L'apnéiste Michel Nox retient son souffle pour sensibiliser à la protection de la Méditerranée
Il y a un peu plus d'un mois, Michel Nox reliait Le Lavandou (Var) à Calvi (Corse) à la nage. Une traversée de 236 km, réalisée en 8 jours non-stop du 17 au 25 octobre, à raison de 8 heures de nage par jour. Ce défi sportif, Michel Nox, apnéiste de haut niveau, l’a imaginé et surtout réalisé afin de sensibiliser à la protection de la mer Méditerranée. “J'ai eu l’idée de ce défi lors du premier confinement, raconte-t-il. Toute la population vivant près des côtes a été privée du littoral, ce qui a été vécu avec une grande frustration. Alors je me suis dit que c’était peut-être le moment de sensibiliser les gens à cette cause, puisqu’ils avaient encore en tête cette interdiction d’accéder au littoral, et de faire passer un message”, explique-t-il.
“Si on continue de traiter la Mer Méditerranée comme on le fait actuellement, il faut avoir à l’esprit que cette interdiction peut devenir définitive”, explique l’apnéiste de 46 ans, qui a réalisé son premier défi sportif. “Je plonge depuis des années, et je me rends compte que la Mer Méditerranée souffre et est en train de mourir à cause notamment de la surpêche et de la pollution plastique”, alerte le Hyèrois.
Pour se lancer dans cette aventure, il s’est entraîné pendant trois mois, notamment pour augmenter son endurance de nage en surface. Pour le reste, il était déjà en condition. Car Michel Nox est loin d’être un inconnu. Apnéiste de haut niveau depuis six ans, il s’est fait une place dans le milieu et est devenu le spécialiste des fonds marins et des épaves. Son terrain de jeu fétiche : descendre en apnée à plus de 50 mètres de profondeur à la découverte des épaves et les filmer de l’extérieur et de l’intérieur pour en faire découvrir toute leur beauté.
Ce défi, il ne l’a pas réalisé seul. Le skipper professionnel Stéphane Girolata l’a accompagné avec son voilier lors de toute la traversée. “Il m'a proposé de mettre son bateau et ses compétences à ma disposition, afin de me suivre et d’assurer toute la logistique.” Michel Nox a aussi pu s’appuyer sur un masseur et d’une quatrième personne qui s'assurait de sa sécurité en mer. “Parfois je nageais assez loin du bateau, donc il s’assurait qu’il n’y avait pas de problème”, précise-t-il.
Défi sportif pour protéger la Méditerranée
Durant la traversée, Michel Nox a également réalisé des images des cétacés qu’il a rencontrés et de la biodiversité de l’écosystème marin. Mais les conditions climatiques l’ont empêché de capter toutes les prises de vues qu’il aurait souhaitées. “On a eu une très mauvaise météo, avec de la pluie, du vent, de la grêle. Avec un vent contraire, l’effort physique est d’autant plus dur à fournir. Ainsi, j’ai pris du retard à cause du courant, j'ai dû me concentrer à nager plus que prévu, donc je n'ai pas pu réaliser toutes les images que je voulais”, regrette l’apnéiste. Il en a emmagasiné toutefois assez pour en réaliser un documentaire, qu’il a monté lui-même, et qui sera disponible dès ce samedi.
Cette météo a aussi rendu plus complexe que prévu son parcours, non pas physiquement mais mentalement. “Parfois, je pouvais nager pendant 2 heures et n’avancer que de 200 mètres tellement le courant était fort. Au bout de 2h, quand je regardais ma montre connectée et que je me rendais compte que je n'avançais pas, c'était très dur psychologiquement”, souligne Michel Nox.
