Paris 2024 : Le département de la Seine-Saint-Denis sera-t-il le grand perdant de l'héritage des JO ?
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 seront-ils les Jeux de l’héritage ? L’héritage a toujours été un objectif défendu par le Comité d'organisation des Jeux de Paris 2024, et ce depuis la candidature de Paris pour devenir la ville hôte de l’événement, notamment envers le territoire de la Seine-Saint-Denis. Mais les conséquences de la crise sanitaire du covid-19 pourraient laisser des traces. Plusieurs scénarios circulent en effet sur des aménagements possibles du projet olympique initial. Des scénarios relayés par voie de presse depuis la réunion, le 3 juin dernier, qui a rassemblé la commission de coordination du comité international olympique (CIO) et le comité d’organisation (COJO) de Paris 2024.
L’objet de cette réunion, la première post-covid, était de faire un point sur les conséquences provoquées par la pandémie de coronavirus. Des aménagements de sites tout comme des économies sont depuis évoquées. Selon nos confrères du Parisien, certains sites pourraient être déplacés. Cela serait le cas pour les épreuves de tir, prévues initialement à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) et qui pourraient finalement avoir lieu au centre national de tir de Châteauroux (Indre). "On ne se bat pas comme des morts de faim au quotidien pour faire reconnaître et respecter ce territoire pour qu'au final on passe ces sites-là à la moulinette", affirmait début juillet le maire de La Courneuve Gilles Poux à France Bleu, au sujet de cette hypothèse. Selon lui, déplacer cette épreuve ne permettrait d’ailleurs de ne réaliser que des économies "dérisoires".
"C'est la seule épreuve qu'on aura, si on l'enlève c'est le sens même des JO qui n'a plus aucune utilité ici" - Jean-Baptiste Borsali, maire du Bourget
Par ailleurs, le volley qui doit se tenir au Bourget (Seine-Saint-Denis) pourrait lui être rapatrié à Roland-Garros ou au Parc des expositions de la Porte de Versailles. Là encore, le maire du territoire concerné veut conserver son épreuve coûte que coûte. "C'est la seule épreuve qu'on aura, si on l'enlève c'est le sens même des JO qui n'a plus aucune utilité ici", avertissait Jean-Baptiste Borsali, maire du Bourget, au même micro de France Bleu. Le water-polo et le badminton, deux épreuves également prévues en Seine-Saint-Denis pourraient elles aussi migrer vers d’autres communes.
Des scénarios envisagés mais pas actés
Toujours selon les informations du Parisien, le Cojo réfléchirait aussi à déplacer le stade olympique, structure qui serait démontée après les Jeux, et où se dérouleront les épreuves de natation course. En effet, celui-ci est pour l’heure prévu tout près du Centre aquatique olympique (où auront lieu les épreuves de plongeon, natation synchronisée et phase qualificative du water-polo) qui sera construit à Saint-Denis, à côté du Stade de France. Mais le Cojo envisagerait de l’installer plutôt à la Paris Défense Arena à Nanterre. Un projet qui serait moins coûteux puisqu’une partie de la structure existe déjà.
Des aménagements qui concernent donc plusieurs sites prévus sur les territoires de la Seine-Saint-Denis. “Tous les scénarios sont sur la table. Mais aujourd’hui, aucune de ces alternatives ne sont validées, elles sont à l’étude”, veut rassurer Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris en charge du sport, des Jeux olympiques et paralympiques. Même si rien n’est encore acté, les élus du département s’inquiètent. "S'il faut avoir des jeux moins bling bling, pourquoi pas, mais je suis très surpris qu'à chaque fois qu'on pense économie, on cible la Seine-Saint-Denis", s'insurgeait Stéphane Troussel, le président socialiste du département, au micro de France Bleu, début juillet. “Nous sommes inquiets de ce que nous entendons, car malheureusement l’histoire récente démontre que l’on a souvent promis de grandes et belles choses aux banlieues et en particulier à la Seine St Denis, et que régulièrement, ces promesses ne sont pas tenues. Comme cela a déjà été dit, la Seine-Saint-Denis ne doit pas encore une fois être la variable d’ajustement des économies recherchées dans l’organisation de l’événement sportif des jeux de 2024", s'inquiète encore aujourd'hui le maire du Bourget, Jean-Baptiste Borsali.
