Lizeroux: "Enfin ma plongée dans l'hiver"
S'il n'a jamais montré de signes d'abattement, la voix de Julien Lizeroux avait un soupçon d'entrain supplémentaire ce matin. Quatre jours après avoir remis les skis pour la première fois depuis près de deux ans, le slalomeur français est, comme souvent, de bonne humeur. Juché sur son vélo d'appartement, il débute sa séance de musculation avec le téléphone à la main, pour répondre à nos questions. Et il n'a pas le souffle court.
Comment s'est passé votre retour sur les skis, un an et demi après votre opération au genou ?
Julien Lizeroux: "Ca sest très bien passé. Javais choisi mon jour, après discussions avec les entraîneurs, préparateurs physiques, kinés et médecins, pour trouver une date qui correspondrait tant au niveau physique que météo. Il était tombé une vingtaine de centimètres, il faisait grand beau avec un froid sec (-15°). Jai repris tranquillement en ski libre, avec mes skis de slalom. Cétait cool, parce que cela faisait un petit moment. Il ny a pas eu de révolution, ni de miracle, ni de mauvaise surprise. Cétait conforme à ce à quoi je mattendais. La glisse et le ski, cela ne se perd pas du tout, mais physiquement jai encore beaucoup de travail. Jen ai déjà abattu pas mal. Mais entre skier et faire du ski de compétition, ce sont deux choses différentes. Cest une nouvelle étape dans mon cheminement de remise en forme. Il faut que jempile les heures pour réhabituer mon corps, mes articulations, mes muscles, aux sollicitations du ski, et cela ne va pas venir du jour au lendemain. Il faut retrouver de la cuisse, pour que mon genou soit bien stable. Cest un travail qui est à 90% dans laxe, avec des squats, de la biométrie, alors quen ski on est partout sauf dans laxe."
"Cela m'a donné le sourire"
Combien de temps avez-vous skié ?
J.L.: "Jai fait deux matinées. Quand on parle de patience cela en fait partie. Si je fais dix jours de ski daffilée, cest sûr que je vais exploser en vol. Lidée était de reprendre tranquillement. Jeudi et dimanche il faisait très mauvais, donc jai skié vendredi et samedi. Le vendredi sest bien passé, et je suis resté tranquille laprès-midi après une bonne séance détirements avec le kiné. Et le lendemain matin, ce nétait pas pire. Jai même limpression que cétait mieux. Cétait positif. Et le samedi, la neige avait durci, les conditions étaient encore meilleures. Jai fait au moins une dizaine de descentes par matinée. Cela ma fait du bien, cela ma donné le sourire. Cétait ma plongée dans lhiver, enfin."
Avez-vous ressenti des douleurs lors de ces deux matinées à Tignes ?
J.L.: "Cétait ce que je pensais. La douleur est très subjective pour moi. Depuis mon opération du genou en 2005, jai toujours eu mal. Après, il y a mal et mal. Il y a celui qui te permet quand même de skier, de tentraîner, et quand tu es chaud tout va bien, et le seul souci cest la récupération, les étirements. Et il y a le mal au genou comme jai connu à lhiver 2011, où je ne faisais plus rien, le corps ne répondait plus, la douleur inhibait la contraction musculaire et on finit par faire nimporte quoi. Là, je suis entre les deux. Lavantage avec ma reprise en ski libre, cest que je ne me suis pas fait de grosse chaleur, je nai pas fait de gros virages. Jy suis allé prudemment.
Mais depuis que jai repris un processus normal de rééducation depuis six mois, je me rends compte que plus je mentraîne, plus que je peux enchaîner les séances, plus jaugmente les charges, moins jai de douleurs. Cest très encourageant. Jétais arrivé à un point où je navais plus du tout de muscle. Du coup mon schéma corporel, ma rotule et mes tendons, nétait plus dans le bon axe. Et jétais dans un cercle vicieux: un manque de muscle qui ne te met pas dans le bon axe, et pour que ça aille mieux, il faut que tu fasses du muscle, mais pour le faire, il faut que tu sollicites alors même que cette sollicitation crée la douleur. Cest pour ça que cela prend énormément de temps. Il faut trouver des exercices qui permettent de solliciter sans créer trop de douleurs. Jai déjà retrouvé pas mal de muscles. Je ne suis pas loin dêtre symétrique, mais il faut encore être patient. Jen passe des heures à la muscu, jen passe des heures sur le vélo, en course à pied, en balnéo, et cela progresse. Et tant que cela progresse, je ne lâche rien. Le jour où je stagnerai, il sera temps de faire un point. Le ski était vraiment une étape importante pour tout le monde, mais je différencie bien le retour sur les skis dun retour à lentraînement. Ce nest pas du tout la même chose."
A Val-d'Isère en spectateur actif pour le Critérium
Avez-vous ressenti des courbatures après ces deux journées ?
J.L.: "Non. Cest bon signe parce que cela veut dire que je suis prêt physiquement. Mais le signe négatif, cest que le corps est très intelligent, et donc il compense. Je suis focalisé là-dessus : que les contraintes sur ma jambe gauche soient les mêmes que sur ma jambe droite. Cest très fin, donc on utilise la vidéo, des tapis de podologie, afin de mettre des faits sur des sensations. Lun de mes objectifs, cest de pouvoir me dire un jour : 'Jai des courbatures sur ma jambe gauche'. Cela me ferait du bien, au muscle, pas au genou (rires). Jai encore beaucoup à travailler tout ce qui est changements de direction, accélération. Je men suis rendu compte sur les skis, avec tout ce qui est en latéral. Leffort dans laxe vers lavant, pas de souci, vers larrière, en ski ce nest jamais bon signe et ma rotule naime pas donc il faut que je le proscrive, mais il reste la latéralité. Cela va venir avec le temps."
Quel est votre programme dans les semaines à venir ?
J.L.: "Mon programme, cest pas de programme, comme depuis le début. Mon objectif est de continuer à progresser, étape par étape. Il ne faut pas vouloir en faire tous les jours, sinon la machine ne tient pas. Mais si je coupe deux jours, sans rien faire, le genou se raidit très rapidement. Il faut toujours que je garde une petite activité. Là, jai skié deux jours, puis je me suis octroyé une journée tranquille, et hier matin jétais de retour à la muscu, ce matin aussi, demain matin aussi, jeudi matin également, et je vais remonter à Val-dIsère pour le Critérium, pour en profiter pour skier, pour voir les courses, voir les copains, partager des moments. Lobjectif va être de continuer ski, entraînement, ski, entraînement, avec laugmentation des quantités, des charges, de lintensité."
Vous êtes redevenu skieur, mais pas encore skieur de haut niveau...
J.L.: "Oh là, skieur de haut niveau, jai encore du boulot. Mais redevenir skieur après deux ans, cest déjà pas mal."
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