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Ophélie Claude-Boxberger devant l'AFLD : les aveux contre les analyses

Dopée à l’insu de son plein gré, c’est la théorie qu’Ophélie Claude-Boxberger va soutenir cet après-midi devant le collège de l’AFLD. Pour cela elle ne se s’appuie pas que sur sa parole mais sur les déclarations de son beau-père Alain Flaccus qui a avoué lui avoir injecté de l’EPO lors d’un massage. Une thèse qui devra être cohérente avec les éléments d’analyses que les dix sages de l’AFLD vont lui opposer. Le point sur cette histoire toujours aussi incroyable.
Article rédigé par franceinfo
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Que s’est-il vraiment passé vers le 13 septembre au soir, lors de ce massage désormais fameux dans un appartement de Font Romeu ? Alain Flaccus, le compagnon de la mère de l’athlète a-t-il réellement profité d’un assoupissement, après l’entrainement, pour lui injecter tout ou partie d’une ampoule d’EPO ou cette histoire est-elle seulement une supercherie destinée à masquer un bien réel cas de dopage ? Face au collège de l’AFLD Ophélie Claude-Boxberger va devoir démontrer que sa version est cohérente avec les analyses de ses prélèvements. Le débat risque être technique face à des magistrats, des juristes, des pharmaciens et médecins chevronnés qui composent le collège de l’Agence Française Anti-Dopage, chargé d’instruire le dossier disciplinaire avant de sans doute le renvoyé devant la commission des sanctions qui dira si oui ou non elle suspend OCB.

Flaccus vs les flacons

Plusieurs questions se posent auxquelles nous n’avons pas de réponse car l’AFLD a coutume d’être muette sur les affaires en cours et le Pôle santé du Parquet de Paris, seul habilité à communiqué sur l’information judiciaire qui a été ouverte, se fait discret pour l’instant. La première d’entre elles, les analyses issues des prélèvements effectués par les agents de l’AFLD le 18 septembre lors du contrôle, recèlent-elles des éléments sanguins qui pourraient remettre en cause la seule hypothèse publique pour l’instant ?

Différents marqueurs entrent en compte dans la démonstration de la présence d'EPO. Le plus connu est le taux hématocrite, la quantité de globules rouges dans le sang, quand elle augmente, l’organisme peut transporter plus d’oxygène aux muscles. Une fonction prépondérante dans les sports d’endurance comme le 3000m steeple que pratique Ophélie Claude-Boxberger. Mais d’autres paramètres, moins connus, sont scrutés comme la variation du taux de réticulocytes. Un des premiers à réagir. Quand l’EPO est injectée, elle stimule la création de globules rouges dans la moelle osseuse qui fabrique d’abord des réticulocytes, de jeunes globules rouges qui deviendront "adultes" après quelques jours. Ce processus n’est pas immédiat, voilà pourquoi l’EPO nécessite des cures de 14 à 20 jours pour des effets durant 40 jours ensuite.

Ce phénomène est bien connu des experts qui peuvent déterminer si la quantité qui aurait été injectée à OCB et le délai, correspondent à son taux de réticulocytes constaté dans son prélèvement lors du contrôle. En théorie une seule injection ne peut pas déclencher fortement la machine à globules et donc si son taux de réticulocytes est peu supérieur à la valeur normale (entre 0,5 et 1), l’injection « à mon insu » sera plausible. En revanche si cette valeur est 3 ou 4 fois supérieure à la norme, comme lors de cures d’EPO, l’hypothèse de la piqûre clandestine aura du plomb dans l’aile. En plus de cela d’autres paramètres comme le off score, un savant calcul de plusieurs valeurs sanguines, ou encore les variations du passeport biologique seront scrutées par les experts. En somme voici un filet scientifique aux mailles serrées dont Ophélie Claude-Boxberger va devoir se dépêtrer. Si les analyses des flacons ne posent pas question, alors elle pourra s’appuyer sur les aveux de son beau-père, récemment réitérés.

Les aveux qui tombent à pic

Il y a 10 jours à peine l’Est Républicain titre au dessus d’une photo d’Alain Falccus en teddy bleu électrique : « J’ai pincé la peau et injecté l’EPO ». Dans une longue interview le compagnon de la mère d’OCB explique, avec force détails, qu’il a eu « une pulsion » mais qu’il a « cogité » car bien sûr, avant d’avoir sa «  pulsion »,  il a dû se procurer les deux ampoules d’EPO. Lors du massage «  je me suis dit que si je devais le faire, c’était à ce moment là ». Il affirme avoir décapsulé 2 seringues mais une seulement a été utilisée. « J’ai pris la première, pincé la peau de la main gauche et injecté l’EPO en sous-cutané avec la main droite. c’est allé très vite, je ne sais même pas si j’ai tout injecté », raconte l’infirmier novice que tous ceux qui le connaissent dans la région de Montbéliard présentent comme un furieux combattant du dopage.

