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Roland-Garros : Simonne Mathieu, l'âme d'une combattante

Championne de tennis et résistante, Simonne Mathieu entre dans la mémoire collective grâce à l'édition 2019 de Roland-Garros. Déjà gravé sur la coupe remise aux gagnantes du double dames des Internationaux de France, son nom a été choisi pour nommer le troisième court principal de Roland-Garros (5 000 places). Coup de projecteur sur cette femme au destin exemplaire.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
 

“Je suis heureux qu'elle sorte enfin de l'ombre, que son nom résonne chaque année (...) pour rappeler à tous que la victoire appartient à celles et ceux qui persévèrent”. Ces mots d'hommage, ce sont Bernard Giudicelli, président de la FFT, qui les prononce, comme un hymne au courage et à l'opiniâtreté.

Née le 31 janvier 1908 à Neuilly-sur-Seine, Simonne Mathieu est issue de la grande bourgeoisie. Les archives rapportent qu'elle déteste perdre, qu'elle a un caractère bien trempé et que son coup droit est redoutable. Son jeu est plutôt défensif, avec comme point fort l'endurance, imposant ainsi à ses adversaires un défi physique relativement inédit pour l'époque.

Deuxième femme la plus titrée de l'histoire du tennis français

A force de persévérance, elle se classe au 3e rang mondial en 1932 à 24 ans. Elle sera aussi numéro un tricolore dans les années 1930. Après six finales perdues en 1929, 1932, 1933, 1935, 1936, 1937 (dont trois consécutives face à la même adversaire, l'Allemande Hilde Sperling), elle remporte enfin son premier titre à Roland-Garros en 1938. Elle réalise même cette année-là un triplé qui reste inédit à ce jour – palmarès hommes et femmes confondus – en remportant le simple, le double mixte et le double dame. En 1939, elle confirme et remporte le simple et le double dame, épreuve qu'elle a remportée à six reprises, dont quatre consécutives (1933, 1934, puis de 1936 à 1939).


Son palmarès fait d'elle la deuxième femme la plus titrée de l'histoire du tennis français, derrière Suzanne Lenglen (vingt et un trophées), avec 13 titres en Grand Chelem (dont dix à Roland-Garros, deux en simple et huit en double). “Elle était avant tout une grande championne, aussi persévérante que Roland-Garros. (...) Elle incarnait la volonté, elle n'abandonnait jamais ni un échange, ni un de ses choix”, a rendu hommage Bernard Giudicelli, le président de la FFT, lors de l'inauguration du stade qui porte son nom, le 21 mars, à celle qui fut intronisée au Tennis Hall of Fame (musée sportif aux États-Unis qui a pour but de promouvoir l'histoire du tennis et de célébrer ses champions NDLR) en 2006, 26 ans après sa disparition.

La résistance auprès du général de Gaulle

A l'aube de 1940, Simonne Mathieu est alors en pleine ascension sportive. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, elle dispute un tournoi aux Etats-Unis. A l'annonce de cette nouvelle, elle décide de regagner la France au plus vite. Avant, elle fait escale à Londres et choisit d'y rester. A 31 ans, elle entame une nouvelle vie sur les bords de la Tamise, loin de son mari et de ses deux enfants, et devient conductrice et traductrice dans l'armée anglaise.

Alors que la France capitule et signe l'Armistice le 22 juin 1940, elle refuse de déposer les armes et est une des premières femmes à répondre à l'appel du général Charles de Gaulle. On lui propose alors de former une armée et de diriger le « Corps féminin des volontaires françaises » auprès de la France libre. Lieutenant et bientôt capitaine, elle commande alors les premières femmes à servir sous le statut militaire dans l'armée française. La championne de tennis a sous ses ordres une centaine de résistantes, âgées de 18 à 50 ans et de tous les milieux, qui occupent les postes de traductrices, interprètes, secrétaires, pilotes, ambulancières ou encore médecins.

Elle défila sur les Champs-Elysées pour la Libération de Paris

Le 18 avril 1941, une bombe s'écrase sur la caserne du Corps féminin. Une volontaire décède et une dizaine est blessée. Simonne Mathieu accourt en capitaine courage. Elle suscite l'admiration mais son franc-parler dérange et elle est remplacée. Transférée au service du chiffre, autrement dit à l'espionnage, elle excelle dans sa nouvelle mission.

Son travail est salué par le général de Gaulle, qui la fera défiler à ses côtés sur les Champs-Elysées le 26 août 1944, jour de gloire du général pour célébrer la Libération de Paris. Trois semaines plus tard, elle foule de nouveau la terre ocre de la Porte d'Auteuil, non pas en tenue de tennis mais en uniforme de capitaine des Forces françaises libres. Elle y donne le coup d'envoi du premier match joué dans le Paris libéré, rencontre de générations opposant Henri Cochet, le mythique “Mousquetaire”, à Yvon Petra, jeune premier incarnant la relève. Après la Libération de Paris, Simonne Mathieu est âgée de 36 ans. Elle ne rejouera pas les Internationaux de France. Elle présidera en revanche par la suite la commission féminine de la Fédération française de tennis et dirigera l'équipe de France de pré-Fed Cup.

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