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La crise sanitaire, "coup de massue" sur le sport dans les quartiers populaires

À cause de la pandémie de coronavirus, la pratique du sport en intérieur est à nouveau interdite depuis mi-janvier en France. Cette fermeture d'équipements sportifs a des conséquences dévastatrices sur le lien social dans les quartiers populaires.
Article rédigé par franceinfo: sport avec AFP
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min

Le gong sonne toujours la fin des rounds de trois minutes, les sacs de frappe pendulent encore au rythme des jabs et uppercuts. Pourtant, au club de boxe de Garges-lès-Gonesse, en banlieue parisienne, rares sont les sportifs qui peuvent s'entraîner en cet hiver de Covid-19. À cause de la pandémie de coronavirus, la pratique du sport en intérieur est à nouveau interdite depuis mi-janvier en France. Or, dans les villes populaires, cette fermeture d'équipements sportifs a des conséquences dévastatrices sur le lien social, s'alarment des élus locaux qui organisent lundi un sommet sur ce sujet.

"Ciment républicain" en danger

"Le sport dans nos quartiers est un ciment républicain, et déjà en difficulté hier. Avec la crise sanitaire, ça vient leur donner un coup de massue", déplore Benoit Jimenez, maire UDI de Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise). "Les gamins sont dehors, ils ne savent pas quoi foutre, du coup ils cherchent des noises aux policiers. C'est ça le sport depuis deux semaines." Un soir de semaine au Boxing Club de sa ville défavorisée, seule une dizaine de boxeurs professionnels ou de haut niveau - qui bénéficient d'une dérogation ministérielle - ont eu le droit d'enfiler les gants pour l'entraînement. Les coups claquent, les mouvements de jambes font couiner les semelles sur le sol en PVC du gymnase.

Fort de 250 licenciés en année hors Covid-19, le club en a déjà perdu 40% cette saison. Ses responsables hésitent même à encaisser les chèques de cotisations signés à la rentrée de septembre, vu l'impossibilité pour les adhérents de pratiquer. Un coup dur pour cette structure qui a couvé plusieurs championnes de France de boxe amateur. "Notre crainte c'est de se dire que tout ce qu'on a bâti en plus de 20 ans, il faut le reconstruire: le rapport de confiance aux parents, le rapport de confiance aux jeunes...", confie Khalid Zaouche, président du Boxing Club depuis 2000. "On a énormément d'appels de parents pour nous demander quand ça reprend, il y a une vraie impatience." Avec l'arrêt brutal et prolongé des entraînements, les responsables de l'association savent qu'ils récupéreront difficilement certains jeunes. Voire ne les retrouveront plus jamais sur le ring.

Ces longues interruptions ont démotivé jusqu'à certains des éléments les plus prometteurs. L'une des adolescentes du club, qui a commencé la boxe à l'âge de 6 ans, a ainsi refusé de répondre à l'appel de l'équipe de France cadette: "les six mois l'ont détruite, elle n'arrive plus à s'entraîner comme avant", raconte Emmanuel Dos Santos, l'entraîneur. Faute de pouvoir aller à la salle, Bengoro Bamba a passé le premier confinement à s'entraîner seul dans son poussiéreux parking souterrain. Ce boxeur super-moyen de 26 ans était tout juste passé professionnel lorsque la pandémie a frappé. Il n'a pas fait de combat depuis près d'un an.

Originaire du XIXe arrondissement de Paris, il sait ce qu'il doit à la discipline sportive. "Si je n'avais pas eu la boxe, je pense que j'aurais un peu mal fini parce qu'à mon plus jeune âge, j'étais très bagarreur, témoigne-t-il. La boxe m'a canalisé et a fait de moi une autre personne. J'ai arrêté de traîner au quartier, arrêté de fréquenter certaines personnes." Sportifs, associations et maires ont lancé cet automne plusieurs SOS dans la presse, appelant à sauver un monde sportif "au bord du gouffre" dans les quartiers populaires. Les difficultés rencontrées dans ces collectivités sont généralement antérieures, mais se retrouvent amplifiées par la crise sanitaire.

Les zones urbaines sensibles ont notamment près de deux fois moins d'équipements sportifs en proportion que la moyenne française, selon un rapport de 2014 du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. "Tous mes équipements sportifs sont pleins, du samedi au dimanche, il n'y a plus un seul créneau", confirme le maire Benoit Jimenez. Le mouvement de mobilisation qu'il mène se poursuit avec la tenue lundi à Garges-lès-Gonesse d'un "Grenelle de l'éducation et de l'inclusion par le sport", à l'issue duquel le collectif d'élus locaux présentera dix propositions au gouvernement pour "sauver" le sport.

Au Boxing Club, le direct décroché par le coronavirus a fait chanceler mais on ne s'avoue pas encore K.O. Le round de la rentrée va cependant être décisif pour la trésorerie, prévient son président Khalid Zaouche: "si on repart sur la même saison en septembre, en deux saisons c'est fini."

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