Mondial de rugby : fatalistes et désabusés, les supporters français ont "les boules" après l'annulation de France-Angleterre
Plusieurs centaines de Français devaient assister au "Crunch", samedi près de Tokyo. Mais le typhon Hagibis a bouleversé tous leurs plans.
"J'ai les grosses, grosses boules..." Jérôme Liabeuf était à l'aéroport de Roissy, prêt à embarquer, quand il a décroché son téléphone. "Là, je m'apprête à monter dans un avion, me farcir douze heures de vol. Tout ça pour quoi ? Pour rien. Une fois à Tokyo, on ne verra que notre chambre d'hôtel !"
Ça se voit et ça s'entend : le Lyonnais ne digère pas l'annulation du match Angleterre-France, prévu samedi, en raison du puissant typhon Hagibis qui doit toucher la capitale japonaise et sa région ce week-end. "Une décision justifiée par les risques encourus en termes de sécurité", ont pourtant expliqué les organisateurs de la Coupe du monde de rugby, lors d'une conférence de presse, jeudi 10 octobre.
Trois ans que Jérome Liabeuf et ses frères avaient calé cet aller-retour express au Japon. Une escapade de quatre petits jours, avec comme point d'orgue le fameux Crunch entre le XV de France et celui de la Rose. "Et voilà, lâche-t-il, désabusé. II faut que ça tombe pile sur ces dates-là..." C'est que le voyage a un coût. Entre le vol, l'hébergement et les places, chacun a déboursé pas moins de 2 500 euros. "Ce n'est quand même pas une petite somme, dit-il en détaillant les dépenses. Et encore, il y a des gens qui ont payé des packs à 8 000 balles !"
C'est certainement la première et dernière fois que je vais au Japon. Ce Mondial, c'était un peu mon chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle à moi.
Jérômeà franceinfo
"On se souhaite bon match en rigolant"
Dans leur malheur, Nicolas, Loïc et Stéphane ont malgré tout eu un peu plus de chance que les frères Liabeuf. Eux ont au moins pu assister à un match, France-Tonga, qui s'est déroulé dimanche dernier (victoire française 23-21). Mais cette annulation n'en reste pas moins "un coup dur". La petite bande a appris la nouvelle jeudi dans un bar où trinquaient à la table d'à-côté... les pères de trois joueurs du XV de France (Camille Chat, Charles Ollivon et Louis Picamoles). "Personne ne paraissait surpris par cette décision, explique Nicolas. Même pas eux. Il y avait beaucoup de fatalité. En vrai, les organisateurs avaient-ils d'autres choix ?" Ce message WhatsApp, qu'un autre fan tricolore a envoyé à la rédaction de franceinfo, ne dit pas autre chose : "Qu'est-ce qu'on peut y faire ?", s'interroge ce touriste, fataliste.
La question du remboursement est évidemment sur toutes les lèvres. Sur Twitter, les organisateurs promettent que tous les fans qui avaient des billets pour les matchs annulés, dont Angleterre-France, seront intégralement remboursés.
All fans with tickets for a cancelled match will receive a full refund for the face value of their match tickets.
— Rugby World Cup (@rugbyworldcup) October 10, 2019
Mais reste à régler le problème des agences par lesquelles sont passés bon nombre de supporters et qui "pourraient très bien mettre en avant un cas de force majeure pour ne pas mettre la main à la poche." Sur ce point également, World Rugby, la Fédération internationale, promet d'être vigilant. "Ça me fait une belle jambe, rit jaune Nicolas. Sur les 3 200 euros que j'ai déboursés pour assister à la compétition, la place pour le France-Angleterre ne représente que 115 euros !"
"Rester au lit" ou "boire des coups"
Pour les centaines de Français qui avaient prévu d'encourager les Bleus pour ce choc face au rival anglais, la journée de samedi risque d'être longue... D'autant que les autorités locales recommandent de limiter ses déplacements, peut-on lire sur le site officiel de la compétition. "On attend des pluies diluviennes et des rafales de vent qui pourraient dépasser les 200 km/h, raconte Jeoffrey, qui habite à Tokyo depuis deux ans. Ce sera compliqué de sortir, surtout que les transports risquent d'être fortement perturbés." Lui qui se faisait une joie d'accueillir quelques copains pour l'occasion est "évidemment déçu". Il cherche des plans B mais il ne voit pas trop quoi, "à part rester au lit avec un bon bouquin" ou "boire des coups dans des bars".
J'ai déjà connu un typhon. Quand ça arrive, tu peux à peine marcher dans la rue. C'est terrible !
Jeoffreyà franceinfo
En attendant, Nicolas et ses deux copains s'amusent à "souhaiter bon match" aux autres Français qu'ils croisent dans les rues de Tokyo, même si "ce n'est pas très drôle finalement." Les frères Liabeuf sortiront quand même leur maillot et leur béret de la valise, mais "ce ne sera pas vraiment pareil". Dans leur "pack Coupe du monde", ils disposent aussi d'une place pour le match Japon-Ecosse, prévu dimanche. Sauf que cette rencontre, décisive pour la qualification en quarts de finale qui plus est, pourrait subir le même sort que le Crunch. "Alors là, ce serait la fin. Tu vas au Japon, tu achètes des places pour deux matches et les deux sont annulés... Je n'ose même pas y penser".
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