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Clubs français au sommet, XV de France en chute: le paradoxe du rugby tricolore

Pour la deuxième fois lors des trois dernières saisons, deux clubs français disputeront la finale de la Coupe d'Europe. Clermont-Toulon, c'était déjà l'acte final en 2013. Pour la troisième année de suite, Toulon porte les couleurs françaises en finale. Tout cela alors même que l'équipe de France n'a jamais connu d'aussi piètres résultats dans le Tournoi des 6 Nations. C'est le paradoxe du rugby tricolore.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

Pour la cinquième fois de son histoire, la Coupe d'Europe se jouera entre deux clubs français. Les clubs anglais n'ont réalisé pareil exploit qu'une fois (2007 entre les Wasps et les Tigers) comme les clubs irlandais (2012 entre Leinster et l'Ulster). Pour sa 20e finale, cette compétition opposera Toulon, double tenant du titre, à Clermont, vice-champion d'Europe en 2013 dans une revanche de la finale 2013. Mais contrairement au passé, cette dominations des clubs de l'Hexagone ne correspond pas à une maîtrise de l'équipe de France dans le Tournoi des 6 Nations. 

2003, 2005, 2010, les clubs et les Bleus à l'unisson

Lors de la première finale 100% française, en 2003, entre Toulouse et l'USAP, et la seconde entre Toulouse et le Stade Français (en 2005), l'équipe de France avait réalisé le Grand Chelem en 2002 et 2004, fini 3e en 2003 et 2e en 2005, sans oublier deux victoires dans le Tournoi en 2006 et 2007, sans oublier une demi-finale de Coupe du monde en 2003. A l'époque, les Bleus de Bernard Laporte allaient bien. Idem en 2010, lors de Toulouse-Biarritz en 2010, année où les Bleus avaient réalisé le Grand Chelem sous l’ère Marc Lièvremont, le dernier sacre tricolore dans le Tournoi, qui avait précédé une 2e place en 2011 et une place de finaliste de la Coupe du monde. Or, depuis 2012 et l’arrivée de Philippe Saint-André comme sélectionneur, la France n’a jamais fait mieux que 4e (2012, 2014, 2015), finissant même dernier en 2013. Comment expliquer cette dichotomie ?

La première raison, c’est la puissance des clubs français. Lors de la saison 2003-2004, le Stade Toulousain possédait le plus gros budget du Top 16, avec 13 millions d’euros. C’était le seul à dépasser les 10 millions. Le plus petit budget d’alors était pour Montpellier, avec 4 millions. Dix ans après, en 2013-2014, le club de la Ville Rose était toujours leader de ce classement mais avec 35 millions, quatre autres clubs dépassaient la barre des 20 millions, et la place de lanterne rouge allait à Brive (9 millions). Cette saison, le Stade est toujours à 35, mais ils sont huit à avoir construit un budget à plus de 20 millions, et si Brive est toujours dernier, le CABCL atteint les 13 millions. Soit le montant le plus élevé affiché dans le championnat de France voici onze ans. Cette puissance économique a permis aux clubs français de recruter en masse, des joueurs venant de tous horizons. Côté négatif, le déficit d'exploitation cumulé des clubs de Top 14 et ProD2 atteint les 33.891 millions d'euros lors de la saison 2013-2014.

Des joueurs étrangers de talent en masse

C’est la deuxième conséquence de ces budgets en hausse : l’arrivée de nombreux joueurs étrangers. Anciens champions du monde, cadors dans leurs pays, les All Blacks, Springboks, Wallabies et autres joueurs venant d’Angleterre, d’Irlande, d’Ecosse ou du Pays de Galles sont venus s’ajouter à la cohorte d’Italiens et d’Argentins déjà présente à l’époque. Cela a contraint les nations étrangères à instituer une obligation, pour jouer en équipe nationale, d'évoluer dans le championnat domestique. Une protection qui a ses limites, comme le prouvent les discussions qu'il peut y avoir en Australie autour de Matt Giteau, en Angleterre autour de Nick Abendanon ou de Stefon Armitage... Cet afflux de talents pousse forcément les joueurs français à s’améliorer... ou à disparaître sur le banc.  Dimanche, Toulon alignait cinq joueurs français (Bastereaud, Michalak, Tillous-Borde, Guirado, Chiocci) dans son 15 de départ. Samedi, Clermont en présentait neuf, dont deux d’origine étrangère mais devenus internationaux français (Debaty et Nakaitaci). Et ce n'est pas fini, puisque la saison prochaine, et parmi de nombreux exemples, Daniel Carter reviendra en France, au Racing-Métro, Conrad Smith à Pau, et Quade Cooper, le demi d'ouverture australien, était dans les tribunes du Vélodrome ce week-end pour une possible venue dans la Rade. 

Bien évidemment, si on parle de bonne santé des clubs français qui, sur les 20 finales de Coupe d’Europe de l’Histoire, n’ont été absents que six fois, il faut aussi parler de la mauvaise santé du XV de France. Jamais un sélectionneur n’avait atteint un quota aussi faible de victoires (40%). Jamais depuis la Deuxième Guerre Mondiale, la France avait été écartée aussi longtemps du podium du Tournoi des 6 Nations (ou des 5 Nations). Philippe Saint-André a dû faire face au départ à la retraite de nombreux joueurs-cadres après la Coupe du monde 2011 (Nallet, Bonnaire, Traille, Heymans, Servat, Marconnet, Poux…) ou à leur net recul de performance (Clerc, Médard, Trinh-Duc, Ouedraogo, Domingo). Pour faire face, PSA a parfois fait appel à quelques joueurs d'origine étrangère (Kockott, Spedding, Nakaitaci...).

Vidéo: Le bilan de Philippe Saint-André à Stade 2 juste après le dernier match du Tounoi 2015

Comme ses prédécesseurs, il s'est plaint du manque de périodes de travail avec les internationaux. Pendant ce temps-là, les autres nations européennes et mondiales, pour la plupart, peuvent s'appuyer sur leurs contrats fédéraux pour imposer le rythme à leurs joueurs (stages, périodes de repos...). Et le message du staff tricolore, en plus, n'est pas toujours bien passé dans un collectif qui lutte, depuis quatre ans, pour donner au jeu de l'équipe une identité claire et lui apporter des points forts.

Les clubs se renforcent, l'équipe de France faiblit, l'écart de rendement entre les deux forces du rugby français s'accroît. Avec une bonne Coupe du monde, il pourrait se resserrer. 

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