de Toulouse, conclut l'écrivain Serge Legrand-Vall. Le fait de subir le verrou bordelais pour rejoindre Paris, c’est le destin de Toulouse." Se sortir de la pression bordelaise pour disputer la finale du championnat à Saint-Denis, voilà qui inspirera Ugo Mola.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.