1995 : le footing surprise de Pierre Berbizier pour ses joueurs fatigués
Le 8 avril 1995, il ne fait pas spécialement beau à Bucarest. Et ce jour-là, les spectateurs n’assistent pas à un match de rugby spécialement intéressant. Des Français peu inspirés s’imposent péniblement face à des Roumains limités. Score final 24 à 15.
La Coupe du Monde débute un mois et demi plus tard en Afrique du Sud, et cela paraît bien loin.
Soucieux de respecter les traditions, les Français cherchent et finissent par trouver un bar où célébrer leur victoire. C’est un karaoké, le cadre n’est pas grandiose mais il fera l’affaire pour quelques bières.
Pierre Berbizier alors entraîneur accompagne ses hommes, Guy Accoceberry, le demi de mêlée s’en souvient avec précision : "On s’engouffre dans le bar, on s’installe, on commence à boire l’apéro. On est par petits groupes de trois ou quatre et Pierre Berbizier passait de groupe en groupe avec un verre de whisky à la main. Il trinquait avec nous. J’étais en compagnie de Yann Delaigue, qui était mon numéro 10. Pierre nous avait dit : "La charnière, vous m’avez habitué à mieux. Aujourd’hui, c’était pas terrible mais bon vous avez gagné, c’est pas grave. La Coupe du Monde commence demain !" Il est parti sur ces paroles et nous, on a continué notre soirée pendant que lui, rentrait plus tôt. Nous nous sommes couchés assez tard dans la nuit. "
6h du matin, tous les téléphones sonnent
Tout le monde ne se couche pas à la même heure et pas dans le même état. Certains ont fêté cette piètre victoire plus que de raison. Après tout, il n’y a guère d’autre enjeu dans l’immédiat. La seule échéance qui attend les tricolores, c’est l’avion du retour, prévu dans la journée à l’aéroport de Bucarest.
Il est 6 heures du matin quand les téléphones sonnent dans toutes les chambres. Pierre Berbizier avait prévenu, la Coupe du Monde commençait le lendemain, tant pis pour ceux qui ne l’ont pas écouté. A ceux qui décrochent, il annonce un footing. Ceux qui ne décrochent pas, il va personnellement les chercher dans leur chambre.
En un quart d’heure, il réunit un XV de France pas bien fringant. "Le jour n’était pas complètement levé ", se souvient Accoceberry. "Il tombait des trombes d’eau. Il faisait un peu froid, la Roumanie au mois d’Avril, c’est pas la Côte d’Azur. Nous voilà partis pour un footing comme Pierre savait les faire avec de l’intensité pendant ¾ d’heure, une heure. "
Tout le monde souffre, particulièrement les gros, les avants et particulièrement ceux qui ont peu dormi et beaucoup bu. Olivier Roumat reconnaît aujourd’hui qu’il était l’un d’eux. Ce matin-là, l’indestructible 2e ligne serre les dents : "Pierre Berbizier faisait des footings ou des semi-marathons, des trucs de joueurs secs, de joueurs de moins de 80 kilos. Nous, dans le paquet d’avants, il n’y en avait pas un de moins de 110 kilos. Vous imaginez à 6h du matin, après avoir dormi 3h, faire un footing avec Pierre Berbizier devant ? Parce que lui, il le faisait, il disait pas seulement qu’il fallait le faire. Il nous a resserrés autour d’un footing de la mort comme on appelait ça. "
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