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L'Internationale des tennismen, ça n'est pas pour demain

La révolution des prolétaires du tennis aura-t-elle lieu ? Pas gagné, car les revendications partent dans tous les sens, le chef est contesté, et les joueurs divisés. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Chypriote Marcos Baghdatis casse sa raquette lors du 1er tour de l'open d'Australie, le 18 janvier 2012, à Melbourne (Australie).  (TOBY MELVILLE / REUTERS)

A l'automne dernier, ils dénonçaient les cadences infernales auxquelles ils sont soumis. Quelques mois plus tard, les tennismen ne sont toujours pas contents. Objet de leur grogne ? Le rythme du circuit toujours, mais aussi les sommes reversées aux joueurs lors des tournois, le système de comptage des points de classement et... le président du Conseil des joueurs, Roger Federer, trop mou à leur goût. Mais si les joueurs ne sont pas d'accord avec ceux qui fixent les règles du jeu, ils ne sont pas d'accord entre eux non plus ! C'est sans doute pour ça qu'une Internationale des tennismen qui organiserait grèves et boycotts, ça n'est pas d'actualité. 

• Quelles sont les revendications des joueurs ?

Raccourcir la saison, toujours. Conformément à des accords passés il y a quelques temps, la durée de la saison, qui s'étale de début janvier à début décembre, va être rabotée de deux semaines : une semaine de pause pendant l'été et une saison qui se finit une semaine plus tôt. C'est à ce sujet que les tensions avaient éclaté, en septembre. Il y avait fracture entre les joueurs du top 20, qui vont souvent loin dans les tournois, et les autres, qui ont besoin d'enchaîner les compétitions pour survivre. Représentants des joueurs, de tous les joueurs, au sein du Conseil des joueurs, le Suisse Federer et l'Espagnol Nadal étaient restés prudents sur la question, concentrant leurs critiques sur l'US Open, qui avait fait n'importe quoi avec son calendrier. Au contraire, le Britannique Andy Murray s'était déchaîné, appelant à la grève.

L'augmentation des gains en Grand Chelem. Actuellement, environ 12 % du chiffre d'affaires généré par ces tournois est reversé aux joueurs, selon leur performances. Et les 88 % restants ? Réponse du blogueur spécialisé Christophe Thoreau : "Il faut savoir que pour l'open d'Australie, Roland-Garros et l'US Open, une large partie des bénéfices est injectée dans le développement du tennis. Il ne s'agit pas ici de reverser des dividendes à des actionnaires bedonnants qui se la couleraient douce au bord d'une piscine en Floride." 

Dici à 2015, l'enveloppe globale dévolue aux joueurs devrait être augmentée de 20 %. Pas assez, d'après des joueurs qui ont fait du yo-yo dans le classement ATP comme l'Américain John Isner ou le Russe Nikolay Davydenko. Ils affirment que les primes des tout premiers tours des tournois du Grand Chelem ne permettent pas de couvrir leurs frais (avion, entraîneur, logement...). 

Andy Murray, n°4 mondial, reçoit un chèque de 183 000 dollars (142 000 euros) après sa victoire au tournoi de Doha, au Qatar, le 10 janvier 2009.  (JULIAN FINNEY / GETTY IMAGES)

Le système de classement. Actuellement, le classement s'effectue en cumulant les points acquis pendant l'année. Ainsi, une victoire en tournoi du Grand Chelem vaut 2 000 points, un succès dans un tournoi majeur comme celui de Bercy, 1 000, et une victoire dans une compétition à l'impact plus régional, comme le tournoi de Metz, 250. Certains, dont Rafael Nadal relève Sports.fr, voudraient changer ce mode de calcul et établir la hiérarchie à partir des points des deux dernières années. Cela éviterait qu'un joueur majeur blessé plonge dans les profondeurs, comme ce fut le cas pour l'Argentin Del Potro, passé de la 5e à la 259e place mondiale en six mois, en 2010. 

• Pourquoi les joueurs ne sont pas unis

Les joueurs sont décisionnaires dans l'ATP (Association of Tennis Professionals), la structure qui gère l'organisation du calendrier. Avec le Conseil des joueurs, dirigé par Nadal et Federer, ils disposent d'un large pouvoir de décision. Y compris celui de nommer le patron de l'ATP. Comme récemment, l'ancien tennisman australien Brad Drewett. Ce dernier était le choix de Federer, pas celui de Nadal, croit savoir la Tribune de Genève. Diriger l'ATP, c'est à la fois être patron et dépendant des joueurs. S'ils sentent que leurs collègues sont mécontents, Nadal et Federer peuvent faire sauter la tête de l'ATP. C'est arrivé en 2007, rappelle le quotidien britannique The Telegraph

Mais alors qu' au début du mandat de Federer, les joueurs ne parlaient que d'une seule voix, ce n'est plus le cas. Première salve portée par Nikolay Davydenko, ancien n°3 mondial, sur le site de la chaîne américaine ESPN. Le Russe reproche à Federer sa timidité sur l'affaire des primes."Je ne sais pas pourquoi Roger ne nous soutient pas, nous, les joueurs. Il ne veut pas de problèmes, rester sympa, gagner des Grands Chelems. Il est Suisse. Il est parfait." 

Plus surprenant, Rafael Nadal, son allié de toujours, en a remis une couche juste après : "C’est facile pour Federer de ne rien faire. Il laisse les autres joueurs critiquer à sa place. Pendant ce temps, il a l’air d’un gentleman", a-t-il lâché en conférence de presse. Pour une fois qu'un joueur laisse au vestiaire la langue de bois... L'Espagnol nuance cependant son propos le lendemain : "Je n'aurais pas dû parler aux médias. Ça n'aurait pas dû sortir du vestiaire." 

• La méthode Federer en question

Laver son linge sale en famille, telle est la méthode Federer. Mais certaines stars estiment que cette tactique a fait son temps. S'exprimer publiquement signifie aussi mettre la pression sur les décideurs et obtenir gain de cause plus vite. Ainsi, sur la question de la grève, menace évoquée par les "meneurs" au début de l'open d'Australie, le 15 janvier, pour obtenir plus d'argent, Federer s'est montré très prudent. "La grève est un mot dangereux, a-t-il déclaré à ESPNS'il n'y a pas moyen de l'éviter, je soutiendrai les autres joueurs. Je pense qu'on devrait réfléchir à comment la faire, si on la fait, si on peut la faire, plutôt que de hurler au loup à son sujet." 

Finalement, les joueurs les plus remontés ont coché la date du tournoi californien d'Indian Wells, début mars, dans le calendrier. Ensemble, ils ont fixé cette échéance à l'ATP pour qu'elle propose une nouvelle répartition des gains. La révolution des tennismen attendra le printemps. 

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