Marie-George Buffet : Ce remaniement est "un affaiblissement du rôle du ministère des Sports"
Dans le gouvernement remanié, Jean-Michel Blanquer voit son portefeuille s'élargir et devient ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Il prend la place de Roxana Maracineanu, qui est elle rétrogradée en tant que ministre déléguée aux Sports. Êtes-vous surprise par cette annonce ?
Marie-George Buffet : "Je ne suis pas du tout surprise. Déjà parce qu'il y a eu la création de l'Agence nationale du sport (ANS) et dans la note de Bercy prévoyant cette agence, on visait la suppression du ministère des Sports. Certes, nous ne sommes pas dans la suppression mais dans le fait que le ministre des Sports n'est plus une ministre de plein exercice mais une ministre déléguée. C'est donc un affaiblissement du rôle du ministère par rapport à l'ensemble des pratiques sportives."
Selon vous, cet "affaiblissement" est-il une sanction vis-à-vis de Roxana Maracineanu ou envers le ministère des Sports plus généralement ?
M.-G. B. : "Non, c'est le ministère des Sports qui est visé. Dans la note de Bercy au sujet de la création de l'Agence national du sport, il était noté la disparition du ministère des Sports. On considère que le sport n'est pas, au même titre que la culture, un droit essentiel pour nos concitoyens et donc il n'a pas besoin d'un ministère de plein exercice. C'est donc une relégation du sport."
"Il faut qu'on m'explique en quoi le sport professionnel doit être dans le même ministère que l'éducation. C'est une incohérence"
C'est assez inédit de se retrouver avec deux ministres des Sports finalement...
M.-G. B. : "Ce n'est pas vrai, il n'y a pas deux ministres. Il y a un ministre, Jean-Michel Blanquer, qui va gérer l'ensemble de ses domaines - Education nationale, Jeunesse et Sports - et une ministre déléguée qui sera sous ses directives. Je ne vois pas très bien le sens d'un pôle éducatif qui va englober le sport, y compris le sport professionnel. Il faut qu'on m'explique en quoi le sport professionnel doit être dans le même ministère que l'éducation. C'est une incohérence. C'est relégué le sport comme quelque chose de marginal alors que c'est un droit essentiel pour les citoyens de pouvoir pratiquer la discipline de leur choix et pouvoir peut-être aspirer au plus haut niveau."
Est-ce que cette nouvelle organisation au sein du gouvernement ne risque pas de compliquer la prise en charge des dossiers ?
M.-G. B. : "Bien évidemment. Vous avez déjà l'ANS, qui gère déjà une partie des subventions du sport amateur et qui est en charge de la haute performance. Et nous avons une ministre maintenant déléguée aux sports, au sein de l'Education nationale. Il va donc falloir quand même préciser quelles sont les missions et les prérogatives de l'ANS et de la ministre déléguée aux Sports. Car au bout d'un moment, on va se demander, et c'est ce que veut Bercy, faut-il encore un ministère des Sports ? C'est vers cela que l'on tend..."
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Quel bilan faites-vous de Roxana Maracineanu au ministère des Sports ?
M.-G. B. : "J'ai trouvé qu'elle avait été déterminée et courageuse, avec le peu de moyens qu'elle avait. En effet, dans ce ministère, le personnel a été éparpillé et ses moyens ont été réduits."
Quelles qualités faut-il pour être un bon ministre des Sports ?
M.-G. B. : "Déjà, il ne faut peut-être pas appartenir à la famille du mouvement sportif pour pouvoir prendre plus de recul, plus de marge. Et il faut beaucoup de détermination. C'est un milieu extrêmement attachant, avec tous ses bénévoles, c'est un milieu formidable. Et c'est un milieu qui est à roder aujourd'hui par la marchandisation, par les enjeux financiers par tout ça, et donc il faut un ou une ministre qui soit extrêmement déterminé(e) et qui fasse face à ces enjeux."
"Pour les JO de Paris 2024, c'est un mauvais signal"
A quatre ans des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, quel est le signal envoyé par l'exécutif ?
M.-G. B. : "C'est un mauvais signal. Nous sommes à quatre ans des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Alors qu'on avait ce beau défi de faire en sorte que d'ici quatre ans on multiplie le nombre de licenciés dans les clubs, qu'on donne plus de moyens aux clubs, qu'on forme plus de jeunes pour le haut niveau, on explique aujourd'hui que finalement le sport est délégué, et qu'il n'est pas plus que délégué."
Comment aviez-vous vécu votre rôle de ministre des Sports ?
M.-G. B. : "Je l'ai découvert au début. Je n'étais pas du tout préparée à ça. Ça m'a permis de beaucoup travailler les dossiers, de concerter avec le milieu sportif, j'ai découvert des hommes et femmes, des bénévoles, formidables. Mais j'ai découvert aussi le dopage, les enjeux financiers, les enjeux des Etats qui instrumentalisaient le sport pour faire de la géopolitique, pour obtenir une bonne image. Ce n'est pas un poste de gestion uniquement mais c'est un poste qui a trait à l'éthique, à la géopolitique, au domaine politique, donc c'est un poste très intéressant."
Si on vous proposait de nouveau le poste, l'accepteriez-vous ?
M.-G. B. : "Oui, si c'était un gouvernement de gauche, très déterminé à mener une politique sociale, économique, sportive de gauche. Donc, pour le moment, ce n'est pas pour demain."
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