Lapasset: "On n'a rien inventé"
Q: Comment avez-vous vécu les longs mois de conflit au sujet des réformes de Coupe d'Europe ?
R: "Une fracture s'est créée cette année avec la démarche des clubs anglais qui ont voulu casser la base du rugby sur laquelle on fonctionnait jusqu'à présent, en signant un accord privatif avec British Telecom. C'est le point de départ d'une stratégie à laquelle je n'ai jamais voulu participer. C'était un moment délicat pour nous d'arriver à mesurer le dispositif possible pour l'IRB. Jusqu'au jour où, au mois de janvier, j'ai considéré que la plaisanterie avait assez duré."
Q: Comment avez-vous agi ?
R: "On a posé une ligne de conduite pour les fédérations en termes de gouvernance, d'organisation et de finances. On a décortiqué les trois éléments. J'ai considéré que la gouvernance était un domaine où il n'y avait aucune possibilité de négocier sur un certain nombre d'avantages particuliers pour les clubs. La gouvernance internationale appartient de droit à l'IRB. Le dispositif d'organisation pourrait être partagé. Et le domaine des finances appartient aux clubs professionnels, donc il était normal qu'on trouve davantage de liberté pour les clubs."
Q: Les intérêts entre les clubs et leurs fédérations ne sont-ils pas voués à être de plus en plus divergents ?
R: "On connaît ça au football, on n'a rien inventé dans cette histoire ! Aujourd'hui, le football a trouvé un équilibre vers lequel le rugby, progressivement, tend. Mais cet équilibre n'empêche pas l'UEFA de faire son boulot, ni la Fifa de faire le sien. C'est à nous de rassembler sous l'étiquette de la Fira-Aer (l'actuelle Fédération européenne, ndlr) - ou autre, mais une entité européenne - et de l'IRB en tant qu'entité internationale, les mêmes références qui sont celles du football international aujourd'hui."
Q: L'empilement des structures au niveau européen ne rend pas l'organisation du sport très lisible...
R: "Ce qu'on a mis dans la nouvelle convention (le nouvel accord sur les Coupes d'Europe, ndlr), c'est que le rôle de la Fira devrait être affirmé dans les prochaines années. Lorsqu'elle sera organisée sur un plan professionnel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. C'est à nous aussi d'avancer sur nos structures pour trouver un équilibre sur du long terme. Il faut pouvoir maintenant travailler de façon stable et pérenne, que l'on ne revienne pas tous les cinq ans avec une nouvelle tentative de divorce à la clé."
Q: La professionnalisation de toutes les structures du rugby, c'est le grand défi ?
R: "Il est nécessaire de renforcer le pouvoir des fédérations dans leur mode de gouvernance, leur pouvoir d'organiser, de structurer. C'est aussi un enjeu fort que d'enrichir les fédérations pour leur développement professionnel, pour la formation des joueurs mais aussi pour les clubs amateurs qui sont dans leur giron. En revanche, il est normal que le domaine financier soit négocié par les clubs. Ce n'est pas un problème de compétence ou d'incompétence des fédérations, c'est un problème qui appartient aux clubs."
Q: Croyez-vous à la possibilité d'un calendrier unifié entre l'hémisphère Sud et l'hémisphère Nord et d'une compétition mondiale des clubs ?
R: "Non. C'est là où l'on voit que l'on a de gros problèmes: on n'arrive pas à organiser des compétitions car les calendriers ne sont pas les mêmes, les saisons ne sont pas les mêmes, les intérêts économiques des partenaires ne sont pas les mêmes. Chaque famille défend ses propres intérêts et il est compliqué de trouver des dénominateurs communs qui permettent d'associer les provinces, les clubs, les partenaires, les télévisions. Le jour où l'on aura trouvé la dimension financière nécessaire, tout sera plus facile, l'équilibre se fera sur la base de l'argent que l'on aura à partager. C'est pour ça que l'on a tout intérêt à laisser se développer les structures professionnelles, dans les clubs et les fédérations."
Q: Mais n'avez-vous pas l'impression qu'il sera de plus en plus compliqué de convaincre un club de Top 14 qu'il est intéressant d'affronter un club géorgien ou roumain ?
R: "Sauf si on arrive à donner aux fédérations dans ces pays les moyens financiers nécessaires. Il faut trouver des partenaires économiques qui leur permettent de garder leurs joueurs. Les faiblesses de ces pays en matière économique rendent indispensables le transfert de leurs meilleurs joueurs à l'étranger. Malheureusement, les moyens économiques dans chaque pays ne sont pas les mêmes et il faut faire vivre le rugby international dans ces conditions."
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