Le retard des lignes de métro, faux prétexte ?
Autre point sensible, le retard des lignes de métro 16 et 17. Ces lignes devaient initialement relier les sites olympiques de Saint-Denis au Bourget. Ces retards pourraient remettre en cause l’accès aux futurs sites olympiques. Sans ce moyen de transport, il faudrait revoir l’acheminement des différents publics. Et la facture pourrait vite s’élever s’il fallait multiplier les bus et les navettes par exemple, alors que le patron des Jeux de Paris 2024, Tony Estanguet, mise notamment sur le secteur des transports pour réaliser des économies et se donner des marges de manoeuvre.
Mais pour Jean-Baptiste Borsali, le maire du Bourget, ces retards sont des faux prétextes. "On a le RER, la métro à La Courneuve, des navettes. Je ne pense pas que le fait que les lignes 16 et 17 ne soient pas à l'heure pour les JO, doit être le point final pour dire qu'on arrête les Jeux ici", expliquait-il à nos confrères de France Bleu début juillet. Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris en charge du sport, des Jeux olympiques et paralympiques, souhaite lui nuancer. “Il y a du retard en effet. Toutefois, nous avons aussi eu vent d'une possibilité que les lignes soient finalement livrées partiellement et qu’elles n’étaient pas condamnées à ne pas être prêtes pour les Jeux.”
"Conserver les ambitions initiales de la candidature de Paris 2024"
Les élus de Seine-Saint-Denis craignent aussi de voir s’éloigner le projet du village médias situé entre le Bourget et Dugny. Une fois les Jeux terminés, ce site doit être transformé entre autres en 1300 logements, une école et une crèche. "On a un département qui a longtemps été oublié, j'espère que l'on ne sera pas encore la dernière roue du carrosse", s'inquiétait Quentin Gesell, le maire Dugny, auprès de nos confrères de France 3, début juillet.
Du côté de la mairie de Paris, on rappelle que rien n’a encore été tranché et qu’une revue de projet aura lieu en septembre afin de dresser de bilan de l’avancement du projet olympique, des conséquences de la crise sanitaire du coronavirus ainsi que d’éventuels aménagements le cas échéant. “Nous sommes en contacts réguliers avec les élus du département. D’ailleurs, Madame la maire Anne Hidalgo a réaffirmé la nécessité que l’Etat pilote cette revue de projet, notamment pour conserver les ambitions initiales de la candidature de Paris 2024. Et si des ajustements ou des aménagements sont à prévoir, nous voulons qu'ils soient réalisés au meilleur niveau avec l'ensemble des parties prenantes”, souligne Pierre Rabadan. Cette revue de projet est à présent très attendue du côté des élus de la Seine-saint-Denis. "Nous sommes dans l’attente d’un processus d’échange et de dialogue davantage formalisé autour du nouveau délégué interministériel aux JOP, Michel Cadot. Oralement, les propos qui nous sont tenus concernant l’héritage se veulent rassurants, ce qui est appréciable mais loin d’être suffisant", précise Jean-Baptiste Borsali, le maire du Bourget.
L’élu parisien veut aussi rassurer les maires du département de la Seine-Saint-Denis et rappelle également que ce territoire bénéficiera de l’héritage. “On a entendu et compris leurs inquiétudes. C'est dans cette optique-là qu'on souhaite faire la revue de projet en transparence pour que chacun soit en capacité de mesurer les problématiques, de trouver des solutions qui conviennent à tout le monde. On souhaite conserver l’héritage des Jeux, et la Seine-Saint-Denis sera le territoire qui en bénéficiera le plus car il est celui qui en a le plus besoin.” La volonté de conserver l'héritage de Paris 2024 semble donc toujours d'actualité au niveau politique, reste à savoir si celle-ci sera protégée contre vents et marées dans les prochains mois. Et si elle résistera à cette fameuse revue de projet à la rentrée.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.