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Rétro : Le rugby français a pris dix ans ferme

Le XV de France a traversé la période 2009-2019 en collectionnant beaucoup plus de désillusions que d'exploits. Quatre sélectionneurs n'ont rien changé à l'affaire: le rugby tricolore ne fait plus partie de l'élite mondiale et s'est enfermé sur lui-même. Prisonnier de son propre attentisme, il espère une éventuelle remise de peine, voire une libération, avec l'arrivée de Fabien Galthié, prévue pour début 2020... Retour sur une décennie d'avanies.
Article rédigé par Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
 

On est encore loin des cent ans de solitude décrits par Gabriel Garcia Marquez mais dix ans c'est déjà très long. Dix ans passés à s'isoler peu à peu du Gotha du rugby mondial, dix ans à s'enliser dans une crise de résultats et de confiance, dix ans à se chercher des excuses et à espérer qu'avec le prochain sélectionneur ce sera mieux. Résultat : un fond de jeu qui se dissout (à ce stade-là il n'est même plus question de parler de french flair, vague concept qui semble remonter au crétacé) et cette impression tenace que, dans un mauvais jour, les Bleus peuvent perdre contre n'importe quelle équipe. Pourtant, il y a bientôt dix ans de cela, rien ne préparait à un tel déclin. 

2010-2011 : l'ère Lièvremont ou le pic avant la descente

En 2010 le rugby français n'est pas sur le toit du monde mais il surplombe l'Europe. Sous le commandement de Marc Lièvremont, les Bleus viennent de remporter le Tournoi des 6 Nations en signant un impeccable Grand Chelem. Le pack bleu emporte tout sur son passage et Morgan Parra transforme tout ce qu'il touche en points (61 sur l'ensemble du Tournoi). On ne le sait pas encore mais c'est la dernière victoire finale du XV de France dans cette compétition. La défaite contre l'Australie lors des tests-matchs d'automne, la plus lourde de l'histoire des Bleus à domicile (16-59), envoie néanmoins les premiers signaux d'alarme... 

L'année suivante marque les premiers signes d’essoufflement, déjà, avec une défaite en Italie lors du Tournoi et un début de Coupe du monde 2011 plus qu'inquiétant. Les partenaires du capitaine Thierry Dusautoir s'inclinent nettement contre les Blacks (37-17) mais surtout face au Tonga (19-14). Qualifiés in extremis pour les quarts de finale, vilipendés de partout pour la pauvreté du jeu proposé, les hommes de Lièvremont se replient sur eux-mêmes et trouvent dans ces critiques la motivation pour se hisser en finale après des succès contre l'Angleterre et le pays de Galles ! Face aux All-Blacks, qui évoluent à domicile, ils vont passer tout près d'un premier sacre mondial, ne s'inclinant que d'un point (8-7) au terme d'une finale où l'arbitrage fit couler beaucoup d'encre. Noir forcément. 

2011-2015 : l'ère Saint-André ou le régime au pain sec

Même s'il peut se vanter d'une place de finaliste de coupe du monde, et il ne se prive pas de le rappeler assez vertement à ceux qui critiquent son bilan, Marc Lièvremont a fait son temps en Bleu. Il se disait déjà, avant même la fin du Mondial, que ce n'était plus lui qui dirigeait les Bleus mais bien le capitaine Dusautoir. Le 22 août, la Fédération annonce son remplacement par Philippe Saint-André. Un ancien ailier qui remplace une troisième ligne : les Bleus vont envoyer du jeu et avec "le Goret", on va se gaver c'est certain. Mais, en fait d'indigestion de beau jeu, ce sera plutôt ceinture. 

En 2012, pour les grands débuts de PSA, la France termine 4e du Tournoi, et carrément dernière l'année suivante où elle cumule 8 défaites sur l'ensemble de la saison ! 2014 marque un léger mieux puisque les Bleus sont de nouveau 4e du Tournoi mais une nation de ce rang-là peut-elle se contenter de ce modeste accessit ? Visiblement oui car rien n'est fait pour sortir le coq de la gadoue dans lequel il s'ébroue. En 2015, le gallinacé est définitivement castré quand, de nouveau en quart de finale de la Coupe du monde, il se prend un autobus noir de plein fouet (défaite contre la Nouvelle-Zélande 62-13).  C'est dans ce contexte morose qu'en novembre, la sanction tombe, inévitable : Philippe Saint-André laisse sa place à Guy Novès. 