“La mer est le poumon de l'humanité. Si la mer se meurt, nous mourrons dans la foulée”
Mais pour lui, ce challenge en valait la peine. Car s’il s’est lancé ce défi extrême, c’est pour que le grand public se rende compte de l'état d'urgence sous la mer. “Quand vous ne mettez pas la tête sous l'eau, vous ne vous rendez pas compte. Il faut montrer au plus grand nombre la gravité de ce qu'il se passe, il faut tirer la sonnette d’alarme. La mer est le poumon de l'humanité. Si la mer se meurt, nous mourrons dans la foulée”, prévient Michel Nox, qui a d'ailleurs été le lanceur d’alerte de plusieurs scandales environnementaux comme les boues rouges à Marseille ou celui de l'affaire de la station d’épuration de Cassis qui avait pollué le littoral.
Cet engagement, Michel Nox le porte au fond de lui et défend l’idée que l’apnée et la protection de l'écosystème ne font qu’un. “L'apnée est une plongée pure, on est mêlé au milieu marin. Il y a une sorte de partage. On peut approcher le poisson de très près car on ne fait pas de bulles, ils n'ont donc pas peur. On ne laisse aucune trace de notre passage. C'est un peu une plongée écolo", souligne-t-il.
“Il n'y a pas un endroit en Méditerranée qui n'est pas souillé par le plastique”
Lors de sa traversée, le constat de la pollution en Mer Méditerranée a été sans appel. “Je m'attendais à voir beaucoup plus de mammifères marins. J’ai en revanche bien perçu la pollution plastique. Il y a des microparticules de plastique en pagaille. Partout où vous mettez la tête dans l'eau, dans un rayon de 200 m2, vous êtes certain de tomber sur un grand nombre de particules plastiques. Il n'y a pas, aujourd’hui, un endroit en Mer Méditerranée qui ne soit pas souillé par le plastique”, constate-t-il amer. “Il y a environ 250 milliards de microplastiques qui flottent à la surface de la Mer Méditerranée. Et dans les fonds marins, on a les records du monde. En effet, en termes de concentration, on a dépassé le million de déchets par kilomètre carré”, appuie François Galgani, chercheur à l'Ifremer, spécialiste des microplastiques et déchets marins.
La surpêche aussi dénoncée
Pour celui qui plonge sous la mer depuis ses 10 ans, la dégradation de la Mer Méditerranée s’observe à l’œil nu. “En trente ans, on observe l'impact humain sur le littoral. Quand j'étais petit, on avait constamment la crainte, quand on courrait sur les rochers, de se retrouver avec une épine d'oursin dans le pied. Aujourd’hui, je vous mets au défi de trouver des oursins”, s’inquiète-il.
En plus de la pollution plastique, Michel Nox dénonce la surpêche, responsable elle aussi de la dégradation de la Méditerranée. “Il y a soixante ans, on était 3 milliards sur terre, aujourd’hui on approche les 8 milliards. Le secteur de la pêche professionnelle met une pression de plus en plus forte sur l'écosystème. Comme le poisson se fait plus rare, les pêcheurs vont plus loin et plus profond. Ils pêchent près des épaves, qui sont des sanctuaires et nurseries à poissons. Tout cela fait qu'il y a de moins en moins d'espèces en Mer Méditerranée”, constate Michel Nox.
Après le succès de son premier défi sportif, Michel Nox pense déjà au prochain. “J’ai plusieurs projets à l’étude, notamment sur la protection des épaves en Méditerranée, car malheureusement aujourd’hui, on a plus le droit de les couler. Et les vestiges des épaves que nous avons actuellement subissent une forte dégradation dûe à la corrosion. L’idée serait de réaliser des vidéos sur les différentes épaves dans le bassin méditerranéen et de comparer ainsi les fonds marins et leur dégradation chez nos voisins Italiens, Espagnoles, Portugais et Grecs”, explique-t-il tout en rêvant à un autre défi, encore plus extrême. “Je prévois de refaire la traversée de la Méditerranée l'année prochaine mais en reliant cette fois l'Europe au continent africain." Car le combat pour la sauvegarde du joyau bleu est loin d'être fini.
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