Berlin : le relais, la thérapie du collectif
"La composition du relais ? Vous ne savez pas encore ?... Demain", souffle Jérémy Stravius. "Cette année, je ne fais pas le 4x100, lance Fabien Gilot. Pourquoi ? Il y a assez de jeunes maintenant... Je laisse ma place". C’était la grande blague de la conférence de presse des Bleus. Dans un petit salon de l’hôtel où les Bleus ont élu domicile durant la durée de l'Euro, le jeu était de savoir quelle serait la composition du relais 4x100m nage libre. Celui qui va remettre son titre en jeu ce lundi et à qui rien n’échappe depuis 2012 : Euro à Debrecen, JO à Londres et enfin Mondiaux à Barcelone.
Un grand chelem qui laisse rêveur, mais qui fait peser une autre pression sur les épaules des Français. "C’est très important, annonce Stravius, on a l’occasion sur chaque relais de monter sur la plus haute marche du podium. On a une belle force d’équipe. On a gagné tous les titres. Même si à Debrecen, c’était un Euro différent car cela ne se déroulait pas en été, c’était avant les JO". Le champion du monde de Barcelone avec Yannick Agnel, Fabien Gilot et Florent Manaudou n’oublie pas qu’à Budapest, le titre leurs avait échappé. "Chaque année, on se dit qu’on n’est pas favori, on se répète cette histoire et ça marche", assure-t-il.
Frissons
Chaque compétition c’est pareil. Qui seront les quatre à nager pour la finale ? Avant cette période faste, les noms étaient peut-être évidents, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Parole de capitaine. "Cette équipe, je la sens bien, déclare Fabien Gilot. Il y a des nouveaux visages, de la fraîcheur. Il y en aura quatre en forme demain après-midi (lundi, ndlr).C’est un problème de riches de ne pas savoir qui va nager". Ces nouveaux visages se sont dévoilés, révélés lors d’une réunion qui laissera des traces. Quelque soit le résultat, si on écoute Stravius en parler. "J’ai eu beaucoup de frissons. Chaque athlète a donné son point de vue. Tout le monde était là, ça m’a donné envie d’y participer. On s’est remémoré nos victoires, mais aussi nos défaites. Ça sert. Ça m’a fait extrêmement de bien d’écouter ces paroles".
Que ce soit le nageur d’Amiens qui était à la recherche de ses sensations avant cet Euro qui raconte cela n’est pas anodin. Comme si cette réunion avait eu une vertu thérapeutique pour un groupe tricolore qui débarque à Berlin dans le brouillard. Manaudou, qui souffre des mêmes maux que Stravius, rebondit. "J’ai beaucoup aimé cette réunion, confirme-t-il. L’année dernière, lors de la première fois, je n’osais pas trop parler car je ne savais pas si j’étais à ma place". Lui qui avait dit "qu’il ne ferait pas de relais tant qu’il n’y aurait pas de 4x50m aux Mondiaux" défendrait presque sa place dans celui-ci. "J’ai gagné l’an dernier donc on va peut-être me mettre plus facilement", dit-il du bout des lèvres. Presque donc. Il était pourtant dans cette réunion de 15 nageurs, mélange entre anciens combattants et petits nouveaux. Et cette fois, il a parlé, pour "apporter ma petite expérience aux jeunes".
Force du collectif
Et l’encadrement, il en pense quoi de cette réunion ? Il est aussi dithyrambique que les nageurs, voire plus. "Un des grands moments dans la carrière d’un entraîneur. Il marquera la mienne", estime Romain Barnier, l’entraîneur de l’équipe de France. Ce qui s’est dit restera entre les murs, mais quasi mystique, Barnier enchaîne. Sans forcément en dire plus. "Vous mettez des gens spéciaux dans une salle tournés autour d’un projet commun, ils vous filent des frissons juste en vous regardant. C’est la force de leur talent cumulée à cette petite énergie qu’il y a dans la pièce qui rend cette réunion spéciale. La beauté de cette réunion, c’est qu’on l’a partagée dans un sens un peu plus large qu’on le fait d’habitude", énonce-t-il. "En incorporant ces jeunes à cette réunion, c’est un premier pari réussi", poursuit-il. En résumé, un collectif serait vraiment né à cette réunion et les jeunes auraient commencé à appréhender le haut niveau.
Car le relais, c’est ça pour Gilot. Une "âme collective". Le relais est le symbole que quelque chose a vraiment changé chez les Bleus. "On le voit dans la réunion des relais, plus personne ne veut être protégé, assure le capitaine. Plus important encore, aujourd’hui les relais gagnent, peu importe qui les composent. Ça ne veut pas dire que les quatre victorieux l’an dernier – dont il fait partie – sont à Berlin qu'ils seront alignés demain soir (ce soir, ndlr)". Une autre preuve de ce sens du collectif ? Agnel, la star des Bleus, lui si prompt à blaguer ou à l’affût du bon mot retrouve son sérieux quand on l’interroge sur le sujet : " Je suis toujours au service du relais, toujours content d’être là". C’est finalement Lionel Horter, le Directeur Technique National, qui a mis fin au suspense. Du moins pour les séries du matin. "Ce sont Mehdy Metella, Clément Mignon, Grégory Mallet et Fabien Gilot qui composeront le relais en série", a-t-il avoué. Un relais 100% marseilais ,mais un savant mixte entre jeunes et cadres donc. A eux de qualifier les Bleus pour cette finale où "il sera aussi dur de gagner que ce le fut d’être champion du monde l’an dernier", prévient Gilot. Parce que les Russes, parce que les Italiens. On a tout de même fini par lever une partie du voile. Mais pas tout. "Jusque maintenant, ça a bien marché, s’amuse Agnel, pourquoi voulez-vous qu’on fasse différemment ?".
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