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Manque de matchs, saison sur terre tronquée, rythme perdu... le niveau de jeu sera-t-il mauvais à Roland-Garros ?

L'édition 2020 de Roland-Garros qui débute dimanche, aura lieu après une saison sur terre réduite à portion congrue. Le manque de matchs officiels sur la surface ocre, pour des joueurs qui, pour la plupart, ont joué sur dur il y a à peine trois semaines, pose question quant au niveau de jeu des joueurs.
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
  (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY)

Pour la première fois de son histoire, Roland-Garros aura lieu l'automne, à partir du 27 septembre prochain après une tournée de terre-battue totalement tronquée. Un seul Masters 1000 au programme après l'annulation du tournoi de Madrid en juillet dernier : Rome, programmé la semaine suivant l'US Open et donc boudé par une partie des joueurs. Et quelques tournois moins importants, tels Kitzbühel, Strasbourg pour les femmes et Hambourg pour les hommes. Est-ce bien suffisant ? 

Certains joueurs n'auront pas joué un seul match sur terre

La préparation en compétition officielle sera même nulle pour certains joueurs, et pas des moindres. Dominic Thiem, après son titre à l'US Open, a décidé de se rendre Porte d'Auteuil sans aucun match officiel dans sa besace. Ce qui n’inquiète pas outre-mesure son entraîneur Günter Bresnik : "Pour Dominic, passer de n’importe quelle surface à la terre battue prend, je dirais, une demi-heure, a-t-il assuré dans les colonnes du New York Times juste après la victoire de son poulain.  Il a l’habitude".

Même s'il s'agit de sa surface favorite, les références de Dominic Thiem sur terre battue en 2020 laissent songeur pour un prétendant au titre à Roland-Garros. Un seul tournoi, à Rio, en février, soit plus de six mois avant le Grand Chelem parisien. Et quelques exhibitions jouées pendant le confinement ici et là, dont le controversé Adria Tour. C'est très peu. Mais l'Autrichien est persuadé qu'il n'a pas besoin de plus de préparation :  "Je suis sûr que physiquement, je serai remis et prêt à 100%" a-t-il assuré dans le même article. 

Daniil Medvedev, lui, a un palmarès beaucoup moins fleuri sur terre battue et, s'il est loin d'être un manchot (demi-finale à Monte-Carlo, finale à Barcelone en 2019) il n'a tout simplement jamais gagné de match à Roland-Garros. Pourtant, le demi-finaliste du dernier US Open n'arrivera à la Porte d'Auteuil qu'avec un match de terre-battue dans les jambes, après sa défaite surprise contre Ugo Humbert au 1er tour du tournoi de Hambourg.

Aux côtés de Thiem, on retrouve Alexander Zverev ou encore Serena Williams qui fonceront au 1er tour Porte d'Auteuil, sans match préparatoire. Est-ce vraiment si inhabituel ? Pour Roland-Garros, oui. Pour l'Open d'Australie en revanche, non, comme nous l'a rappelé Julien Boutter il y a quelques semaines :"Finalement, Roland-Garros risque de ressembler à l’Open d’Australie, où les joueurs débarquent avec une ou deux semaines de préparation maximum, et un mois ou plus sans jouer. Ce qui n'empêche pas le spectacle, au contraire." 

