Du vélo au patin à glace et du javelot au bobsleigh : ces athlètes ont participé à la fois aux JO d'été et aux JO d'hiver
Quelque 130 athlètes ont réussi l'exploit de s'aligner à la fois lors des JO d'hiver et lors des JO d'été. A l'occasion des olympiades de Pyeongchang (Corée du Sud), franceinfo a recueilli les témoignages de trois d'entre eux.
A moins de passer vos journées à feuilleter la presse des Iles Tonga, son nom ne vous dira rien. Pita Taufatofua mérite pourtant les honneurs. Deux ans après avoir donné (et reçu) des coups en taekwondo aux Jeux olympiques de Rio (Brésil), l'athlète va parcourir les pistes enneigées de Pyeongchang (Corée du Sud) en ski de fond, lors des JO qui ont débuté vendredi 9 février. Peu importe son classement final, il sera certain de rejoindre la liste des sportifs ayant réussi à s'aligner aussi bien sur les Jeux d'été que sur les Jeux d'hiver. Ils sont environ 130 à pouvoir s'en vanter, selon le site Olympstats. Franceinfo en a retrouvé trois qui reviennent sur leur expérience olympique.
Terry McHugh : "Je n’avais jamais fait de bobsleigh avant !"
Après dix e-mails et vingt textos, on a fini par mettre la main sur Terry McHugh. Et a priori, on a bien fait d'insister : l'Irlandais est très bavard au bout du fil. "J'ai tout mon temps, rigole l'ancien lanceur de javelot aujourd'hui âgé de 54 ans. Ce n'est pas tous les jours qu'un journaliste m'appelle." Le sportif au physique d'armoire à glace (1m93 pour plus de 100 kilos) a pourtant participé cinq fois aux Jeux olympiques.
J'avais 25 ans lorsque j'ai connu mes premières émotions olympiques. Moi, le petit gars qui débarque à Séoul, wooow !
Terry McHughà franceinfo
Après la Corée du Sud, aux JO de Séoul en 1988, il lancera ensuite son javelot à Barcelone en 1992, à Atlanta en 1996, puis à Sydney en 2000. A chaque fois, il se classe entre la 20e et la 30e place. Et son record personnel à 82,75 m fait toujours référence en Irlande.
Mais, à l'époque, le javelot ne lui suffit pas. A quelques semaines des Jeux d'Albertville en 1992, on lui propose de s'aligner... en bobsleigh ! Au-delà du côté insolite, ce serait un événement : l'Irlande n'a, jusque-là, jamais envoyé le moindre athlète aux Jeux d'hiver.
Cela s'est fait en quelques heures. Quelqu'un m'a contacté, il cherchait à créer une équipe. Mais moi, je n’en avais jamais fait avant ! D'ailleurs, personne ne fait de bobsleigh chez nous !
Terry McHughà franceinfo
Avant de dire oui, Terry McHugh se renseigne auprès d'amis qui ont déjà testé cette fichue caisse à savon pas très stable. "Tous m'ont dit que j'allais m'éclater !" Après plusieurs essais, le voilà officiellement retenu. Côté entraînement, "c'était un peu galère." Le pays ne disposant pas de structure adaptée, l'équipe part s'entraîner à l'étranger, essentiellement au Canada et en Autriche.
Ces déplacements coûtaient vraiment très cher. Il fallait se débrouiller pour limiter les frais. On ne faisait pas n’importe quoi, impossible de rester des semaines entières.
Terry McHughà franceinfo
La petite bande loue à la journée du matériel à des clubs locaux, limite le nombre de descentes, partage les chambres... A Albertville, le miracle n'a pas lieu : Pat McDonagh et Terry McHugh terminent 32e au classement général.
A peine rentré au pays, Terry McHugh doit vite reprendre l'entraînement. De javelot cette fois. Car les Jeux d'été de Barcelone arrivent cinq mois plus tard. "Les conditions n'étaient clairement pas idéales, admet-il après coup. J'ai connu mieux niveau préparation. Ça faisait beaucoup."
Deux ans plus tard, voyant les Jeux de Lillehammer (Norvège) approcher, il propose au comité olympique irlandais de retenter le coup en bobsleigh. Le rêve prend fin rapidement : le CIO souhaite limiter le nombre d'athlètes, et l'Irlande en fait les frais. "Dommage, on avait gagné en expérience."
Bilan des virées olympiques de Terry McHugh : aucune médaille. Mais "je ressens une vraie fierté d'avoir écrit à ma manière l'histoire du sport", lâche l'ancien champion désormais installé à Lucerne, en Suisse, où il entraîne l'équipe helvétique de javelot. "Là-bas, jamais personne ne m'a parlé de ma perf, sourit-il, presque déçu. Récemment, j'ai entendu une de mes athlètes parler de quelqu'un qui s’était qualifié pour les JO en bobsleigh, et qui avait fait de l’athlétisme aussi. Si elle connaissait mon histoire..."
