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Le mauvais procès fait au XV de France

Ca devait arriver et c'est pourtant injuste. Il était écrit que les médias néo-zélandais ne gouteraient qu'à moitié la titularisation de Morgan Parra à l'ouverture pour le choc de samedi face aux All Blacks à Auckland. Si ce choix peut effectivement se discuter, pour le reste Marc Lièvremont a sélectionné une formation très proche de l'équipe type qu'il a en tête et qui jouerait un éventuel quart de finale. D'ailleurs, le staff adverse ne s'y trompe pas.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Morgan Parra

Il était évident que la pression allait monter avant l'affiche de ce premier tour du Mondial entre le favori néo-zélandais et l'outsider tricolore, samedi dans un Eden Park chauffé à blanc. Il était même prévu que les journaux des Antipodes attaqueraient l'équipe de France, surtout après ses deux premières prestations mitigées contre le Japon et le Canada qui n'ont pas levé les doutes sur le réel potentiel bleu. Cela fait partie du jeu et la presse anglo-saxonne fonctionne comme ça depuis des décennies. Maintenant, faire porter le chapeau à Marc Lièvremont en faisant croire qu'il aligne une équipe bis afin de faire exprès de perdre contre les All Blacks pour terminer deuxième du groupe A et bénéficier d'un tableau final plus favorable est une gageure. 

Une équipe compétitive sur le papier

Pour plusieurs raisons. D'abord, c'est méconnaître le rugby que de penser qu'une équipe peut volontairement s'incliner. Ce sport de combat ne requiert pas la médiocrité dans l'attitude et une démission collective due à un flagrant manque d'envie se verrait comme le nez au milieu de la figure. Ensuite, le XV de France qui défiera les Blacks n'est pas une équipe au rabais, loin de là. Hormis Trinh-Duc, Servat et Harinordoquy, il ne manque aucun cadre. Mais le talonneur toulousain est remplacé par un Dimitri Szarzewski en grande forme et le troisième ligne biarrot est suppléé par un Julien Bonnaire étincelant contre les Canadiens. Après, on peut peut-être discuter sur le choix de Pascal Papé, préféré à Julien Pierre en deuxième ligne, mais les deux hommes sont très près l'un de l'autre. En fait, la grosse polémique engendrée par cette sélection provient du choix de titulariser deux demi-de-mêlée à la charnière.

Associer Dimitri Yachvili et Morgan Parra aux commandes des Bleus constitue certes un choix risqué –vu l'opposition- mais il peut se comprendre. Marc Lièvremont, pas convaincu par les prestations de son ouvreur François Trinh-Duc depuis l'entame de ce Mondial, a décidé de titiller l'orgueil du joueur en le laissant sur le banc de touche. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne rentrera pas en cours de partie. Surtout, Morgan Parra s'est montré très convaincant quand il a joué et notamment lors des fins de matches où il a évolué en 10, son poste lorsqu'il était jeune. Il semble à même (dans l'esprit de Marc Lièvremont, pas dans ceux de certains observateurs, c'est vrai) de pouvoir conduire le jeu des Bleus dans cette rencontre importante mais pas décisive. Alors, vouloir faire au staff français le procès de privilégier les calculs de boutiquier est nul et non avenu. Aucun entraîneur ne va préparer un match en ordonnant à ses ouailles de faire exprès de perdre. Ca existe peut-être au basket ou au football mais pas au rugby. Un manque d'investissement des joueurs pourrait leur être préjudiciable et entraîner des blessures néfastes pour la suite de la compétition. Sans compter que les joueurs alignés ont tout intérêt à se montrer au cours de ce choc.

Les Bleus énervés

"Je ne vois pas pourquoi l'équipe de France, même si elle a gagné ses deux premiers matches, lâcherait ce match. Déjà, au niveau éthique, c'est insupportable de penser cela. Et je pense que c'est un manque de respect vis-à-vis des 22 joueurs alignés samedi", a ainsi estimé Pascal Papé. "Pour l'avoir fait en 2009 (en test-match à Dunedin 27-22), gagner chez les Blacks, c'est quelque chose de fantastique. Si on peut le faire, on va le faire. Notre objectif est de gagner contre les Blacks et de faire taire tous ces détracteurs qui ont simplement envie de vendre du papier", a poursuivi le deuxième ligne, pour qui les All Blacks sont "la meilleure équipe du monde." "Morgan (Parra) est un N.10 de formation, il a fait de très bon matches en N.10 en Top 14, fait de superbes fin de matches en N.10 dans cette poule, j'ai une confiance totale en lui", a conclu Papé. "Je n'ai pas l'impression que l'on ait manqué de respect à qui que ce soit dans nos propos, dans nos intentions.

C'est plus de la provocation qu'autre chose. J'ai l'impression que tout est bon chez eux pour se trouver des motivations", a de son côté estimé le centre Maxime Mermoz. L'ailier Vincent Clerc a abondé. "Ils parlent plus de ce match que de la finale de la Coupe du Monde. Peut-être ont-ils besoin de se resserrer par rapport à l'équipe de France ?", s'est-il interrogé en référence aux éliminations subies par les All Blacks face aux Français en demi-finale du Mondial 1999 et en quart de finale en 2007. De son côté, l'arrière-ailier remplaçant Cédric Heymans n'a pas souhaité "entrer dans cette polémique" tout en estimant que cette Une était "une source de motivation supplémentaire". "J'ai pris quatre places à 250 euros l'unité, pour mes proches. C'est cher mais je les ai payées". Si la France voulait laisser filer ce match, "je ne les aurais pas prises. C'est une bonne réponse", a rétorqué Imanol Harinordoquy, pour qui jouer contre les All Blacks "est toujours un souvenir extraordinaire." De son côté, l'entraîneur-adjoint des All Blacks Steve Hansen a refusé d'entrer dans le jeu. "Qui sommes-nous pour dire quelle est leur meilleure charnière pour jouer ce match?", a-t-il lancé, avant d'assurer que son équipe traiterait son adversaire de samedi "avec autant de respect que d'habitude." Pourvu que les Français fassent un bon match samedi. Sinon, la polémique pourrait enfler très rapidement. Les Bleus seraient alors les "dindons de la farce"...

Une "farce" pour la presse locale

Principal quotidien du pays, le New Zealand Herald n'a pas fait dans la dentelle. Le titre "une farce française à 460 dollars" NZL (environ 275 euros) barrait sa Une mercredi. "Les fans ont sorti les gros billets pour voir les All Blacks jouer contre une équipe B", pouvait-on également lire sur la première page du journal. En cause, les choix de l'entraîneur Marc Lièvremont, qui a décidé de positionner à l'ouverture l'habituel demi de mêlée Morgan Parra, alors que l'habituel ouvreur François Trinh-Duc, jugé décevant lors des deux premiers matches face au Japon et au Canada, a été relégué sur la banc des remplaçants.

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