A Rome, "scores bizarres" et niveau de jeu inquiétant

Pourtant, les premiers tours du tournoi de Rome ont donné lieu à des rencontre bien inquiétantes en termes de niveau de jeu. Surtout s'agissant des joueurs venus tout droit de New York, après un US Open plus ou moins bien remplis en fonction des joueurs. Prenez David Goffin : le Belge s'était hissé jusqu'en huitièmes de finale à Flushing Meadows, lui laissant donc tout de même une bonne semaine pour faire le voyage jusqu'à Rome et se préparer. Cela ne l'a pas empêché de passer totalement à côté de son match. Il s'est incliné 6-2, 6-2 face à Marin Cilic - pas le meilleur terrien du circuit, et pas non plus dans la forme de sa vie en ce moment - en commettant une trentaine de fautes directes en moins d'une heure. "Ce n'est jamais gai de perdre un match comme ça, mais c'est une période difficile et je pense que cette année, il y aura encore des scores bizarres, a-t-il expliqué au média belge RTBF après sa défaite. D'habitude, il y a trois ou quatre tournois sur terre battue, dont trois Masters 1000 (NdlR : Monte-Carlo, Madrid et Rome) pour se préparer en vue de Roland-Garros. Cela peut faire beaucoup de matches. Ici, je n'en ai eu qu'un et ce serait bien d'en avoir encore au moins un à Hambourg, si pas plus"

Si le Belge tentera de bien figurer en Allemagne et, surtout, de jouer plus d'un match, il n'est pas le seul parmi les revenants de l'US Open à avoir affiché un niveau de jeu abyssal en Italie. Stefanos Tsitsipas a été désastreux contre Jannik Sinner au 2e tour (6-1, 6-7, 6-2). L'Italien avait auparavant éparpillé un Benoît Paire incapable d'aligner deux balles d'affilée dans le court. Karen Khachanov (11e) s'est fait surprendre par Casper Ruud au 1er tour, et son compatriote Andrey Rublev, quart de finaliste à New York, est apparu totalement perdu sur le terrain contre Hubert Hurkacz. Pablo Carreno Busta, un pur terrien, mais demi-finaliste à l'US Open, n'a pas existé contre Rafael Nadal (6-1, 6-1). Borna Coric et Alex De Minaur, deux récents quart de finaliste à Flushing, ont également perdu dès leur entrée en jeu, tout comme Sofia Kenin, éparpillée 6-0, 6-0 dès son entrée en jeu (par une Victoria Azarenka qui marche sur l'eau en ce moment). 

Transition complexe

Certes, la plupart d'entre eux se sont rabattus sur Hambourg pour les hommes ou Strasbourg pour les femmes cette semaine, et pourraient s'y refaire une santé. Mais ces matchs où l'on a vu des erreurs inhabituelles pour des joueurs de ce niveau, rappellent que la transition du ciment américain à la terre battue est ardue techniquement et tactiquement. C'est la raison pour laquelle le calendrier traditionnel ménage six bonnes semaines de tournois sur ocre entre les tournois américains de février et Roland-Garros. A Paris, de par la lenteur de la surface, les échanges durent et les joueurs habitués à attaquer et à finir en deux ou trois coups à Cincinnati et à l'US Open, devront vite s'habituer à se montrer patients,  à construire leur point à Roland-Garros. "C'est dur à dire si les joueurs qui n'ont pas été aux États-Unis auront un avantage à Paris. Cela reste une autre surface. Et puis, certains aiment mieux la terre battue que d'autres. Nous n'avons jamais eu un calendrier comme ça", a estimé David Goffin.

Le niveau sera-t-il pour autant mauvais à Paris ? Julien Boutter estime que cela s'arrangera dans tous les cas :  "Je pense que pour ceux qui se hisseront jusqu'en fin de tournoi, le niveau de jeu sera plus ou moins équivalent à ce à quoi on assiste d'habitude. Ils auront quand même eu 4 ou 5 matches avant d'arriver là, c'est suffisant". A Rome, même Rafael Nadal et Novak Djokovic ont affiché des lacunes importantes dans leur jeu. Malgré une préparation entièrement axée sur la terre battue, l'Espagnol a payé son manque de compétition en quarts de finale face à Diego Schwartzman, après une prestation plutôt moyenne pendant laquelle ses coups ont semblé retenus. Quant au Serbe, tous ses matchs ont été émaillés de sautes d'humeur récurrentes, et son niveau de jeu a alterné le très bon et le très mauvais. A l'arrivée, il a tout de même remporté ce lundi son 36e Masters 1000 à Rome. Comme un symbole à une semaine de Roland-Garros : une victoire, même sans la manière, reste une victoire.

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