Christa Luding-Rothenburger : "Eté comme hiver, j'ai remporté une médaille"
Dans l'histoire, seuls cinq sportifs ont été médaillés olympiques à la fois en hiver et en été. Mais un seul athlète l’a fait la même année. Il s'agit d'une femme, Christa Luding-Rothenburger. En 1988. Cette année-là, la patineuse de vitesse allemande commence par briller lors des Jeux d'hiver organisés à Calgary (Canada). Patins aux pieds, elle décroche l'argent sur le 500 mètres, puis l'or sur le 1 000 mètres.
Cinq mois plus tard, elle troque ses patins pour une bicyclette et investit le vélodrome de Séoul (Corée du Sud) pour la vitesse féminine sur piste des Jeux d'été... et repart avec une médaille d'argent autour du cou.
Christa Luding-Rothenburger, aujourd'hui âgée de 58 ans, n'a rien oublié de cette folle année. "J'avais à peine terminé le sport d'hiver que je devais me mettre au vélo, il ne fallait vraiment pas traîner", se souvient la championne olympique qui vit aujourd'hui à Dresde.
J'ai eu beaucoup moins de temps pour me préparer que mes concurrentes. Elles étaient toutes professionnelles et faisaient du vélo toute l'année. Pas moi.
Christa Luding-Rothenburgerà franceinfo
Malgré son retard, elle allonge les séances d'entraînement. "C'était du 7 heures-19 heures tous les jours." Au programme : gymnastique, cyclisme et musculation le matin, et rebelote l'après-midi. "A l'époque, je n'avais pas de sponsor. Je recevais juste des subventions de l'Etat est-allemand. De mémoire, c'était à peu près 25 000 DDR Mark." Juste de quoi couvrir ses frais. Et ses primes de victoires lui servent à acheter du matériel ou à meubler son appartement.
Aujourd'hui, Christa Luding-Rothenburger a arrêté le patinage. Mais elle continue de sillonner les routes de sa région à vélo. Et à en croire ceux qui tentent de prendre sa roue, elle a gardé un joli coup de pédale.
Glenroy Gilbert : "Je rêvais de remporter une médaille à chaque fois"
Quand il regarde les vidéos de ses performances sur YouTube, Glenroy Gilbert se dit que ce n'est pas passé loin. Qu'il aurait "vraiment pu" ajouter son nom à la liste des cinq athlètes ayant réussi à décrocher une médaille lors des Jeux olympiques d'hiver et d'été. "Oui, oui, j'en rêvais, reconnaît le Canadien auprès de franceinfo. Bon, maintenant c'est trop tard..." A 49 ans, l'ancien sprinteur n'a en effet plus "le talent", ni "les cuisses" pour aller chercher cette breloque qui lui manque. Il devra se contenter d'une médaille, celle en or décrochée sur le relais 4 x100 m au JO d'été d'Atlanta en 1996.
S'il a accepté de s'aligner en bobsleigh lors des JO d'hiver, ce n'était surtout pas pour faire de la figuration. "Mon compatriote Chris Lori est venu me trouver car il avait besoin de renfort. Il s'est dit que ça pouvait être moi."
Un sprinteur qui fait du bobsleigh, on se disait que c'était une bonne combinaison.
Glenroy Gilbertà franceinfo
Glenroy Gilbert a le profil idéal : puissant et explosif. Et comme tous les coureurs de sprint, il possède une musculature et une technique de foulée "intéressantes" pour pousser le bobsleigh. "Le truc auquel il faut s'adapter, c'est la surface de jeu. Courir sur du tartan ou sur de la glace, ça change au niveau des appuis", explique celui qui est aujourd'hui entraîneur de l'équipe nationale d'athlétisme canadienne.
Un bob à deux, ça pèse quand même 390 kg. Il faut avoir un peu de muscles. Ma puissance naturelle m’a aidé à pousser vite et fort.
Glenroy Gilbertà franceinfo
Le duo s'entraîne dur. En 1994, plus les Jeux de Lillehammer approchent, plus les séances s'intensifient. "A la fin, c'était matin, midi et soir." Renforcement musculaire, footing, sprint... "On n'allait pas en Norvège pour amuser la galerie, assure-t-il. Dans notre tête, c'était le podium qu'on visait." Le duo termine finalement 15e, loin derrière les Suisses et les Italiens. La faute à "quelques erreurs qui ne pardonnent pas dans ce sport".
La déception passée, Glenroy Gilbert rentre au Canada et reprend les séances d'athlétisme. Il s'aperçoit alors que le bobsleigh lui a été bénéfique. "Mon accélération sur les 25 premiers mètres en sprint était déjà très bonne. Avec cette expérience en bob, vous n’allez pas me croire, mais elle s’est encore améliorée."
Malgré le décalage horaire, Glenroy Gilbert sera devant sa télé pour suivre les épreuves de bobsleigh à Pyeongchang. "Je regarderai cela d'un œil amusé. Vous savez, depuis Lillehammer, je n'en ai jamais refait."
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