Cet article date de plus de quatre ans.

Lev Yachine, toujours seul au sommet

Trente ans après sa mort, Lev Yachine est toujours le seul gardien à avoir remporté un Ballon d'Or. Le portier de la sélection soviétique, avec laquelle il a remporté l'Euro 1960, a marqué son époque par son style précurseur.
Article rédigé par Hugo Monier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
 

Trente ans après sa mort, Lev Yachine est toujours le roi des gardiens de but. Ni l’Italien Gianluigi Buffon, ni les Allemands Oliver Kahn et Manuel Neuer, ne sont parvenus à succéder à l’éternel moscovite, fidèle à la capitale russe de sa naissance jusqu’à la fin de sa vie. Cinquante-sept ans après son Ballon d’or 1963, Yachine reste le seul gardien à avoir remporté le plus beau trophée individuel. 

La légende de l’araignée noire 

La carrière de Lev Yachine avait pourtant débuté difficilement. Pour sa première avec le Dynamo Moscou, en 1950, il juge mal un dégagement du gardien adverse et encaisse un but gag. Barré par le gardien de l’équipe nationale soviétique, “le tigre” Alexei Khomich, il devra patienter en réserve jusqu’en 1953. Tenté par une carrière dans le hockey sur glace, qu’il pratique en parallèle jusqu’en 54, Yachine a finalement eu raison de persévérer. Il prend la suite de Khomich à son départ du club et débute vraiment son incroyable carrière. Avec le Dynamo, il remporte cinq championnats et trois coupes de l’Union soviétique. 
 

  (DONSKOY DMITRYI / SPUTNIK)

Mais c’est avec la sélection nationale qu’il acquiert sa renommée. Celle-ci débute par une médaille d’or aux Jeux olympiques 1956, où l’Union Soviétique s’impose en finale face à la redoutable Yougoslavie. Quatre ans plus tard, Yachine et l’URSS frappent un grand coup en remportant le premier championnat d’Europe, encore une fois face à la Yougoslavie (2-1). La tenue noire de Yachine, qui lui vaudra plus tard ses surnoms d’araignée noire et de panthère noire, entre dans la légende. L’URSS atteint de nouveau la finale en 1964, mais cède face à l’Espagne franquiste d’un autre Ballon d’Or, Luis Suarez.

Car Yachine est arrivé à l’Euro avec le mythique titre dans sa valise. Quelques mois plus tôt, il a devancé le Milanais Gianni Rivera et l’attaquant de Tottenham Jimmy Greaves dans le vote des journalistes pour le Ballon d’Or, qui récompensait alors le meilleur joueur européen. Sa performance magistrale dans un match de gala “Angleterre contre le reste du monde”, la même année, a grandement contribué à ce titre. 

La Coupe du monde, toujours hors d'atteinte

Heureux à l’Euro, Yachine a couru toute sa carrière après la Coupe du monde. Sans succès. Sa première participation en 1958 a marqué sa révélation sur la scène internationale. L’URSS a terminé sa phase de groupe par un match contre le tenant du titre, le Brésil de Pelé. “Certains assurent qu’une équipe avec Pelé démarre ses matches avec un but d’avance, disait le Brésilien. Avec Yachine, c’est deux buts d’avance.” Mais cela n’empêchera pas le Brésil de sortir vainqueur d’un match largement dominé (2-0), où Yachine a évité une déculottée à ses coéquipiers.

Le parcours soviétique s’est arrêté dès les quarts face à la Suède (2-0), future finaliste de la compétition. La Coupe du monde 1962 sera malheureuse pour Yachine, victime de plusieurs commotions cérébrales. Loin d’être impérial lors d’un match de groupe contre la Colombie (4-4 après avoir mené 4-1), il ne parvient pas à empêcher une nouvelle défaite en quarts face au Chili, pays hôte (2-1). 

A 36 ans, il remet sa tenue noir pour disputer une ultime compétition avec l’URSS. Au repos pour les deux premiers matches, il est décisif lors du quart de finale contre la Hongrie. Mais l’Allemagne de Franz Beckenbauer s’avère un trop gros morceau en demi-finale pour les Soviétiques, qui terminent à la 4e place. Leur meilleure performance dans l'histoire de la compétition. Il participera à la Coupe du monde 1970 dans un rôle secondaire, troisième gardien plus proche d’un assistant-coach

Un style précurseur resté dans l'histoire

Plus que ses résultats, le style de Lev Yashin a contribué à sa légende. Un physique hors-norme pour l’époque, qui lui offrait une mobilité et une souplesse inédites au poste, à l’époque cantonné sur la ligne. “J’ai couru, j’ai fait du saut en hauteur, du lancer de poids, du disque, pris des leçons d’escrime, me suis essayé à la boxe, au plongeon, à la lutte, au patinage, j’ai testé le basket, joué au hockey sur glace, au water-polo et au football, expliquait Yachine. J’ai passé mes hivers sur des skis et des patins. Je ne suis pas sûr où j’étais le plus fort.” Et si son secret était plus terre à terre ? “Avant le match, je fumais une cigarette pour calmer mes nerfs et buvais une bonne vodka pour détendre mes muscles.”

Un physique mis au service d’un courage pour aller disputer des ballons que d’autres n’approchaient pas. Il développe également son jeu au pied, pour devenir le premier relanceur de son équipe, et excelle sur penalties, avec une statistique difficilement vérifiable de plus de 150 arrêts dans l’exercice. “La joie de voir Youri Gagarine voler dans l’espace n’est dépassée que par la joie d’un bel arrêt sur penalty” jugeait-il lui même. De quoi remodeler le poste à son image. “Tout ce qu’il faisait était de grande classe, a souligné son rival anglais Gordon Banks. Il a été le modèle du poste pour les dix ou quinze années suivantes. Je me visualisais en train de faire certaines choses qu’il faisait. Même si j’étais déjà en première division, j’apprenais de lui.” 

Athlète russe du siècle

En 1971, son jubilé rassemble plus de 100 000 personnes en tribunes alors que Franz Beckenbauer, Bobby Charlton ou encore Giacinto Facchetti viennent lui rendre hommage. Après sa retraite, il reste dans l’organigramme du Dynamo Moscou, qui lui dresse une statue devant le stade Dynamo, depuis rasé et reconstruit en VTB Arena. Sa fin de vie a été marquée par la maladie. D’abord une thrombophlébite, provoquant l’amputation d’une de ses jambes en 1986. Puis un cancer de l’estomac, qui a entraîné le décès de Yachine le 20 ou 21 mars 1990, selon les sources. Neuf ans après sa mort, en 1999, il est élu athlète russe du siècle. Son nom a également été immortalisé en Coupe du monde, où le meilleur gardien de la compétition reçoit, depuis 1994, le Trophée Lev Yachine. Hommage éternel à l’araignée noire. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.