Des aveux censés tout expliquer et disculper Ophélie Claude-Boxberger; et qui arrivent à point nommé  elle court après depuis des mois maintenant. Le 17 décembre dernier OCB a déposé plainte à Montbéliard contre Alain Flaccus pour empoisonnement, trois jours plus tard, elle introduisait un recours en référé devant le Conseil d’État. Elle escomptait que cette plainte serait jointe à l’autre enquête menée par les gendarmes de l’OCLAESP et instruite par le juge Manie-Samson du pôle santé du parquet de Paris. Mais de jonction il n’y eu point. Pareillement, son avocat Me Laurent Clauzon, tente de la faire enregistrer comme partie civile dans cette enquête. Sans succès. Stratégie de défense classique, de ces démarches, elle espère pouvoir extraire du dossier d'enquête les aveux de Flaccus sur procès verbal lors de sa garde à vue, début novembre. Ce qu’elle pense être son sauf-conduit pour éteindre d’éventuelles poursuites, lever sa suspension provisoire que lui a refusé le Conseil d’État, et sortir blanchie de l’AFLD. Rien n’a fonctionné. Malgré tout elle se contentera volontiers d’aveux imprimés dans le journal, tout le monde n’a pas toujours un tel atout dans sa main. Les sages de l’AFLD noteront quand même un enchainement providentiel des déclarations peu après sa convocation. Quand nous avons rencontré Alain Flaccus en décembre il avait reconnu les faits mais n’avait pas produit autant de détails.

OCLAESP/AFLD les sigles enquêtent sur les versions

Comme pour chacun de ses ses dossiers disciplinaires l’AFLD va entendre d’autres protagonistes, comme des cadres de la FFA mais peut aussi demander à écouter en direct les aveux d’Alain Flaccus ou encore Jean-Michel Serra, l’ex-médecin de la fédération et compagnon d'Ophélie Claude-Boxberger. Il était à Font Romeu lors du fameux stage en août-septembre et ce serait par jalousie que Flaccus aurait agit. Car ici rien ne nous est épargné. Ni les agressions sexuelles présumées qu’Ophélie, adolescente, aurait subit de la part d’Alain Flaccus, ni le romanesque retour de Flaccus auprès d’OCB pour que la fille renoue des liens familiaux avec sa mère, ni les crises de jalousie du beau-père à Font Romeu, où il aurait déchiré les robes et mangé les chocolats que Jean-Michel Serra offrait à sa futur fiancée. Des excès prémices à l’injection clandestine ?

Une histoire incroyable mais la seule autre hypothèse qui serait l’écriture, puis l’interprétation concertée d’un scénario et son exécution devant la France du sport et sous nos yeux l’est encore plus. Cependant, on sent bien que depuis le départ, les gendarmes, le parquet de Paris et le juge se grattent la tête et rechignent à croire la version qu’on leur a servi en garde à vue. La preuve, malgré ses aveux début novembre, Alain Flaccus n’est toujours pas mis en examen. Voilà qui pose plusieurs questions sur l’enquête.

Les gendarmes qui ont en leur possession les analyses des prélèvements effectués par l’AFLD n’ont-ils rien trouvé d’anormal dans les paramètres sanguins d’Ophélie Claude-Boxberger? Dans ce cas pourquoi Flaccus n’est-il pas mis en examen? Ou alors ont-ils délibérément choisi de ne pas utiliser ces analyses pour questionner les aveux de Flaccus ? Mais pourquoi ? Mystère. Un mystère qui va rester entier pour l’instant car le parquet n’a jamais communiqué « officiellement » sur le sujet et les débats de l’AFDL restent habituellement confidentiels.

Seul indice, à la fin de l’instruction, le Collège de l’AFLD peut, à titre exceptionnel décider de blanchir Ophélie Claude-Boxberger et ne pas la renvoyer devant la commission des sanctions si la thèse "à l’insu de mon plein gré" le convainc. Sinon, la commission des sanctions statuera sur son cas. Comme elle l’a fait en novembre dernier pour Clémence Calvin, suspendue 4 ans et qui, elle, affirmait avoir été agressée par des contrôleurs de l’AFLD se faisant passer pour des policiers. Autre histoire incroyable. Et qui n’a pas été crue. Il faut dire que la marathonienne, à la différence d'Ophélie Claude-Boxberger, n'a bénéficié des aveux de personne pour rendre plausible cette autre histoire à courir couché.

Thierry Vildary

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