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Décès de joueurs de rugby lors de matchs : il y a un "déni de la Fédération qui ne veut pas mener d'études" sur les accidents sur les terrains

"En France, à ce jour, aucune statistique, aucune étude épidémiologique n'a été menée", regrette Jean-Christophe Berlin, kinésithérapeute. Il était responsable du pôle médical de l’association du Stade Français jusqu'à la semaine dernière. Il a décidé de démissionner de ses fonctions.

Article rédigé par franceinfo
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Nicolas Sanchez du Stade Français attaqué par Nemani Nadolo de Montepellier, le 19 mai 2019. (PASCAL GUYOT / AFP)

Quatre joueurs, amateurs ou professionnels, sont morts en France sur des terrains de rugby depuis un an, après des chocs. Parmi eux, un membre des espoirs du Stade Français, qui a été victime il y a un an d'un double plaquage ultra-violent pendant un match de rugby. Il en succombera quelques jours plus tard.

Pour Jean-Christophe Berlin, kinésithérapeute et ancien responsable du pôle médical de l’association du Stade Français, invité de franceinfo mercredi 30 octobre, il faut "trouver des solutions de bonne intelligence" pour "sécuriser le rugby" et faire des règles pour qu'il y ait "moins de collisions et donc moins d'accidents possibles sur les terrains de rugby". Jean-Christophe Berlin dénonce aussi le "déni de la part de la Fédération française de rugby qui ne veut pas mener des études épidémiologiques" sur les accidents sur les terrains.

Vous avez démissionné la semaine dernière de l’association du Stade Français. Pourquoi ?

Jean-Christophe Berlin : J'étais en charge du pôle médical de l'association au moment de l'accident de Nicolas. Cela fait plusieurs années que j'essaie de travailler sur le sujet de la dangerosité du rugby. Je ne comprends pas qu'on ne soutienne pas Philippe Chauvin, le père de Nicolas, dès lors qu'il nous demande de l'aide. C'est un problème d'humanité, tout simplement. Il était nécessaire qu'on soit à ses côtés. Ça n'a pas été le souhait de l'association. Donc j'ai immédiatement démissionné. Et en même temps, cela me permet d'être libre et, à titre personnel, de soutenir la démarche de Philippe Chauvin. C'est une démarche que moi, j'ai entreprise il y a de nombreuses années pour essayer que le rugby soit moins dangereux, en particulier dans les catégories jeunes.

Philippe Chauvin dit aussi porter plainte pour préserver les autres joueurs des dérives ultraviolentes qu'on peut voir sur certains terrains. Ce n'est pas le cas aujourd'hui ?

Évidemment, le rugby est dangereux. Il y a deux choses. Il y a les règles, qui doivent évoluer vers plus de sécurité. Et il y a le respect de la règle. Il faut que les joueurs soient responsabilisés. S'ils transgressent les règles, qu'ils soient punis à titre pénal, c'est à dire qu'ils soient responsables de leurs actes. C'est ce que demande Philippe Chauvin. Moi, ma démarche est plutôt de sécuriser le rugby, c'est à dire d'essayer de faire des règles, de telle sorte qu'il y ait moins de collisions et donc moins d'accidents possibles sur les terrains de rugby.

Le contact fait partie du rugby. Comment doser ? On ne va pas demander aux joueurs de ne plus entrer dans leurs adversaires ?

Bien sûr, cela fait partie du jeu. Il ne s'agit pas de supprimer les collisions. Il s'agit de les limiter et peut-être de les encadrer, en particulier dans les catégories jeunes. Le rugby des jeunes n'est pas le même rugby que celui des professionnels. Les professionnels sont très armés pour supporter les collisions, ce qui n'est pas le cas des jeunes joueurs qui sont souvent fragiles. Il y a des différences de poids très importants dans les catégories d'âge, particulièrement en 13-14 ans. Dans ces catégories, les collisions sont dangereuses. Il suffit de réglementer les collisions, de donner certaines règles qui favorisent le jeu de mouvement et le jeu dans les intervalles en évitant de se rentrer dedans. Le rugby que j'ai pratiqué moi, c'était plutôt un rugby d'évitement plutôt que de collision.

Est-ce que c'est à la justice de trancher un cas comme celui-là, selon vous ?

Non, c'est très malheureux d'en arriver là. Je pense que Philippe Chauvin lui-même en est attristé. Je pense que des gens de bonne volonté qui se mettraient autour d'une table et qui seraient prêts à discuter, pourraient très bien trouver des solutions sans passer par la justice. Mais il y a une sorte de déni de la part de la Fédération française de rugby qui ne veut pas mener d'études épidémiologiques sur le territoire français pour reconnaître qu'il y a beaucoup d'accidents, malheureusement, en rugby. Le président Bernard Laporte a dit plusieurs fois qu'il y avait moins d'accidents qu'avant, ce qui est faux. Il se base sur des statistiques anglo-saxonnes qui ne sont pas des statistiques françaises. En France, à ce jour, aucune statistique, aucune étude épidémiologique n'a été menée. Donc, il est temps de faire ces études. La ministre des Sports en est convaincue. C'est un combat de tous les jours que je mène personnellement depuis bien longtemps. J'espère qu'on n'aura pas besoin de passer par la justice pour essayer trouver des solutions de bonne intelligence.

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