Nouvelle-Zélande – Australie, un derby pour entrer dans la légende
Une semaine après le choc entre les deux références historiques du rugby international, le traditionnel Boks-Blacks, l’ovalie nous offre un derby austral en guise d’apothéose. Comme un Angleterre-France dans l’hémisphère Nord, Nouvelle-Zélande – Australie oppose deux grands pays séparés par la mer, de Tasmanie en l’occurrence. Comme pour le Crunch, la rivalité y est exacerbée.
Les Blacks devant, historiquement et actuellement
L’affiche océanienne qui va boucler ce mondial anglais est tout simplement le match le plus disputé de l’histoire du rugby. Depuis 1903, Wallabies et All Blacks se sont affrontés à 154 reprises pour un bilan nettement en faveur des Kiwis (105 à 42). Mais en Coupe du monde, sur les trois rencontres jouées –exclusivement des demi-finales, l’Australie mène deux succès à un (16-6 en 1991 à Dublin, 22-10 en 2003 à Sydney, 6-20 en 2011 à Auckland).
Les Blacks partent clairement favoris de cette édition. Depuis leur sacre à domicile en 2011, ils ont aligné 48 victoires pour seulement trois défaites (plus deux nuls). Ils surfent sur une confiance extraordinaire d’autant qu’ils restent sur une série de 20 succès face à leur victime préférée (pour trois échecs et deux nuls) et qu’ils n’ont plus perdu la Bledisloe Cup, le trophée matérialisant leur rivalité séculaire, depuis 2002 !
L'Australie a trouvé la clef cet été
Les Wallabies ne peuvent même pas se raccrocher au doux souvenir de leur ultime victoire (27-19) le 8 août 2015 à Sydney puisqu’ils se sont lourdement inclinés une semaine plus tard à l’Eden Park (41-13). Ils savent pertinemment que si les Blacks évoluent à leur meilleur niveau, ils n’ont aucune chance. Leur objectif sera donc de faire déjouer les maîtres du rugby, un peu à la manière sud-africaine, afin d’exploiter les ballons de récupération dont ils raffolent, un peu comme face au pays de Galles (15-6) ou à l’Argentine (29-15).
Le problème est justement qu’ils viennent d’enchaîner quatre matches de haut niveau (Angleterre, Galles et Ecosse avant les Pumas en demies) tandis que les Néo-Zélandais n’ont eu que deux grosses confrontations en un mois et demi, face à l’Argentine en ouverture (26-16) puis contre les redoutables Springboks la semaine dernière. Ce choc de titans remporté difficilement (20-18) était ce qu’il pouvait arriver de mieux aux hommes de l’ancien Rochelais Steve Hansen.
De l'expérience à tous les étages
Sous la pluie, devant une équipe vaillante et compliquée à jouer, les All Blacks ont su retourner une situation compromise avant de parfaitement gérer le money time. Le signe d’une grande maturité conquise au fil des saisons et des rendez-vous planétaires (l’échec de 2007 préparant le sacre de 2011 et le couronnement annoncé de 2015). L’expérience du capitaine Richie McCaw, qui s’apprête à disputer son 148ème test sous le maillot noir, et de son entourage (Dan Carter, Kieran Read, Conrad Smith, Ma’a Nonu), facilite l’approche de cette finale, la quatrième de la Nouvelle-Zélande (1987, 1995, 2011), comme l’Australie (1991, 1999, 2003).
En cas de victoire, personne ne pourra plus dire que les All Blacks sont les meilleurs entre les Coupes du monde. Ils seraient les premiers à garder leur couronne et surtout les premiers à triompher à trois reprises, comme le Brésil au football.
Les rucks, la petite chance des Wallabies
Mais les Wallabies ne vont pas arriver en victimes résignées. Ils ont passé trois essais aux Anglais lors d’une démonstration de force (33-13) avant d’en mettre cinq aux vaillants Ecossais (35-34) puis quatre aux coriaces Pumas. Ils possèdent surtout une défense efficace (seulement cinq essais encaissés) comme en 1991 (deux essais) et en 1999 (un seul essai pris en six matches), années où ils avaient conclu victorieusement en Grande-Bretagne.
Avec une troisième ligne impériale depuis le début de la compétition (Fardy, Pocock, Hooper), une charnière efficace au sein de laquelle l’ouvreur Bernard Foley a pris une nouvelle dimension, et une ligne de trois-quarts qui est la seule à pouvoir oser la comparaison avec les Blacks (Giteau, Kuridrani, Ashley-Cooper et Drew Mitchell qui peut viser le record d’essais marqués au Mondial), l’île continent s’avance fièrement pour dompter sa bête noire.
Le pied de Carter ou une orgie offensive ?
Maintenant, l’Australie affiche un déficit de puissance et de technique au niveau du cinq de devant loin d’apporter toutes les garanties, et la Nouvelle-Zélande semble posséder les meilleurs arguments notamment un XV plus complet rugbystiquement parlant et des éléments plus polyvalents. En poussant les Wallabies à la faute grâce à leur pack tout terrain et à leurs contres en touche, les champions en titre devraient pouvoir jouer en avançant et récolter des pénalités. La botte de Carter pourrait aider les siens à prendre le score et là ça peut faire mal.
Le salut des Aussies passe par un match parfait : plaquer comme des fous, mettre en place le mur du Pacifique déjà vu contre Gallois et Argentins, gratter un nombre de ballons suffisant dans les rucks, le lieu stratégique du rugby moderne, saisir la moindre opportunité pour casser les plaquages adverses et profiter des éventuels trous de souris pour porter l’estocade dans la cuirasse du vaisseau amiral qui dirige l’ovalie sans discontinuer depuis bientôt une décennie.
Si c’est le cas, nous pourrions assister à l’un de ses matches de légende dont les deux équipes sont friands. En l’an 2000, devant un record mondial de 110 000 spectateurs au stade Olympique de Sydney, les deux géants des mers du Sud avaient offert un récital offensif agrémenté d’une course-poursuite infernale qui avait finalement vu les All Blacks s’imposer in extremis (39-35) sur un essai de Jonah Lomu à la 84e minute. Le Temple du rugby sera-t-il l’écrin d’un nouveau chef d’œuvre ?
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