Longboard dancing : Marina Alyssa Correia, une championne du monde qui veut "casser les barrières"
C’est un raz-de-marée inattendu qui a déferlé sur les réseaux sociaux cette semaine. Le point de départ ? Un message de fierté posté par Marina Alyssa Correia sur Twitter expliquant qu’elle devenait la première femme noire championne du monde de longboard dancing - combinaison de pas de danse et de figures sur une planche un peu plus longue qu’un skateboard.
Nul doute que la sportive de 23 ans n’imaginait pas la déferlante de commentaires condescendants et parfois racistes qui allait suivre. Certains ciblent ouvertement sa couleur de peau, jugée pas assez foncée. "Je suis métisse de par mes origines capverdiennes et brésiliennes, mais je suis une femme noire, avec des parents noirs, une famille noire", est-elle obligée de se justifier avant de voir - enfin - la vague de haine retomber.
"Un message pour les femmes qui sont peu représentées dans cette discipline"
"On m'a critiqué en expliquant que j'essayais de promouvoir mon identité pour percer, ce qui est totalement faux", précise-t-elle. "On s’en fout de la couleur de peau, du genre ou de quoi que ce soit. C'était juste un message d’espoir pour les gens passionnés et surtout pour les femmes qui sont peu représentées dans cette discipline." Le "bad buzz" a eu le mérite d'amener plusieurs médias à s'intéresser à la jeune femme et à son sport urbain en manque de notoriété.
Marina embrasse volontiers le rôle de porte-parole du longboard dancing : "je dirais que c'est un mix entre le surf et le skateboard, avec le côté danse en plus". En compétition, plusieurs critères sont pris en compte comme la vitesse, l’exécution, l’équilibre, le "flow"… Avec un dénominateur commun, le plaisir de "rider".
Du "ride" sur la Promenade des Anglais au titre mondial
Après avoir grandi au Cap-Vert, c'est au collège à Nice qu'elle découvre le longboard, un peu par hasard. En troisième, sa petite planche de skate se casse et un ami lui propose d'essayer sa "board". L'adoption est immédiate et elle rejoint rapidement une bande qui prend la Promenade des Anglais comme terrain de jeu.
"L'été on se retrouvait parfois à être une vingtaine à slalomer entre les touristes, ça améliore la technique !", plaisante Marina. En parallèle, les jeunes virtuoses apprennent à maîtriser l'image en filmant leurs exploits pour les diffuser sur le web.
Mais le véritable déclencheur a lieu le 11 avril 2016. Au gré de ses aller-retour dans un magasin spécialisé de la cité azuréenne, elle apprend que la marque américaine de sa planche (Sector 9) est de passage en ville. La jeune sportive se rend sur place pour essayer les nouveaux modèles et rencontre les gérants. L'entente est immédiate et ceux-ci lui proposent une collaboration sponsorisée.
"Je ne m'y attendais pas du tout, ils ont bien aimé ce que je faisais et mon côté nature. Donc j'ai dit "OK"", ajoute-t-elle. Forte de son nouveau partenariat, elle s'engage trois ans plus tard à Paris sur sa première compétition, le 360 Longboard Open, où elle termine deuxième. Un résultat qui va la stimuler dans sa progression.
Cet hiver, elle candidate au championnat du monde, qui a lieu traditionnellement à Eindhoven aux Pays-Bas. Mais Covid oblige, l'organisation doit s'adapter et décide de sélectionner les meilleures vidéos en ligne pour établir le palmarès. Dimanche 10 janvier, le verdict tombe : Marina est la nouvelle reine du longboard dancing.
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Sponsoring et gain de notoriété sur les réseaux
Peu avant son sacre, la jeune femme venait de signer un contrat de sponsoring avec une marque sud-coréenne, qui lui offre plus d'accompagnement et un soutien matériel. Une denrée rare dans un univers axé sur le marketing et qui entretient le cliché d'une discipline sexiste et sexualisée. Cela va de l'image d'une fille blonde avec les chaussettes longues qui ride à Venice Beach à celle d'un homme blanc qui enchaîne les "tricks" avec son sweat à capuche...
"Oui c'est une réalité", confesse Marina Alyssa Correia. "Mon message ce n'est pas celui-là, ce que je veux c'est qu'un maximum de personnes, quelle que soit leur couleur de peau, leur sexe ou leur origine sociale, s'approprie la pratique. Dans le milieu je dois connaître six filles noires environ, cela reste très masculin, très blanc et j'ai envie de casser ces barrières."
Pour autant la voie vers le professionnalisme n'est pas encore ouverte. D'ailleurs l'étudiante en fac de lettres - qui parle cinq langues (français, anglais, portugais, créole capverdien et espagnol) - n'entend pas en faire son métier. Marina sait que les élus comme Lofti Lamaali sont rares. Mais elle aimerait participer à l'essor médiatique de sa discipline.
"Il faut tirer profit du fait que ce soit un sport photogénique", analyse-t-elle. Ce sont en effet ses vidéos qui ont attiré la plupart des "followers" de "Fenty" - son nom sur les réseaux sociaux, en hommage au nom de famille de Rihanna, "l'une de mes plus grandes inspirations" - à suivre ses aventures.
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Changer le regard sur le longboard dancing
Lorsqu'on demande à Marina Alyssa Correia quelles portes elle souhaiterait désormais ouvrir avec sa communauté, la réponse fuse spontanément : "J'ai envie de développer des partenariats avec des structures qui travaillent avec des enfants à l'hôpital, des réfugiés et plus globalement des jeunes. J'ai déjà eu l'opportunité de faire ça avec la MJC Agora à Nice. L'idée n'est pas forcément de leur donner des cours mais plutôt des conseils, de les faire tester ou même qu'ils regardent comment fonctionne ce sport pour apporter un peu de joie et de sourire."
Au sommet de la vague, la championne du monde veut changer le regard sur le longboard dancing et aider à véhiculer un message de tolérance. "Ce n'est pas une activité criminelle pratiquée par de jeunes marginaux en quête de sensations fortes. C'est un espace de liberté dans lequel on peut s'épanouir."
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