Mondiaux de lutte : Zelimkhan Khadjiev, taillé pour lutter
"Je n'ai pas encore ramené de médaille pour remercier la France de m'avoir accueilli." L'air déterminé, le sportif barbu de 23 ans mise sur le rendez-vous à domicile où il combat l'ultime journée, pour accomplir sa mission. Pour cela, il lui faut "être fort" et "s'entraîner tout le temps". "Fort" comme son idole, Buvaysar Saytiev, né à Khassaviourt (Daghestan) et d'origine tchétchène comme lui. Un lutteur de légende, six fois champion du monde et triple champion olympique. Zelimkhan Khadjiev, cinquième aux championnats du monde de lutte libre en 2015, a encore du chemin à parcourir pour l'imiter. Aux jeux Olympiques de Rio l'an dernier, il n'a pas dépassé les huitièmes de finale. "Je m'étais entraîné comme un animal, j'étais chaud chaud chaud", assure le jeune homme.
Frappé avec une corde à sauter
Visage fermé, "Zelim" Khadjiev revient sur le traumatisme : "A la dernière seconde, j'ai cédé", reconnaît le lutteur, vaincu par le Japonais Sosuke Takatani. "J'étais très triste." Une expérience fondatrice dans la carrière du Niçois d'adoption. Né dans le Caucase russe, Zelimkhan Khadjiev a grandi dans la guerre. Il commence la lutte libre à sept ans : "Chez les Tchétchènes, c'est dans les gènes." Appâté par les médailles, le garçon progresse vite. A chaque entraînement manqué, "l'entraîneur (l)e frappait avec une corde à sauter", se souvient-il.
En 2004, sa famille tente de fuir vers la Norvège. Elle sera finalement accueillie à Nice, sur la Côte d'Azur, après trois mois d'errance à travers l'Europe. Commence alors la formation du jeune prodige en France, au Lutte Club de Nice dans un premier temps. Vainqueur de tous ses combats, il "(s)'ennuie un peu", reconnaît-il aujourd'hui. A 14 ans, il intègre l'équipe de France, constituée en partie d'athlètes d'origine tchétchène comme lui. Engagé en -74 kg à Paris, Khadjiev était encore à la lutte il y a quelques jours pour faire le poids.
Moustache et barbiche
Mais son ambition justifie tous les sacrifices: quitter sa famille niçoise pour rejoindre l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) à Paris à 18 ans, repousser son bac pour préparer les JO de Rio en 2016, passer un contrat avec l'armée pour s'assurer un revenu régulier. Zelimkhan Khadjiev lance toutes ses forces dans la lutte, qu'il pratique avec "un mental d'acier", dixit ses coéquipiers du pôle France de la Fédération. "Il s'énerve vite mais il n'abandonne jamais", confie son ami Ilman Mukhtarov, lui aussi d'origine tchétchène. "On l'appelle le TGV. Il pousse énormément: quand il attrape la jambe, personne ne peut lui résister."
Sur le tapis de l'Insep, il fait tomber ses adversaires un à un, les retourne sur le dos, avant de se relever, sans se départir jamais d'un large sourire. Ni de ses moustache et barbiche, "pour faire un peu peur quand même". "C'est l'ami de tout le monde", assure Ilman Mukhtarov. "On sait que c'est le meilleur, tout le monde veut prendre exemple sur lui." Mais difficile d'assumer son statut de "plus grande chance de médaille" : "Il y a des jours où il va douter, il va perdre des points à vouloir trop bien faire", regrette son coéquipier de lutte libre. Ces "doutes", "on travaille à les enlever", promet son entraîneur, Luca Lampis. Et d'exiger: "Il doit faire une médaille, on compte sur lui."
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