2015-2017 : l'ère Novès ou l'espoir brisé

S'il y a bien un homme qui peut sortir le XV de France de ce marasme, c'est bien le sorcier de Toulouse. Hélas, toutes ses tentatives de désenvoûtement finiront, elles aussi, par se heurter à l'implacable mur de la réalité. Il n'y a pas de magie noire là-dessous, pas de maraboutage, simplement un manque d'idées directrices et d'un projet sur le long terme. On change de charnière comme de chemise, on navigue entre "offloads" à tout-va et un pragmatisme stérile mais, au final, on continue d'empiler les claques. Guilhem Guirado, promu nouveau capitaine, ne sait pas encore dans quel navire il vient de s'embarquer... 

Les Tournois se suivent et se ressemblent pour le XV de France, qui continue de voir l'écart avec l'Angleterre, l'Irlande et le pays de Galles se creuser irrémédiablement. 5e en 2016 et 3e en 2017, la France vivote. Et le caractère intransigeant, et peu communicatif, de Novès ne passe plus auprès de la presse mais surtout  de certains joueurs. Bernard Laporte, le président de la FFR, signe la troisième lettre de limogeage de la décennie et convoque Jacques Brunel au chevet des Bleus. L'histoire, pour Novès, ne s'arrête pourtant pas là et se poursuivra aux tribunaux pour licenciement abusif. Non content de souiller sa réputation sur le terrain, le rugby français lave aussi son linge sale en public. 

2017-2019 : l'ère Brunel ou la continuité dans la médiocrité

La bonhomie de Jacques Brunel tranche avec l'austérité de Guy Novès. Pas ses résultats. Après une défaite inaugurale contre l'Irlande dans le Tournoi 2018, la France tombe à la 10e place du classement IRB, sa plus mauvaise place depuis la création de ce classement en 2003. Le talent est pourtant là, en tout cas à certains postes, Brunel a beau lancer des jeunes espoirs, rien n'y fait, l'avion bleu continue de faire du rase mottes. Il est même tout près du crash avec 8 défaites pour 3 victoires sur l'ensemble de l'année ! Le capitaine de bord Bernard Laporte, qui lui n'est curieusement jamais assis sur le siège éjectable, annonce alors que Jacques Brunel conduira les Bleus jusqu'à la Coupe du monde au Japon mais qu'il sera assisté de Fabien Galthié avant que ce dernier ne prenne seul les commandes en 2020. 

Au pays du soleil levant, l'astre bleu continue de décliner. Et c'est malheureusement tout sauf une surprise. Un typhon empêche le match face à l'Angleterre en poule, en même temps qu'il évite certainement une humiliation de plus, mais, dès les quarts de finale l'aventure s'arrête face au pays de Galles (20-19). Le coup de coude de Sébastien Vahaamahina restera comme "le geste" de cette Coupe du monde pour les Tricolores qui paient cher 10 ans d’immobilisme
 

2020-? : l'ère Galthié ou la grande incertitude

Le chantier qui attend Fabien Galthié est immense. Les fondations branlent de partout et l’architecte devra repartir d'une feuille blanche ou presque. Le nouveau sélectionneur réussira-t-il à faire sauter le verrou de la prison bleue ? Il faudra courage et talent pour rattraper le temps perdu mais les raisons d'y croire demeurent car, derrière l'expérience du coach, le nouvel élevage de coqs, sacrés doubles champions du monde chez les moins de 20 ans, promet beaucoup et la perspective de l'organisation de la Coupe du monde 2023 en France devrait rebooster les troupes. Le rugby français a incontestablement les moyens financiers, structurels et sportifs de se relever d'une telle décennie. Ce serait dommage de prendre perpet'.

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